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N° 9.

15 Mai 1871.

Treizième Année.

JOURNAL DES BEAUX-ARTS

ET DE LA LITTÉRATURE

paraissant deux fois par mois, sous la direction de M. Ad. SUJET, memlire de l'Académie royale de Belgique, memlire correspondant de la Commission royale des monuments, memlire de
l'Institut des provinces de France, de la Société française d'Archéologie, de l'Académie de Reims, de l’Académie d!Archéologie de Madrid, etc.

On s’abonne: à Anvers, chez TESSARO, éditeur ; à Bruxelles, chez DECQ et MUQUARDT ; à Gand, chez
HOSTE et ROGGÉ ; à Liège, chez DE SOERetDECQ ; dans les autres villes, chez tous les libraires. Pour l’Al-
lemagne, la Russie et l’Amérique: C. MUQUARDT. I.a France : RENOUA RD, Paris. Pour la Hollande :

MARTINUS NYHOFF, à la Haye. Pour l’Angleterre et l’Irlande : chez BARTIIES et LOWELL, 14, Great
Xlarlborough Street, à Londres. — i*rîx d’abonnement : pour toute la Belgique, (port compris . — |

Par an, 8 fr. — Étranger, (port compris). — Allemagne, 3 thl 10 gr. — France, 11 fr. —Hollande, 5 fl.—
Angleterre et Irlande, 8. s. 6 d. — Prix par numéro 40 e. — Réclames : 50 e. la ligne. — Pour les
grandes annonces on traite à forfait. — Annonces : 30 c. la ligne. — Pour tout ce qui regarde l’admini-
stration ou les annonces s’adresser à M. le Directeur du Journal des Beaux-Arts, rue du Casino, à
St-Nicolas. — Il pourra être rendu compte des ouvrages dont un exemplaire sera adressé à la rédaction.

Pour tout ce qui concerne la partie française s’adresser a M. J. J. GUIFFREY, rue d’Hauteyille N° 1, a Paris.
M. C. Muquardt est le seul éditeur et représentant du Journal des Beaux-Arls pour VAllemagne, la Russie et l'Amérique.

SOMMAIRE : Belgique. Exposition des œu-
vres de Navez. — Corresp. part. Bruxelles. —
Autre. — Exposition à Namur. — Correspon-
dance part, de Liège. — Un iconoclaste. —
Allemagne. Corr. part, de Berlin. — Chronique
générale. — Annonces.

BELGIQUE.

EXPOSITION

DES ŒUVRES DE FR. J. NAVEZ.

Cette exposition, en même temps qu’elle
est le plus bel hommage rendu à la mémoire
de l’artiste, est la justification du rang élevé
que l’opinion publique assigne à François
Joseph Navez. Il est, en effet, impossible de
ne pas être ému en présence des magnifi-
ques portraits sortis du pinceau et du cœur
de ce peintre qui, pendant un demi-siècle,a
professé pour l’art un culte sévère et res-
pectueux ; il est impossible aussi de ne
pas reconnaître de la manière la plus évi-
dente l’énorme distance qui sépare cet ac-
cent sincère et vrai, cette manifestation
franche, limpide et d’une adorable pléni-
tude de simplicité, des systèmes adoptés
aujourd’hui par beaucoup d’artistes pour
briller dans un genre qui sera toujours l’ex-
pression la plus réelle du véritable talent.
C’est, en même temps qu’une leçon pour le
public, une leçon non moins utile pour les
artistes,et l’on pourrait même ajouter,pour
beaucoup de ees derniers, que la leçon est
cruelle. Vit-on jamais la nature plus excel-
lemment traduite? Vil-on jamais l’âme se
refléter avec plus de rayonnement et de pro-
fondeur sur la physionomie de modèles qui
en général n’avaient rien de particulier
dans le type et qui, même à certains égards,
offraient quelque peu de vulgarisme. Quelle
délicieuse simplicité de pose, quelle vie
dans le sourire, quelle expression indéfi-
nissable dans l’œil, quelle poésie réelle
dans ce séduisant naturalisme et surtout
quel tact !

