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Grand-Carteret, John
Les moeurs et la caricature en France — Paris, 1888

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https://doi.org/10.11588/diglit.9066#0254

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LES MOEURS ET LA CAIUCATUKK EN FRANCE

et qui marque si profondément dans les arts et dans les lettres. On a vu
comment, grâce à des circonstances particulières, le règne de Louis-Philippe
vit éclore la caricature politique ; on va voir, maintenant, et les côtés spé-
ciaux de sa conception graphique et les hommes qui affluèrent de toutes
parts, dans le domaine de l'étude de mœurs devenu pour ainsi dire le
domaine de la caricature elle-même, depuis que l'esprit des satiristes ne
peut plus toucher à d'autres questions.

Considéré au point de vue des mœurs, ce règne peut se diviser en deux
grandes périodes : la première, pittoresque, assoiffée d'idéals, visant,
avant tout, la société boutiquière et maltôtière, l'autocratie des écus et des
chiffres, rêvant d'immensités inconnues, cherchant à être « plus artiste
que Dieu, » ayant pour dogme fondamental ces mots du catéchisme Bou-
singot : « Amour, enthousiasme, étude, poésie; » — la seconde, après
l'affaissement du romantisme, bourgeoise et pacifique dans tous les domaines,
ayant horreur des nouveautés, ayant cristallisé l'intelligence, peuplé la
France de petits rentiers retirés de l'épicerie, proclamant la supériorité de
l'éloquence argentière, et, de fait, ne voyant rien au-dessus du crustacé.

En un mot, la France était sortie de l'époque belliqueuse pour entrer dans
cette période industrielle qui vous glace par son égoïsme. « Si nous eussions
vu la France sous Napoléon, » dit Gaétan Niepovié dans ses intéressantes
études sur Paris, « nous y aurions pris pour type un bivouac. — Aujour-
d'hui, nous avons pris pour type la boutique, — la vie étant là. »

« Cette vaste corporation d'égoïstes, » continue le môme auteur, — il
s'agit des boutiquiers, — « envoie des députés à la Chambre; cette engeance
s'y assied elle-même. Dites-moi s'il y a là une âme, une foi, une croyance?
Comme individu, rarement; comme corps, jamais. Cela écorche et cela
digère, cela lève de pitié les épaules au nom d'un Chateaubriand, au nom
d'un Lamartine ; cela évite avec soin d'être obligé pour ne pas obliger ; cela
vit, s'enrichit et jouit lorsque la besogne marche; combien cela dépérit,
cela meurt lorsque la besogne va mal. »

C'est cette société dans laquelle tout a été compté et rangé symétrique-
ment, depuis les morceaux de sucre perdus dans le sucrier jusqu'aux
tableaux accrochés au mur, que les observateurs , les humoristes, les sati-
ristes, les Henry Monnier, les Daumier, les Gavarni, les Grandville vont
noter avec malice ou flageller comme elle le mérite.

Mais, avant d'aborder ou de reprendre l'œuvre des grands maîtres de la
caricature, piquons, pour ainsi dire au passage, quelques pièces bien parti-
culières, quelques-uns de ces documents graphiques qui servent à esquisser,
 
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