JEAN L’AVEUGLE.
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Henneberg. Mais, mieux que sur ses deux conseillers, Jean était décidé à compter
sur lui-même. Quoique enfant encore, il était homme déjà par le courage et par
l’énergie. Petit-fils de Jean de Brabant par sa mère, et de Henri III de Luxembourg
par son père, il sentait fermenter dans son cœur le sang de ces deux héros dont les
échos de Woeringen ne cessent de répéter le nom, et il voulait mourir comme l’un
ou vaincre comme l’autre.
L’anarchie continuait à agiter le royaume, grâce aux efforts de Henri de Carinthie,
qu’une faction avait élevé au trône en 1307, mais que la nation avait reconnu inca-
pable de contenir les partis et de rallier les convictions. Prague est le centre du
désordre. Aussi cette circonstance commande-t-elle au roi Jean de marcher droit à
cette ville. Il arrive sous les murs de la place le 28 novembre, en forme le siège, y
pénètre le 3 du mois suivant et s’empare six jours après du château royal de
Hradschin, d’où Henri de Carinthie et ses partisans se sont échappés à la faveur de la
nuit. A peine maître de la capitale, il tient publiquement sur la grande place un lit
de justice, où il déclare nuis tous les actes posés par le roi déchu. Le jour de Noël il
reçoit le serment des états du royaume et jure le maintien des lois et des privilèges
de la-nation. Enfin, le 7 février 1311, il est solennellement couronné dans la cathé-
drale de Prague devant l’autel de Saint-Veit.
Dès ce moment un avenir nouveau semble s’ouvrir à la Bohême, et le prince belge,
après avoir inauguré son règne par une guerre heureuse, songe à ressaisir les sei-
gneuries que diverses circonstances ont successivement détachées du royaume.
Dès le mois de juin, il prend possession de la Moravie, précédemment engagée à
l’Autriche par Henri VIL II tourne aussi les yeux du côté de la Pologne et de la Mis-
nie. Mais le moment n’est pas venu de cherchera reprendre ces territoires; car les
passions ne sont pas assez bien éteintes pour que l’aristocratie bohème ne continue,
pendant quelque temps encore, à se livrer à des guerres privées et à prolonger l’anar-
chie à laquelle l’ont habituée cinq années de troubles. D’ailleurs, 1 Italie, où Henri Vil
ale premier, depuis Frédéric Barberousse, montré le glaive de l’Empire, absorbe*
trop l’attention du jeune roi pour qu’il puisse s’appliquer avec quelque esprit de suite
à la réalisation de ses desseins particuliers et à consolider ses propres intérêts.
En effet, Henri VII lutte avec les chances les plus diverses contre les forces tou-
jours croissantes des Guelfes dans la péninsule. Malgré son héroïsme et ses efforts
presque surhumains, il perd du terrain chaque jour. Il lui faut à tout moment des
secours pour se maintenir au delà des Alpes, et c’est à l'Allemagne qu’il les demande.
Vers la fin de l’an 1312, ces demandes deviennent de plus en plus pressantes. Aussi
Jean convoque-t-il, en sa qualité de vicaire de l’Empire, une diète générale à Nurem-
berg le 6 janvier 1313. Cependant ce n’est que le 5 août suivant qu’il se trouve en
mesure de se mettre en marche avec l’armée qui doit se diriger par la Suisse vers la
Lombardie pour y soutenir la puissance défaillante des Gibelins. Mais, entre Ulm et
Biberach, il reçoit tout à coup des messagers qui viennent lui annoncer la mort inat-
tendue de son père.
Cet événement change brusquement la face des choses en Bohême. Caria famille
slave des Tchèques tient par un lien trop récent aux populations de souche germa-
nique pour avoir pu se confondre avec elles. Aussi, ce lien une fois rompu par la
BIOGRAPHIE NATIONALE. — I. 21
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Henneberg. Mais, mieux que sur ses deux conseillers, Jean était décidé à compter
sur lui-même. Quoique enfant encore, il était homme déjà par le courage et par
l’énergie. Petit-fils de Jean de Brabant par sa mère, et de Henri III de Luxembourg
par son père, il sentait fermenter dans son cœur le sang de ces deux héros dont les
échos de Woeringen ne cessent de répéter le nom, et il voulait mourir comme l’un
ou vaincre comme l’autre.
L’anarchie continuait à agiter le royaume, grâce aux efforts de Henri de Carinthie,
qu’une faction avait élevé au trône en 1307, mais que la nation avait reconnu inca-
pable de contenir les partis et de rallier les convictions. Prague est le centre du
désordre. Aussi cette circonstance commande-t-elle au roi Jean de marcher droit à
cette ville. Il arrive sous les murs de la place le 28 novembre, en forme le siège, y
pénètre le 3 du mois suivant et s’empare six jours après du château royal de
Hradschin, d’où Henri de Carinthie et ses partisans se sont échappés à la faveur de la
nuit. A peine maître de la capitale, il tient publiquement sur la grande place un lit
de justice, où il déclare nuis tous les actes posés par le roi déchu. Le jour de Noël il
reçoit le serment des états du royaume et jure le maintien des lois et des privilèges
de la-nation. Enfin, le 7 février 1311, il est solennellement couronné dans la cathé-
drale de Prague devant l’autel de Saint-Veit.
Dès ce moment un avenir nouveau semble s’ouvrir à la Bohême, et le prince belge,
après avoir inauguré son règne par une guerre heureuse, songe à ressaisir les sei-
gneuries que diverses circonstances ont successivement détachées du royaume.
Dès le mois de juin, il prend possession de la Moravie, précédemment engagée à
l’Autriche par Henri VIL II tourne aussi les yeux du côté de la Pologne et de la Mis-
nie. Mais le moment n’est pas venu de cherchera reprendre ces territoires; car les
passions ne sont pas assez bien éteintes pour que l’aristocratie bohème ne continue,
pendant quelque temps encore, à se livrer à des guerres privées et à prolonger l’anar-
chie à laquelle l’ont habituée cinq années de troubles. D’ailleurs, 1 Italie, où Henri Vil
ale premier, depuis Frédéric Barberousse, montré le glaive de l’Empire, absorbe*
trop l’attention du jeune roi pour qu’il puisse s’appliquer avec quelque esprit de suite
à la réalisation de ses desseins particuliers et à consolider ses propres intérêts.
En effet, Henri VII lutte avec les chances les plus diverses contre les forces tou-
jours croissantes des Guelfes dans la péninsule. Malgré son héroïsme et ses efforts
presque surhumains, il perd du terrain chaque jour. Il lui faut à tout moment des
secours pour se maintenir au delà des Alpes, et c’est à l'Allemagne qu’il les demande.
Vers la fin de l’an 1312, ces demandes deviennent de plus en plus pressantes. Aussi
Jean convoque-t-il, en sa qualité de vicaire de l’Empire, une diète générale à Nurem-
berg le 6 janvier 1313. Cependant ce n’est que le 5 août suivant qu’il se trouve en
mesure de se mettre en marche avec l’armée qui doit se diriger par la Suisse vers la
Lombardie pour y soutenir la puissance défaillante des Gibelins. Mais, entre Ulm et
Biberach, il reçoit tout à coup des messagers qui viennent lui annoncer la mort inat-
tendue de son père.
Cet événement change brusquement la face des choses en Bohême. Caria famille
slave des Tchèques tient par un lien trop récent aux populations de souche germa-
nique pour avoir pu se confondre avec elles. Aussi, ce lien une fois rompu par la
BIOGRAPHIE NATIONALE. — I. 21