178 RECUEIL DES LETTRES
ma charge que depuis que je ne l’ai plus. Il est
1piaisant qu’on m’ait ôté cette place, comme si une
clef d’or du roi de Prufîe empêchait ma plume d’être
consacrée au roi mon maître. Je suis toujours sou
gentilhomme ordinaire , pourquoi m’ôter la place
d’historiographe ? c’est une contradiction. Tout
historien de son pays doit écrire hors de son pays;
ce qu’il dit en a plus de vérité et plus de poids.
Adieu , mes chers anges ; comptez que je pleure
quelquefois d’être loin de vous.
LETTRE L X X X.
À MADAME D E N I S , à Paris.
A Berlin, 18 décembre.
Je vous envoie, ma chère enfant , les deux con-
trats du duc de Wurtemberg 5 c’est une petite fortune
assurée pour votre vie. J’y joins mon testament. Ce
n’est pas que je croye à votre ancienne, prédiction,
que le roi de Prtisse me ferait mourir de chagrin. Je
ne me sens pas d’humeur à mourir d’une si sotte mort ;
mais la nature me fait beaucoup plus de mal que
lui , et il faut toujours avoir son paquet prêt et le
pied à l’étrier, pour voyager dans cet autre monde
où, quelque chose qui arrive, les rois n’auront pas
grand crédit.
Comme je n’ai pas dans ce monde - ci cent cin-
quante mille moustaches à mon service, je ne prétends
point du tout faire la guerre. Je ne songe qu’à