pistolets. Les échelles de cordes sont chargées de combattants, qui lan-
cent partout la mort. Ces manœuvres répétées par les vaisseaux voisins
durent environ trois quarts d’heure ; vingt minutes après, l’ordre et le
silence régnent à bord. Notre beau voyage d’Orient s’achève ainsi
par un bouquet de feu d’artifice qu’aucun de nous ne pourra oublier.
Le 16, nous nous embarquons sur le Stamboul pour Constantinople ;
A sept heures du matin,entrés dans les Dardanelles, nous saluons le tom-
beau d’Achille, le fleuve Scamandre, les deux forteresses terribles qui
défendent l’entrée du détroit. L’œil se plaît à rapprocher ainsi ces deux
grandes parties du monde, l’Europe et l’Asie. Nous apercevons Galli-
poli, et, à trois heures du matin, par un gros temps et un clair de lune
magnifique, nous doublons la pointe du sérail à Constantinople; la ville
est couverte de neige, les rigueurs de la saison ne nous permettent pas
d’en juger aussi favorablement que nous aurions pu le faire à une autre
époque. Nous logeons à Péra, hôtel de l’Odéon. Les rues sont, par le
temps qu’il fait, d’étroits et montueux cloaques; partout, la redingote
européenne et les gamins en casquettes se montrent à l’artiste désolé.
M. de Pontois, l’ambassadeur de France, nous fait le plus aimable ac-
cueil et met toute son obligeance à nousfaciliter les moyens de visiter les
curiosités de la ville; son secrétaire est empressé de nous procurer tous
les agréments possibles. A l’aide d’un firman du sultan, nous pénétrons
dans la mosquée de Sainte-Sophie, trop bien décrite partout pour en
parler ici; ce que nous affirmons, c’est que la beauté proverbiale de ce
monument est bien au-dessous de sa réputation. Toutes les mosquées
de Constantinople sont bâties sur le même modèle; il y en a un grand
nombre, et la quantité peut suppléer dans l'ensemble à la qualité.Montés
sur la tour deGalata, nous découvrons un des plus beaux points de
vue du monde ; l’entrée du Bosphore a quelque chose d’imposant et de
majestueux par son immensité; les vaisseaux nombreux qui circulent
et se croisent au milieu de cette capitale, me rappellent, en très-petit,
la magique entrée de Londres par ]a Tamise.
Pour aller du quartier Péra (quartier franc) à Constantinople, on tra-
verse le port en petites barques (appelées caïques), longues et très-faciles
à chavirer; elles sillonnent les flots avec la rapidité de la flèche, et sont
les cabriolets de la ville. Il neige presque tous les jours. Je fais néan-
moins quelques daguerréotypes, et, pour éviter d’étre ennuyé par les
importuns, je leur fais croire que je prépare du café dans ma chambre
obscure par un procédé particulier. C’est à ce stratagème que je dois une
épreuve de la mosquée de Sainte-Sophie faite pendant la neige, au milieu
d’un cercle de passants questionneurs. Notre hôtel appartient à deux