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Grand-Carteret, John
Les moeurs et la caricature en France — Paris, 1888

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https://doi.org/10.11588/diglit.9066#0323

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288

LES MOEURS ET LA CARICATURE EN FRANCE

charme, que toujours aussi, on éprouve un nouveau plaisir à les voir. Par
son crayon très artistique, par son moelleux, par le talent avec lequel il
ménage la lumière, par le brillant de ses noirs, par son faire, en un mot,
il s'élève au-dessus de Gavarni, tandis que ce dernier reste incontestable-
ment son maître, pour le piquant de la légende et la profondeur de la pen-
sée. Etude intéressante, au point de vue du métier, que la comparaison
entre ces deux représentants d'un genre essentiellement français qui bientôt
occupera la place capitale dans l'illustration.

J'ai déjà parlé à plusieurs reprises de Traviès, cet artiste d'abord remar-
qué pour son trait grêle, singulièrement contourné, et qui, peu à peu, aban-
donne la plume pour les gras du crayon. Vainement, il cherche à se faire
place, à se créer un genre entre Gavarni et Daumier; malgré une dose in-
contestable de talent il n'y parvient pas. Obligé de subir le maître, il essaie
alors de s'en rapprocher, collaborant avec lui à la série des Types français^,
tentant une sorte d'alliance entre Mayeux et Robert-Macaire.

Car le joyeux bossu dont on sait les prouesses pendantle cholérade 1832-.
dont on connaît les diverses incarnations, qui, tour à tour, cordonnier, con-
fiseur, pharmacien, charcutier, marchand de nouveautés, débite sa mar-
chandise aux jolies femmes, en l'accompagnant de propos plus que galants,
cultivant le gros sel et la grosse polissonnerie, comme un véritable enfant
de la Restauration, ce bossu qui a son éminence, se sent quand même
quelque peu isolé en présence du nouveau personnage auquel Daumier a
donné une si fière allure.

C'est pourquoi Traviès eut l'idée d'exécuter la série Mayeux et Robert-
Macaire, série qui met aux prises les deux grands hommes ayant l'un la
bosse de la malice, l'autre la bosse du vol. « C'est vrai, mon vieux, » dit
Macaire, « je vous ai dégommé, pourtant il y avait du bon dans votre sys-
tème, vous vous adressiez au beau sexe... polisson ! moi je me suis voué à
l'industrie, mais la société n'est pas raisonnable. »

Mais Mayeux a beau faire, l'amitié d'un homme illustre ne parvient pas
à lui rendre la confiance de ses concitoyens et, vers 1840, il est tout à fait
oublié. Réduit à la portion congrue, Traviès se confine dans les scènes
bachiques, dans les scènes de barrières dont il a, du reste, la spécialité, et
qui, sans offrir un intérêt palpitant, sont, cependant, toujours goûtées du
public, parce qu'il a su rendre avec son crayon les joies et les douleurs du
peuple.

1 Série publiée dans le Charivari de 1837.
* Voir l'estampe de la page 233.
 
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