Le charivari (62.1893)

ACT HAUTES

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PUISQU’IL Y A MAINTENANT DES BANDES ORGANISÉES DE PETITS VOLEURS, POURQUOI NE PAS

INSTITUER AUSSI UN CORPS DE PETITS GENDARMES?

UN PETIT MAL POUR 11 GRAND RIEN

Aussitôt la session extraordinaire déclarée close,
l’honorable M. Aristide Timoreux a regagné sa cir-
conscription électorale, afin, selon la formule con-
sacrée, de « se retremper dans le sein de ses élec-
teurs » et de pouvoir préparer des sacs de bonbons
pour les femmes et les filles de ses électeurs in-

fluents.

Il a, çe bon Aristide Timoreux, fait sa rentrée,
d’ailleurs peu solennelle, dans la petite ville qui fut
le berceau de ses triomphes électoraux.

Triomphes? Non. Mettons succès, et ce sera en-
core bien honnête. Car, entre nous, il n’en menait
pas large, le pauvre, quand, tout frais émoulu des
urnes, son nom fut proclamé comme ayant obtenu
la majorité... de cent quarante-quatre voix.

Non, il n’en menait pas large, alors, et moins
large encore lorsqu’il lui fallut affronter le cap des
tempêtes de la vérification de pouvoirs.

Ahl si l’on allait faire la lumière complète, abso-
lue, brutale, — et surtout indiscrète, — sur tous les
dessous de son élection, comme le demandait l’in-
fâme rapporteur !

Mais non. II eut de la chance. La Chambre, encore

sous le coup de l’attentat dont elle venait d'être
l’objet, était instinctivement encline à l’indulgence
envers ses membres, — et il en bénéficia.

Il fut validé. O joiel...

Et c’est triomphalement, cette fois, qu'il s’est pré-
cipité, en sortant du train, dans les bras de ses
amis et de sa famille.

Pensez donc! Il y était!... C’est ça qui vous pose,
en province !...

Désormais, le sort en est jeté : Timoreux peut
carrément se représenter à chaque élection législa-
tive, il est absolument sûr d’une majorité écrasante.

Son ancien concurrent, le plus redoutable de ses
rivaux, n’oserait désormais se mettre en ligne avec
un monsieur qui possède cet inappréciable avantage
d’y avoir été. Il s’est, d’ailleurs, coulé à jamais, ce
concurrent en disant à qui voulait l’entendre, au
lendemain de l’explosion :

— C’est moi qui suis content de ne pas avoir été
élu!... Le métier de député devient décidément trop
périlleux !...

Timoreux, vous dis-je, est l’homme le plus choyé,
le plus dorloté, le plus admiré de son département.

Dans sa famille, il est l’objet de mille petits soins,
de mille gâteries.

— Pauvre père, val... Dire que tu pouvais si faci-
lement être atteint par un éclat de ce vilain engin!...
Tu as dû avoir bien peur?

— Moi? pas du tout! déclare imperturbablement
v Aristide Timoreux. Nous avons tous fait bonne con-

tenance, comme vous l’avez dû voir dans les jour-
naux. J’ai été très digne!

Il a ramassé sous une banquette un des clous
provenant de la fameuse bombe, et il l’a fait monter
en épingle.

On ne s’imagine pas l’eiïet que cela produit, là-
bas, le dimanche, à la promenade.

Tout le monde veut voir.

Il ne peut sortir sans être accroché par Pierre ou
Paul, qui ne tarissent pas d’interrogations, veulent
avoir encore des détails inédits.

— Racontez-nous comment c’est arrivé.

Et il le raconte, ce brave Timoreux! Il explique
comme quoi il était bien tranquille, à ne rien faire,
lorsque la détonation s’est produite. Et il donne tous
les détails réclamés.

Il a même adopté une plaisanterie de son cru,
dont il est très satisfait, et qu’il ne manque jamais
de placer à l’occasion.

— Il paraît, lui demande-t-on, que l’abbé Lemire
a été très sérieusement atteint.

— Heu... oui, répond-il; mais, voyez-vous, c’est
encore, quoique n’ayant rien reçu, ce pauvre M. Na-
quet qui est le plus bombé\...

Et de rire !

CHAMPIGNOL.

GUIGN OLET'“«°2îî,?5ai?oj?“