Lettre a M. Maspero, etc.
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aliu d'aller plus vite, ou se dictant à eux-mêmes en prononçant tout haut ce qu'ils vont
écrive, afin sans doute de se désennuyer. J'en trouve un exemple frappant dans la locution
cî)I ePocî 011 epcoq. Selon l'orthographe du dernier mot le sens est tout-à-fait différent;
on a : il le baisa, dans le premier cas, et : il le baisa sur la bouche, dans le second; mais
quand le texte dit : il lui baisa les mains et les pieds : es.q^" q>i epoq €2s_en neq2£_i2£_
ottoo neqc>ô.7vô.Tr2£., cela n'a pas empêché le scribe d'écrire d.q^- qM epwq, ce qui n'a
plus aucun sens. Un dernier exemple pris de l'Évangile de S4 Jean fera la preuve com-
plète : eïieqpô.c^- 2s.e e^qH^tt €ihc eqnHoir oe^poq oiroo ne2î_ô.q 2s.e ic momîi htc
qV^- q>H eTCù"\i .u.q»io£ii utg nmocMOC q>iu ne q>H €t^i2s_oc miok ee&HTq 2s_e
qsmoir .uenencioi »2s_e oirpiOMi ee^qep ujopu epoi : «Or, le lendemain, il vit Jésus
venant vers lui et il dit : Voici l'agneau de Dieu, celui qui enlève le péché du monde,
celui au sujet duquel j'ai dit, moi : Un homme vient après moi qui a été avant moi. 1 » — Et
afin qu'on ne puisse douter de la valeur participiale du premier equnoir, je dois dire que
le texte grec dont le copte n'est qu'une traduction emploie le mot sp/i^vs; en premier et
sc/ETat en second lieu.
A mesure que les livres se multiplièrent, que les lecteurs devinrent plus nombreux, et
que les scribes virent plus clairement les inconvénients de n'écrire que les consonnes toutes
les fois que c'était possible, ils perfectionnèrent leur instrument et en vinrent bientôt à écrire
presque constamment la voyelle accentuée du mot trilittère : ccot.w., utok, euioii, etc.
Dans les verbes, cette orthographe était d'autant plus nécessaire que la voyelle variait avec
l'état du verbe, comme je l'indiquerai plus loin. Ce progrès conduisit bientôt à un autre
plus grand encore, on écrivit toutes les voyelles, excepté la voyelle e dont l'emploi était
très fréquent, ainsi au lieu de 2s_uti\ ïism on écrivit 2s_htoii mm, puis 2£_e htoiv mm
comme au premier chapitre de S* Jean (dialecte thébain). On pourrait peut-être m'objecter
qu'on ne prononçait pas eniok, quand on écrivait ttTR, mais la même phrase se retrouve
dans le même évangile vocalisée complètement et dans les mêmes conditions. De même
quand on écrivait euirj on ne prononçait pas aneg, mais anok, car le mot dans la même
position est vocalisée; et si la forme e^m? s'est conservée, c'est une preuve de l'indécision
dans laquelle se trouvèrent les premiers scribes coptes pour rendre l'articulation représentée
par dans l'ancienne langue. De la sorte, l'orthographe copte, si elle devenait de plus
en plus compliquée en devenant alphabétique, devenait aussi de plus eu plus claire. Il arriva
un moment où, surtout en memphitique, presque toutes les lettres furent écrites et où il ne
fut pas nécessaire de connaître les règles de la vocalisation, ou simplement de connaître
empiriquement la prononciation des mots, pour pouvoir lire et prononcer : il suffisait de con-
naître la valeur attachée à chaque signe alphabétique et de l'exprimer par la voix. C'était
plus simple et plus facile. Comme je l'ai dit, l'écriture de certains mots et de certaines pro-
positions sans presque une seule voyelle, à côté de l'écriture vocalisée de ces mêmes mots
ou phrases, prouve péremptoirement, ce me semble, qu'on a commencé par écrire sans
voyelles, dans la mesure que j'ai indiquée; si le scribe n'a pas vocalisé, c'est qu'il copiait
des yeux le modèle qu'il avait devant lui et qu'il a oublié de mettre les voyelles, ainsi
qu'on le lui avait dit ou que la mode en était. J'ai deux faits à citer pour appuyer cette
1) ScmvAKTZE, Evang. copt. Joli. I, 29—ho. La même orthographe se retrouve dans tous les manus-
crits que j'ai Collatîonnés jusqu'ici, à savoir quinze.
