BALS MASQUÉS
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_ Tu sais, monsieur, faut pas dire à mon mari que tu m’as rencontrée ici?
— Mais, madame, je n’ai pas l’honneur de connaître mossieur votre mari...
_ C’est égal, il est si jaloux qu’il te tuerait.
CROQUIS VINGTIÈME SIÈCLE
LES ANGES GARDIENS
Neuf heures du soir. — Une marchande de sou-
rires est embusquée au coin d'une rue. —Un mon-
sieur passe.
La fille, à mi-voix. — Psttl pstt! Joli blond!...
Le monsieur s'arrête, hésite, et, finalement, le
chapeau enfoncé sur les yeux, le col du paletot re-
levé, s engage, à la suite de la femme, dans le cou-
loir obscur d’une maison borgne.
Sur un palier, une porte s’ouvre, donnant accès
dans une pièce à destination de bureau. — Cartons
verts, casiers à registres, guichet avec grillage,
derrière lequel se profile la tête renfrognée d’un
employé, la plume à l'oreille.
La femme traverse vivement le bureau et disparaît
Par une porte au fond. Le monsieur veut la suivre.
L'employé, s’interposant. — Minute!... Veuillez
d’abord passer à la caisse.
Le monsieur. — Déjà!
L’employé. — C'est le règlement! (Le monsieur
paye; l'employé lui délivreun reçu.)
Le monsieur. — J’espère que maintenant... (Il met
la main sur le bouton de la porte.)
L'employé. — Re-minute!... Ce n’est pas fini!... (Il
ouvre un gros registre.) Vos nom, prénoms, adresse
et profession?
Le monsieur. — Plaît-il ?
L’employé, glacial. — Je vous demande vos nom,
prénoms, adresse et profession?
Le monsieur. — J’entends bien, mais...
L’employé, grincheux. — Et dépêchons-nous, hein
(Le monsieur, subjugué, décline un nom et une
adresse quelconques.) Avez-vous des pièces authen-
tiques constatant l’exactitude de votre déclaration?
Le monsieur. — ! !!??
L’employé. —Quittance de loyer, permis de chasse,
carte d’électeur?
Le monsieur. — J’ai ma carte d’électeur.
L’employé. — Donnez. (Il prend la carte, L'exa-
mine et fronce le sourcil ) Ainsi, vous prétendez
vous appeler Martin?
Le monsieur, balbutiant. — Dame... oui... pour le
moment
L’employé, avec sévérité.— N’essayez pas de vous
jouer de ma crédulité! (Lisant.) Vous vous nommez
Isidore Lantimèche ..De plus,vous n’avez pas vingt-
sept ans, vous en avez quarante-cinq... Vous êtes
un imposteur!... Passons au signalement .. (Il fait
placer le monsieur sous la toise anthropométrique.)
Voilà qui cst fait!... Pour cette fois, je me contente-
rai de votre affirmation; mais quand vous reviendrez,
vous aurez soin d’amener avec vous deux témoins
patentés qui attesteront votre identité. (Démasquant
la porte.) Vous pouvez entrer.
Le monsieur, avançant la main. — Et ma carte
d’électeur?
L’employé. — Je la garde... Elle vous sera rendue
à la sortie avec le visa du contrôle.
Le monsieur, fortement rafraîchi par cette petite
scène, pénètre sans enthousiasme dans le gynécée,
où s’offre à sa vue un tableau étrange.
La marchande de sourires, en déshabillé galant,
est assise sur une chaise longue. De chaque côté de
la chaise longue se tiennent debout, dans une atti-
tude de factionnaires, deux grands gaillards à mous-
tache farouche, casqués, cuirassés, carabine en
bandoulière, revolver à la ceinture, le sabre au clair.
A l’entrée du monsieur, ils arment leurs revolvers
avec ensemble. Un temps, deux mouvements!...
Fixe !... Tète du monsieur.
La fille, gracieusement. — C’est mes anges gar-
diens!... Ne fais pas attention... Ils ont l’habitude !
Le monsieur. — Eux, je ne dis pas; mais moi...
Est-ce qu’ils ne vont pas s'en aller?
La fille. — Peux pas, chéri... On a tellement 1 ha-
bitude d’assassiner les femmes, aujourd’hui!
(Le monsieur reprend immédiatement le sentier
de la vertu et bat en retraite.)
FUTURUS.
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_ Tu sais, monsieur, faut pas dire à mon mari que tu m’as rencontrée ici?
— Mais, madame, je n’ai pas l’honneur de connaître mossieur votre mari...
_ C’est égal, il est si jaloux qu’il te tuerait.
CROQUIS VINGTIÈME SIÈCLE
LES ANGES GARDIENS
Neuf heures du soir. — Une marchande de sou-
rires est embusquée au coin d'une rue. —Un mon-
sieur passe.
La fille, à mi-voix. — Psttl pstt! Joli blond!...
Le monsieur s'arrête, hésite, et, finalement, le
chapeau enfoncé sur les yeux, le col du paletot re-
levé, s engage, à la suite de la femme, dans le cou-
loir obscur d’une maison borgne.
