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x8 V I T R U V E
C h ap. ï. partagesues places de toutes leurs maisons. Maintenant quoy que dans l'ordre naturel de A
l'Architecture je dûsse écrire de laconstrucliondes Temples & des Edifices publics & par-
ticuliers, comme ausïi des proportions quixMvent y estre gardées ; je n'ay pourtant pas
«stimé le devoir faire que je n'euffe premièrement traité des Matériaux, de leurs prin-
cipes & de leurs qualitez, & mesme avant que d'expliquer ces premiers principes concer-
nâmes matériaux, j'ay trouvé a-propos de parler des diverses manières debastir, de leur
origine & de leur accroissement, & de rechercher dans l'Antiquité ceux qui les premiers
ont réduit en préceptes &laissé àlaPosterité les principes de cet Art, qui est ce quejetas-
cherayj'expliquer suivant ce que j'en ay appris des anciens Auteurs.
C H A P I T R E I.
* B
De la manière de vivre des premiers hommes ,& quels ont esié les commencemens
Ç$ le progrés de leur Société Çs de leurs Baslimens.
AN c i e n n e m e n t les hommes naissoient dans les bois & dans les cavernes comme
les belles, & n'avoient comme elles qu'une nourriture sauvage : Mais estant arrivé
par hazard qu'un vent impétueux vint à pousser avec violence des arbres qui estoient ser-
rez les uns contre les autres, ils se choquèrent si rudement, que le feu s'y prit. La ssam-
me étonna d'abord & fit fuir ceux qui estoient là auprès ; mais s'estant rasiurez, & ayant
éprouvé en s'approchant que la chaleur tempérée du feu estoit une chose commode, ils
entretinrent ce feu avec d'autre bois , y amenèrent d'autres hommes ,& par signes
leur firent entendre combien le feu estoit utile. Les hommes estant ainsî assemblez, C
comme ils poussoientde differens sons de leurs bouches, ils formèrent par hazard des pa-
roles , & ensuite employant souvent ces mesmes sons à lignifier certaines choses, ils com- -
mencerent à parler ensemble. Ainsi le feu donna occanon aux hommes de s'asïèmbler,
défaire societé les uns avec les autres & d'habiter en un mesme lieu ; ayant pour cela des
-dispositions particulières que la Nature n'a point donné aux autres animaux, comme de
marcher droits & levez, d'estre capables de connoistre ce qu'il y a de beau & de magnifique
dans l'Univers, & de pouvoir faire à l'aide de leurs mains & de leurs doigts toutes choses
avec une grande facilité. Ils commencèrent donc les uns à se faire des hutes avec des fueil-
les, les autres à creuser des loges dans les montagnes, d'autres imitant l'industrie des Hi-
rondelles faisoient avec de petites branches d'arbres & de la terre grasse des lieux où ils se
pûssent mettre à couvert:Et chacun considerant l'ouvrage de son voisin, & perfection- D
nant ses propres inventions par les remarques qu'il faisoit sur celles d'autruy, il se faisoit
de jour en jour un grand progrés dans la bonne manière de bastir des cabannes : car les
hommes dont le naturel est docile & porté à l'imitation, se glorifiant de leurs inventions,
se communiquoient tous les jours ce qu'ils avoient trouvé pour bien reiïsïïr dans les Ba-
stimens,& ainsi exerçant leur csprit, ils formoient leur jugement dans la recherche de tout
ce qui peut contribuer à cedessein.
L'Ordre qu'ils suivirent au commencement fut de planter des fourches y entrelaçant
des branches d'arbres & les remplissant & enduisant de terre grasse pour faire les mu-
railles ; ils en battirent ausïi avec des morceaux de terre grasse desseichee, sur lesqûels po-
sant des pièces de bois en travers, ils couvrirent le tout de cannes & de fueilles d'arbres pour
se défendre du Soleil & de la pluye : Mais pareeque ces couvertures ne susfisoient pas con- E
tre le mauvais temps del'Hyver, ils élevèrent des combles eh penchant, les enduisant de
terre grasse pour faire couler les eaux.