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aliu d'aller plus vite, ou se dictant à eux-mêmes en prononçant tout haut ce qu'ils vont
écrive, afin sans doute de se désennuyer. J'en trouve un exemple frappant dans la locution
cî)I ePocî 011 epcoq. Selon l'orthographe du dernier mot le sens est tout-à-fait différent;
on a : il le baisa, dans le premier cas, et : il le baisa sur la bouche, dans le second; mais
quand le texte dit : il lui baisa les mains et les pieds : es.q^" q>i epoq €2s_en neq2£_i2£_
ottoo neqc>ô.7vô.Tr2£., cela n'a pas empêché le scribe d'écrire d.q^- qM epwq, ce qui n'a
plus aucun sens. Un dernier exemple pris de l'Évangile de S4 Jean fera la preuve com-
plète : eïieqpô.c^- 2s.e e^qH^tt €ihc eqnHoir oe^poq oiroo ne2î_ô.q 2s.e ic momîi htc
qV^- q>H eTCù"\i .u.q»io£ii utg nmocMOC q>iu ne q>H €t^i2s_oc miok ee&HTq 2s_e
qsmoir .uenencioi »2s_e oirpiOMi ee^qep ujopu epoi : «Or, le lendemain, il vit Jésus
venant vers lui et il dit : Voici l'agneau de Dieu, celui qui enlève le péché du monde,
celui au sujet duquel j'ai dit, moi : Un homme vient après moi qui a été avant moi. 1 » — Et
afin qu'on ne puisse douter de la valeur participiale du premier equnoir, je dois dire que
le texte grec dont le copte n'est qu'une traduction emploie le mot sp/i^vs; en premier et
sc/ETat en second lieu.
A mesure que les livres se multiplièrent, que les lecteurs devinrent plus nombreux, et
que les scribes virent plus clairement les inconvénients de n'écrire que les consonnes toutes
les fois que c'était possible, ils perfectionnèrent leur instrument et en vinrent bientôt à écrire
presque constamment la voyelle accentuée du mot trilittère : ccot.w., utok, euioii, etc.
Dans les verbes, cette orthographe était d'autant plus nécessaire que la voyelle variait avec
l'état du verbe, comme je l'indiquerai plus loin. Ce progrès conduisit bientôt à un autre
plus grand encore, on écrivit toutes les voyelles, excepté la voyelle e dont l'emploi était
très fréquent, ainsi au lieu de 2s_uti\ ïism on écrivit 2s_htoii mm, puis 2£_e htoiv mm
comme au premier chapitre de S* Jean (dialecte thébain). On pourrait peut-être m'objecter
qu'on ne prononçait pas eniok, quand on écrivait ttTR, mais la même phrase se retrouve
dans le même évangile vocalisée complètement et dans les mêmes conditions. De même
quand on écrivait euirj on ne prononçait pas aneg, mais anok, car le mot dans la même
position est vocalisée; et si la forme e^m? s'est conservée, c'est une preuve de l'indécision
dans laquelle se trouvèrent les premiers scribes coptes pour rendre l'articulation représentée
par dans l'ancienne langue. De la sorte, l'orthographe copte, si elle devenait de plus
en plus compliquée en devenant alphabétique, devenait aussi de plus eu plus claire. Il arriva
un moment où, surtout en memphitique, presque toutes les lettres furent écrites et où il ne
fut pas nécessaire de connaître les règles de la vocalisation, ou simplement de connaître
empiriquement la prononciation des mots, pour pouvoir lire et prononcer : il suffisait de con-
naître la valeur attachée à chaque signe alphabétique et de l'exprimer par la voix. C'était
plus simple et plus facile. Comme je l'ai dit, l'écriture de certains mots et de certaines pro-
positions sans presque une seule voyelle, à côté de l'écriture vocalisée de ces mêmes mots
ou phrases, prouve péremptoirement, ce me semble, qu'on a commencé par écrire sans
voyelles, dans la mesure que j'ai indiquée; si le scribe n'a pas vocalisé, c'est qu'il copiait
des yeux le modèle qu'il avait devant lui et qu'il a oublié de mettre les voyelles, ainsi
qu'on le lui avait dit ou que la mode en était. J'ai deux faits à citer pour appuyer cette
1) ScmvAKTZE, Evang. copt. Joli. I, 29—ho. La même orthographe se retrouve dans tous les manus-
crits que j'ai Collatîonnés jusqu'ici, à savoir quinze.