Sur un palier, une porte s’ouvre, donnant accès
dans une pièce à destination de bureau. — Cartons
verts, casiers à registres, guichet avec grillage,
derrière lequel se profile la tête renfrognée d’un
employé, la plume à l'oreille.
La femme traverse vivement le bureau et disparaît
Par une porte au fond. Le monsieur veut la suivre.
L'employé, s’interposant. — Minute!... Veuillez
d’abord passer à la caisse.
Le monsieur. — Déjà!
L’employé. — C'est le règlement! (Le monsieur
paye; l'employé lui délivreun reçu.)
Le monsieur. — J’espère que maintenant... (Il met
la main sur le bouton de la porte.)
L'employé. — Re-minute!... Ce n’est pas fini!... (Il
ouvre un gros registre.) Vos nom, prénoms, adresse
et profession?
Le monsieur. — Plaît-il ?
L’employé, glacial. — Je vous demande vos nom,
prénoms, adresse et profession?
Le monsieur. — J’entends bien, mais...
L’employé, grincheux. — Et dépêchons-nous, hein
(Le monsieur, subjugué, décline un nom et une
adresse quelconques.) Avez-vous des pièces authen-
tiques constatant l’exactitude de votre déclaration?
Le monsieur. — ! !!??
L’employé. —Quittance de loyer, permis de chasse,
carte d’électeur?
Le monsieur. — J’ai ma carte d’électeur.
L’employé. — Donnez. (Il prend la carte, L'exa-
mine et fronce le sourcil ) Ainsi, vous prétendez
vous appeler Martin?
Le monsieur, balbutiant. — Dame... oui... pour le
moment
L’employé, avec sévérité.— N’essayez pas de vous
jouer de ma crédulité! (Lisant.) Vous vous nommez
Isidore Lantimèche ..De plus,vous n’avez pas vingt-
sept ans, vous en avez quarante-cinq... Vous êtes
un imposteur!... Passons au signalement .. (Il fait
placer le monsieur sous la toise anthropométrique.)
Voilà qui cst fait!... Pour cette fois, je me contente-
rai de votre affirmation; mais quand vous reviendrez,
vous aurez soin d’amener avec vous deux témoins
patentés qui attesteront votre identité. (Démasquant
la porte.) Vous pouvez entrer.
Le monsieur, avançant la main. — Et ma carte
d’électeur?
L’employé. — Je la garde... Elle vous sera rendue
à la sortie avec le visa du contrôle.
Le monsieur, fortement rafraîchi par cette petite
scène, pénètre sans enthousiasme dans le gynécée,
où s’offre à sa vue un tableau étrange.
La marchande de sourires, en déshabillé galant,
est assise sur une chaise longue. De chaque côté de
la chaise longue se tiennent debout, dans une atti-
tude de factionnaires, deux grands gaillards à mous-
tache farouche, casqués, cuirassés, carabine en
bandoulière, revolver à la ceinture, le sabre au clair.
A l’entrée du monsieur, ils arment leurs revolvers
avec ensemble. Un temps, deux mouvements!...
Fixe !... Tète du monsieur.
La fille, gracieusement. — C’est mes anges gar-
diens!... Ne fais pas attention... Ils ont l’habitude !
Le monsieur. — Eux, je ne dis pas; mais moi...
Est-ce qu’ils ne vont pas s'en aller?
La fille. — Peux pas, chéri... On a tellement 1 ha-
bitude d’assassiner les femmes, aujourd’hui!
(Le monsieur reprend immédiatement le sentier
de la vertu et bat en retraite.)
FUTURUS.
Werk/Gegenstand/Objekt
Titel
Titel/Objekt
Bals masqués
Weitere Titel/Paralleltitel
Serientitel
Le charivari
Sachbegriff/Objekttyp
Inschrift/Wasserzeichen
Aufbewahrung/Standort
Aufbewahrungsort/Standort (GND)
Inv. Nr./Signatur
ZST 207 D RES
Objektbeschreibung
Objektbeschreibung
Bildunterschrift: - Tu sais, monsieur, faut pas dire à mon mari que tu m'a rencontrée ici? - Mais, madame, je n'ai pas l'honneur de connaitre mossieur votre mari... - C'est égal, il est si jaloux, qu'il te tuerait.
Maß-/Formatangaben
Auflage/Druckzustand
Werktitel/Werkverzeichnis
Herstellung/Entstehung
Künstler/Urheber/Hersteller (GND)
Entstehungsdatum
um 1893
Entstehungsdatum (normiert)
1888 - 1898
Entstehungsort (GND)
Auftrag
Publikation
Fund/Ausgrabung
Provenienz
Restaurierung
Sammlung Eingang
Ausstellung
Bearbeitung/Umgestaltung
Thema/Bildinhalt
Thema/Bildinhalt (GND)
Literaturangabe
Rechte am Objekt
Aufnahmen/Reproduktionen
Künstler/Urheber (GND)
Reproduktionstyp
Digitales Bild
Rechtsstatus
Public Domain Mark 1.0
Creditline
Le charivari, 62.1893, Février, S. 135
Beziehungen
Erschließung
Lizenz
CC0 1.0 Public Domain Dedication
Rechteinhaber
Universitätsbibliothek Heidelberg