Or que les premiers Bastimens ayentesté faits en cette manière, il est aisé de le juger par
ceux que nous voyons encore aujourd'huy parmy les étrangers, qui sont battis de ces mes-
mes matériaux, comme enlaGaule,enEspagne, en Portugal, & en Aquitaine, où les
maisons sont couvertes de chaume ou de Bardeau fait de chesne fendu en manière de tuiles:
Au * Royaume de Pont en la Colchideoùil se trouve grande quantité de bois, on battit*
i. Auroyaume de P o n t. La defcription de cette dans le texte. Pour ce qui est des termes, les auteurs interprètent
construction de Cabanes est assès disficile à entendre , tant diversement les mots d'Arboribu»perpetm, de plants, de in
à causè de l'obscurité des termes, qu'à cause des fautes qui sont t«rrapoJitis,dc iugumewantes. Les Uns entendent par perpetm,
en cette
x8 V I T R U V E
C h ap. ï. partagesues places de toutes leurs maisons. Maintenant quoy que dans l'ordre naturel de A
l'Architecture je dûsse écrire de laconstrucliondes Temples & des Edifices publics & par-
ticuliers, comme ausïi des proportions quixMvent y estre gardées ; je n'ay pourtant pas
«stimé le devoir faire que je n'euffe premièrement traité des Matériaux, de leurs prin-
cipes & de leurs qualitez, & mesme avant que d'expliquer ces premiers principes concer-
nâmes matériaux, j'ay trouvé a-propos de parler des diverses manières debastir, de leur
origine & de leur accroissement, & de rechercher dans l'Antiquité ceux qui les premiers
ont réduit en préceptes &laissé àlaPosterité les principes de cet Art, qui est ce quejetas-
cherayj'expliquer suivant ce que j'en ay appris des anciens Auteurs.
C H A P I T R E I.
* B
De la manière de vivre des premiers hommes ,& quels ont esié les commencemens
Ç$ le progrés de leur Société Çs de leurs Baslimens.
AN c i e n n e m e n t les hommes naissoient dans les bois & dans les cavernes comme
les belles, & n'avoient comme elles qu'une nourriture sauvage : Mais estant arrivé
par hazard qu'un vent impétueux vint à pousser avec violence des arbres qui estoient ser-
rez les uns contre les autres, ils se choquèrent si rudement, que le feu s'y prit. La ssam-
me étonna d'abord & fit fuir ceux qui estoient là auprès ; mais s'estant rasiurez, & ayant
éprouvé en s'approchant que la chaleur tempérée du feu estoit une chose commode, ils
entretinrent ce feu avec d'autre bois , y amenèrent d'autres hommes ,& par signes
leur firent entendre combien le feu estoit utile. Les hommes estant ainsî assemblez, C
comme ils poussoientde differens sons de leurs bouches, ils formèrent par hazard des pa-
roles , & ensuite employant souvent ces mesmes sons à lignifier certaines choses, ils com- -
mencerent à parler ensemble. Ainsi le feu donna occanon aux hommes de s'asïèmbler,
défaire societé les uns avec les autres & d'habiter en un mesme lieu ; ayant pour cela des
-dispositions particulières que la Nature n'a point donné aux autres animaux, comme de
marcher droits & levez, d'estre capables de connoistre ce qu'il y a de beau & de magnifique
dans l'Univers, & de pouvoir faire à l'aide de leurs mains & de leurs doigts toutes choses
avec une grande facilité. Ils commencèrent donc les uns à se faire des hutes avec des fueil-
les, les autres à creuser des loges dans les montagnes, d'autres imitant l'industrie des Hi-
rondelles faisoient avec de petites branches d'arbres & de la terre grasse des lieux où ils se
pûssent mettre à couvert:Et chacun considerant l'ouvrage de son voisin, & perfection- D
nant ses propres inventions par les remarques qu'il faisoit sur celles d'autruy, il se faisoit
de jour en jour un grand progrés dans la bonne manière de bastir des cabannes : car les
hommes dont le naturel est docile & porté à l'imitation, se glorifiant de leurs inventions,
se communiquoient tous les jours ce qu'ils avoient trouvé pour bien reiïsïïr dans les Ba-
stimens,& ainsi exerçant leur csprit, ils formoient leur jugement dans la recherche de tout
ce qui peut contribuer à cedessein.
L'Ordre qu'ils suivirent au commencement fut de planter des fourches y entrelaçant
des branches d'arbres & les remplissant & enduisant de terre grasse pour faire les mu-
railles ; ils en battirent ausïi avec des morceaux de terre grasse desseichee, sur lesqûels po-
sant des pièces de bois en travers, ils couvrirent le tout de cannes & de fueilles d'arbres pour
se défendre du Soleil & de la pluye : Mais pareeque ces couvertures ne susfisoient pas con- E
tre le mauvais temps del'Hyver, ils élevèrent des combles eh penchant, les enduisant de
terre grasse pour faire couler les eaux.
Or que les premiers Bastimens ayentesté faits en cette manière, il est aisé de le juger par
ceux que nous voyons encore aujourd'huy parmy les étrangers, qui sont battis de ces mes-
mes matériaux, comme enlaGaule,enEspagne, en Portugal, & en Aquitaine, où les
maisons sont couvertes de chaume ou de Bardeau fait de chesne fendu en manière de tuiles:
Au * Royaume de Pont en la Colchideoùil se trouve grande quantité de bois, on battit*
i. Auroyaume de P o n t. La defcription de cette dans le texte. Pour ce qui est des termes, les auteurs interprètent
construction de Cabanes est assès disficile à entendre , tant diversement les mots d'Arboribu»perpetm, de plants, de in
à causè de l'obscurité des termes, qu'à cause des fautes qui sont t«rrapoJitis,dc iugumewantes. Les Uns entendent par perpetm,
en cette