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Revue égyptologique — 10.1902

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Nr. 1-4
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Revillout, Eugène: Leçon d'ouverture du 2 décembre 1901: sur l'apologue dans le Koufi et dans un autre traité philosophique contemporain
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https://doi.org/10.11588/diglit.11581#0079
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Leçon d'ouvekture, etc.

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religion. Non-seulement le nouveau Prométhée sait prendre toutes les formes, mêler le sar-
casme à l'éloge, transformer le doute en affirmation, la passion en devoir, le mensonge en
vérité, se jouer agréablement des choses sérieuses et donner à l'infamie les couleurs et les
voiles de l'honnêteté, pour étaler ensuite audacieusement son impudeur, non-seulement, il
manie avec un égal succès les axiomes sacrés et les maximes profanes, excelle dans la
description imagée des poètes, aussi bien que dans le ton pathétique des orateurs, mais
encore, pour mieux s'infiltrer dans l'âme que l'indignation ferme, il sait chanter les choses
moindres (minora canamus) et s'abaisser jusqu'à la fable et à l'apologue, dont l'auteur des
contes, Lapontaine, connaissait bien aussi la puissance quand il voulait attaquer F «ennemi»
qui «est notre maître».

L'apologue — fait pour les âmes encore naïves ■— est un des procédés oratoires dont
les Anciens se sont le plus servi pour le bien comme pour le mal. Tout ce monde sait
qu'un des prophètes hébreux l'a employé pour amener à des sentiments de pénitence le roi
David. L'homme possédant une seule brebis, enlevée par un homme riche, devenu assassin,
voilait à merveille le malheureux officier auquel le roi avait enlevé sa femme et qu'il avait
fait tuer. De même, dans l'Évangile, le divin Maître use sans cesse d'apologues pour prêcher
sa doctrine : Lazare et le mauvais riche, l'époux et les vierges, l'enfant prodigue, le semeur,
le père de la famille et ses ouvriers, le bon pasteur, etc. Dans l'antiquité classique il en est
de même. J'en pourrais citer de nombreux exemples. Mais il me semble bon de m'attacher
surtout à cette forme de l'apologue qui réserve aux animaux le rôle attribué ailleurs à
l'homme.

On a prétendu que la fable proprement dite venait de l'Inde. Cette thèse me semble
d'autant plus difficile à prouver qu'il n'existe pas de chronologie indienne — en dehors de
celle des Boudhistes remontant à une antiquité fort peu élevée. Dans le monde brahmaniste,
où florit surtout la fable, il n'y a pas de chronologie proprement dite, et certains savants
ont naguère fait descendre de jour en jour davantage le plus ancien document connu :
« les Védas ». Nous laisserons donc de côté l'Indien Bidpay et l'Arabe Lokman, qui pourraient
bien avoir été tout simplement les imitateurs d'Esope et de Babrius.

Quoi qu'il en soit de cette question, il est intéressant de trouver la fable, et même la
fable ésopique, en usage en Egypte dans les deux premiers siècles de notre ère. Cette mode
faisait alors — comme tant d'autres à diverses époques — le tour du monde.

Dans notre livre, les animaux ne sont du reste pas seulement mis en scène pour la
fable, courte par sa nature, mais comme interlocuteurs, nous l'avons dit, dans la discussion
philosophique qui forme la trame entière de l'ouvrage et qui a lieu entre le petit chacal
Koufi et la chatte éthiopienne, jouant des rôles analogues à ceux du léopard et de l'écureuil
dans Florian. Comme dans Florian, c'est l'écureuil qui donne des leçons au grand félin :
Je dis l'écureuil, car le petit chacal-singe monte, nous le verrons, sur tous les arbres
qu'il rencontre pour en manger les fruits ou en ronger les feuilles, comme cet écureuil qui,
« sautant, gambadant sur un chêne, manqua sa branche et vint, par un triste hasard, tomber
»sur un vieux léopard qui faisait sa méridienne». Je suis convaincu, je l'ai dit ailleurs, que
cette aventure — ou une analogue — formait le début de notre papyrus, début qui nous
manque à présent. Le dialogue sur le bien et sur le mal commençait ensuite, bientôt
 
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