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Institut Français d'Archéologie Orientale <al-Qāhira> [Editor]; Mission Archéologique Française <al-Qāhira> [Editor]
Recueil de travaux relatifs à la philologie et à l'archéologie égyptiennes et assyriennes: pour servir de bullletin à la Mission Française du Caire — 1.1870

DOI issue:
Nr. 3
DOI article:
Grébaut, Eugène: Des deux yeux du disque solaire, [2]
DOI Page / Citation link: 
https://doi.org/10.11588/diglit.12056#0136

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120

Des deux yeux du disque solaire.

divinités mises en action par les mythes solaires, comme des exilés qui achèvent leur
existence sur un sol hospitalier, mais étranger.

Le prêtre ne justifierait donc pas le monothéisme par l'absorption des dieux dans le
Soleil. C'est un signe, qu'il aime à montrer, une conséquence, qu'il poursuit par système.
Le système demeura toujours imparfait: il n'en pouvait être autrement, Non que le prêtre
ait dû se préoccuper outre mesure de la persistance de certains dieux dans les souvenirs
populaires. La religion des textes n'est pas une croyance populaire; c'est le raisonnement
des gens instruits dans la science des Égyptiens. Le peuple, peu apte à interpréter les légendes
traditionnelles, honorait de préférence ses animaux sacrés et les oignons de ses jardins1,
abandonnant aux lettrés les préoccupations sublimes. Le culte solaire opposait par lui-même
une résistance plus grave, Le disque partage avec le Nil, la Lune, bien d'autres dieux, le
soin de vivifier l'Egypte. Sa personnification ne permet pas d'atteindre à l'unité ; sa prééminence
favorise, au plus, les premiers pas vers le monothéisme.

Pourtant le monothéisme de la religion égyptienne est incontestable. Il ne faudrait
pas croire que l'enseignement résultant des compositions religieuses s'arrêtât à un polythéisme
affaibli par la tendance à négliger les dieux moins populaires, en retenant surtout le Soleil,
la Lune et le Nil. Le titre d'unique n'est pas donné à un dieu pris isolément, d'après ses
attributions, dans sa sphère de pouvoir. L'hymne de Boulaq contemple un seul être en Ammon
dans son rôle et en Ammon réuni aux dieux2. Les identifications des dieux entre eux sup-
posent l'unité.

Voici le secret du monothéisme. Non-seulement le prêtre n'adore plus le Nil, la
Terre etc.; il n'adore plus le disque, ni même, à proprement parler, une âme du Soleil.
L'âme unique de tous les dieux est son Dieu, âme invisible, qui vient dans le Soleil, et
dans le Nil, et dans la Lune, vivifier le Monde. Le Soleil en est la plus éclatante mani-
festation matérielle, Son nom reste un mystère; on ne définit que les formes qu'on saisit.
Démontrée par le Soleil, la Lune, le Nil, tous les corps qu'elle est censée venir habiter3,
cause invisible de leur action bienfaisante, leurs noms la rappellent. En dehors de cette
explication, fournie par les prêtres en maint passage de leurs écrits pris à la lettre, le mono-
théisme égyptien resterait la plus incompréhensible des affirmations. Avec elle la multiplicité des
figures traditionnelles cesse de faire obstacle au dogme. L'importance de la principale de ses
manifestations justifie la désignation plus fréquente de l'Être qui n'a pas de nom par les noms
du Soleil. On rappelle les autres sans contredire le principe de l'unité. A la crue du Nil, à
la pleine Lune, on mêle aux prières à la Lune et au fleuve les formules de la résurrection
solaire pour célébrer sous toutes ses formes le triomphe du dieu vivificateur.

Tel apparaît, à l'époque historique, le sens du dieu solaire par excellence, Eâ et de
tous les dieux, devenus ses dédoublements. Dans ce système, il importe que l'âme divine

1) Je ne rejette pas le témoignage des anciens sur ce point, comme on l'a fait: il n'est nullement
inconciliable avec nos découvertes.

2) Parmi quelques formules du monothéisme auxquelles on n'a pas prêté l'attention qu'elles
méritent, et que je rapporte dans mes Études religieuses, je signalerai tout particulièrement la suivante:
«Celui qui réside dans les dieux, c'est-à-dire l'unique».

3) Circonstance intéressante, qui aide à comprendre comment le monothéisme égyptien prit les
caractères du panthéisme,
 
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