Oui, c’est le tact qui dans la peinture du
portrait a placé Navez si bien et si haut. Il
n’y a là ni système ni tâtonnements, il y a
simplement une merveilleuse entente des

convenances physiques et une non moins
merveilleuse compréhension de la manière
dont les émotions de l’âme arrivent àse
produire sur la physionomie. Le sourire
épanoui sur le frais visage d’une jeune fille
eût été pour un autre un résultat, mais Na-
vez ne l’entendait pas ainsi ; il remontait
de ce résultat à la cause ; dès lors, maître
de la pensée de son modèle, il en compre-
nait bien mieux la valeur et l’on peut dire
que dans son œuvre, de l’ébauche à la fin,
il suivait physiologiquement l’histoire de la
formation de ce sourire. C’est ce tact qui
l’a rendu si fort, si personnel, si pénétrant;
c’est grâce à ce tact que ses portraits ont
ce caractère puissant qui fait que certai-
nes figures de llolbein ne sortent plus du
souvenir du spectateur une fois que celui-ci
les considérées avec quelque attention.
Tous les visiteurs de l’exposition sont par-
tis emportant avec eux l’empreinte de l’i-
mage examinée comme si le soleil l’eût gra-
vée dans leur cerveau.

Navez, dans ses tableaux d’histoire et de
genre, ne saurait prétendre au même suc-
cès. On peut dire, sans crainte d’être dé-
menti, que son penchant naturel l’a porté à
forcer la note expressive et sentimentale de
ses sujets ; de là, dans une œuvre compo-
sée de plusieurs figures, un diapason dra-
matique général trop élevé. Ce qu’il com-
prenait admirablement pour le portrait qui
doit représenter l’homme dans son entiè-
reté multiple, il l’a instinctivement et sans
raisonner, reporté sur des sujets faits pour
vivre d’une vie extérieure. C’est pourquoi
dans beaucoup de ses œuvres historiques
et de genre, on rencontre une certaine exa-
gération qui nuit à l’effet. Toutefois, lois-
qu’est faite la part de l’erreur, si erreur il
y a, il reste encore des specimens d’un ta-
lent qui, pour l’époque, a une signification
et une importance réelles.

Navez est un intermédiaire entre David
et Ingres; il a les qualités et les défauts
de ces deux maîtres et l’on dirait, en obser-
vant bien, que sa pénétration s’est appli-
quée à acquérir les unes et à éviter les

1 autres, se sentant lui-même envahi par l’in-
fluence de ces deux peintres. Il a voulu
! penser comme Ingres et quelquefois il vou-
lait éviter de peindre comme peignait par-
fois David. Disons-le hautement, dans ses
portraits il y a presque toujours réussi.

Si Navez, comme à peu près tous les ar-
tistes, eut ses jours d’amertume, il eut
aussi ses jours de bonheur. Ame naïve,
cœur aimant , enthousiaste, il eut des tri-
omphes qu’augmentèrent pour lui les pré-
cieuses qualités dont il était doué comme
aussi la foi intelligente qu’il avait dans ses
propres forces. Il a pu et dû voir la gloire
qui l’attendait, car il savait l’avoir méritée.
Il n’ignorait pas les services qu’il avait
rendus à l’art par un enseignement dont le
pays conservera longtemps les traditions et
dont l’exposition d’aujourd’hui prouve l’in-
faillible excellence.

(Correspondance particulière.)

Bruxelles.

Mon cher Directeur,

Le succès des artistes belges à l’exposition
deLondres,succèsquele Journal des Beaux-
Arls a été un des premiers, si ce n’est le
premier à annoncer, est aujourd’hui officiel-
lement confirmé par les organes de toute la
presse. C’est vers le compartiment des pein-
tures flamandes que se dirigent de préférence
les visiteurs. De nombreuses acquisitions,
de nombreuses commandes, des offres en
grand nombre aussi sont faites à nos ex-
posants. Les détails que j’ai donnés à cette
même place, il y a un mois ou deux, sur ce
qui constitue notre contingent artistique,per-
mettront à vos lecteurs d’établir jusqu’à
quel point un accueil aussi encourageant se
justifie.

Et cependant quelques esprits chagrins
exprimaient des doutes sur l’impression que
notre école irait faire là-bas. On n’y voyait
rien de saillant, rien de neuf, rien d’une va-
leur transcendante. On aurait voulu mieux.
Ces craintes et ces scrupules partaient d’un
bon sentiment.Us témoignaient d’un désir ar-
dent de voir consacrer notre réputation. L’es-
 
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