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Revue égyptologique — 10.1902

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Nr. 1-4
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Revillout, Eugène: Leçon d'ouverture du 2 décembre 1901: sur l'apologue dans le Koufi et dans un autre traité philosophique contemporain
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https://doi.org/10.11588/diglit.11581#0078
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Eugène Revillout.

presque immédiatement à celui que nous avons étudié l'année dernière, nous la fournirait.
L'auteur des entretiens sophistiques de la chatte éthiopienne et du petit chacal Koufi a en
effet pour base solide de son argumentation la faiblesse de notre nature. Quant à cette
argumentation elle-même, fort savante en vérité, et qui aboutit pour conclusion à un nihi-
lisme absolu, nous nous proposons d'en réserver cette année l'étude pour nos lectures devant
l'Académie des sciences morales. Elle ne serait pas faite d'ailleurs pour un auditoire con-
tenant des dames.

Le livre en question n'en prêterait pas moins à une intéressante leçon d'ouverture par
ses procédés littéraires et — qu'on me permette cette expression ■— par les intermèdes qu'il
glisse dans le grand drame des luttes de la conscience — de cet éternel combat du bien
et du mal, qui a tant de terribles conséquences dans le domaine des faits privés, publics,
politiques ou sociaux.

Je crains seulement de ne pas être à la hauteur du sujet.

Au mot «imagination» M. Evellin, cité par moi tout-à-l'heure, attribuait une portée
plus large que celle qu'on lui donne d'ordinaire. Il n'y voyait pas seulement la faculté qui
reproduit aux yeux de l'âme des scènes analogues à celles qu'aperçoivent les yeux du corps.
Mais il groupait sous ce vocable toutes les forces intellectuelles inférieures à la raison pure,
toutes celles mêmes qui servent pour les sciences physiques.

L'imagination proprement dite n'est pas moins le principal ressort, la principale machine
de guerre pour le matérialiste, ennemi des abstractions.

Aussi ne faut-il pas nous étonner si l'esprit fort qui se cache sous le nom du petit
chacal Koufi emprunte à l'imagination ses grands moyens d'action.

Tandis que le philosophe spiritualiste, étudié par nous précédemment, partant toujours
du point de vue de la raison, a bien divisé son sujet [par chapitres se succédant dans un
ordre logique et montant de la morale terre à terre à une morale plus élevée pour enfin en
arriver aux questions de mystique et de fins dernières, tandis que partout il apporte la
même méthode, le même soin pour éclairer l'esprit, le conduire du fini à l'infini, de la vie
qui passe à la vie éternelle, de la création au créateur et de l'homme à Dieu, le sophiste,
attaché, comme le Hiéroclès de Chateaubriand, à la fausse sagesse, ne s'attarde à de tels
procédés méthodiques. Au lieu de combattre dans l'armée régulière, il combat dans les gué-
rillas et tend ses pièges derrière chaque buisson. C'est dans la conversation qu'il triomphe,
comme les petites dames du 18e siècle, et son livre est moins un livre proprement dit qu'une
conversation écrite. On ne peut lui dénier, du reste, ce qu'on nomme souvent du brillot,
mot dont j'ignore l'orthographie réelle, mais qui me paraît se rapporter étymologiquement
à un esprit brillant et pétillant, à ce dont Madame de Sévigné faisait le verbe hrillotter,
pris souvent en mauvaise part. Il est assez difficile de se tirer du tissu flexible dont il
vous enveloppe — comme Vulcain en enveloppa un jour Mars d'après les récits d'Homère.
La bravoure ne sert de rien contre la ruse, surtout quand il s'agit d'un de ces hommes
habiles et éloquents dont la parole est un glaive d'acier à reflets magiques et troublants. Le
• grand félin d'Ethiopie — incarnant la vieille foi de l'ancienne Egypte — est donc d'ordi-
naire vaincu dans la discussion par le Koufi, le petit chacal-singe — un simple écureuil —
incarnant les idées les plus avancées et les plus subversives de toute morale et de toute
 
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