28 Janvier 1877.
L'ÉCLIPSÉ, REVUE COMIQUE ILLUSTRÉE
217
AU BAL DE L'OPERA
— Moi, payer 20 IV. d'entrée ! jamais! Grâ-
ce à un dîner de 5 Louis j'ai obtenu un
billet de faveur.
Du cftté de la barbe est la toute-puis-
sance.
« Ne compte pas sur moi, ma femme a ses nerfs. »
Ou bien :
« J'enterre ma bells-mère demain ; alors, tu com-
prends, les convenances... »
La maîtresse de la maison jette un cri désespéré :
— Nous allons manquer de danseurs !
Monsieur, haletant, prend son chapeau, se jette
dans une voiture, récolte des adresses et court invi-
ter l'arrière-ban des amis de ses amis.
Tout cela n'est pas drôle ; mais on va tant s'amu-
ser !
Enfin, le grand jour est venu !
Pourvu que Chevet arrive à temps et que ïortoni
ne fasse pas faux bond !
Il n'est pas midi que l'amphitryon aurait déjà
grande envie de se coucher.
Ah bien oui ! en voilà pour jusqu'au lendemain
six heures! Il n'y a pas en sortir maintenant; ce qui
est dit est dit.
Ah ! tu as voulu t'amuser, mon bonhomme, tu
t'amuseras ! Reçois, le sourire aux lèvres, les cent
et un invités que tu ne connais pas.
Une nuée d'étrangers envahit de bonne heure les
salons. Tout ce monde-là s'en donne à cœur-joie
et traite l'appartement en pays conquis. On déchire
les rideaux, on mon,te sur les fauteuils, on verse du
punch le long des tapis.
Le monsieur tente un timide « prenez garde ! »
On répond :
« De quoi se mêle-t-il celui-là? Nous sommes ici
pour nous amuser ! »
Toc, c'est un tableau crevé ; crac, c'est une chi-
noiserie qui tombe. Souris, souris donc, forçat du
plaisir !
Ah ! tu trouvais les notes trop chères, ce matin,
eh bien, et la note de demain !
Et, toute la nuit, la bande d'intrus continue de
patauger dans son existence. Elle lui marche sur les
pieds, trouve son souper mauvais, embrasse sa
femme, réveille son enfant qui pleure, et l'accuse
en partant de faire disparaître les chapeaux.
Alors seul enfin, après une pareille journée d'an-
xiétés, après une pareille nuit de secousses et de
tracas, brisé, moulu, courbatu, le ventre creux et la
gorge sèche, le monsieur, épongeant la sueur qui
baigne ses tempes, jette un regard désespéré sur
ses meubles cassés, sur ses papiers tachés, sur ses
soieries en loques, et il s'écrie avec conviction :
— Ah! si jamais on m'y reprend!...
Mais les serments!
Vous verrez qu'on l'y reprendra... pas plus tard
que l'année prochaine.
Et que faudra-t-il pour cela?
Tout bonnement une câlinerie de madame, qui,
L'ÉCLIPSÉ, REVUE COMIQUE ILLUSTRÉE
217
AU BAL DE L'OPERA
— Moi, payer 20 IV. d'entrée ! jamais! Grâ-
ce à un dîner de 5 Louis j'ai obtenu un
billet de faveur.
Du cftté de la barbe est la toute-puis-
sance.
« Ne compte pas sur moi, ma femme a ses nerfs. »
Ou bien :
« J'enterre ma bells-mère demain ; alors, tu com-
prends, les convenances... »
La maîtresse de la maison jette un cri désespéré :
— Nous allons manquer de danseurs !
Monsieur, haletant, prend son chapeau, se jette
dans une voiture, récolte des adresses et court invi-
ter l'arrière-ban des amis de ses amis.
Tout cela n'est pas drôle ; mais on va tant s'amu-
ser !
Enfin, le grand jour est venu !
Pourvu que Chevet arrive à temps et que ïortoni
ne fasse pas faux bond !
Il n'est pas midi que l'amphitryon aurait déjà
grande envie de se coucher.
Ah bien oui ! en voilà pour jusqu'au lendemain
six heures! Il n'y a pas en sortir maintenant; ce qui
est dit est dit.
Ah ! tu as voulu t'amuser, mon bonhomme, tu
t'amuseras ! Reçois, le sourire aux lèvres, les cent
et un invités que tu ne connais pas.
Une nuée d'étrangers envahit de bonne heure les
salons. Tout ce monde-là s'en donne à cœur-joie
et traite l'appartement en pays conquis. On déchire
les rideaux, on mon,te sur les fauteuils, on verse du
punch le long des tapis.
Le monsieur tente un timide « prenez garde ! »
On répond :
« De quoi se mêle-t-il celui-là? Nous sommes ici
pour nous amuser ! »
Toc, c'est un tableau crevé ; crac, c'est une chi-
noiserie qui tombe. Souris, souris donc, forçat du
plaisir !
Ah ! tu trouvais les notes trop chères, ce matin,
eh bien, et la note de demain !
Et, toute la nuit, la bande d'intrus continue de
patauger dans son existence. Elle lui marche sur les
pieds, trouve son souper mauvais, embrasse sa
femme, réveille son enfant qui pleure, et l'accuse
en partant de faire disparaître les chapeaux.
Alors seul enfin, après une pareille journée d'an-
xiétés, après une pareille nuit de secousses et de
tracas, brisé, moulu, courbatu, le ventre creux et la
gorge sèche, le monsieur, épongeant la sueur qui
baigne ses tempes, jette un regard désespéré sur
ses meubles cassés, sur ses papiers tachés, sur ses
soieries en loques, et il s'écrie avec conviction :
— Ah! si jamais on m'y reprend!...
Mais les serments!
Vous verrez qu'on l'y reprendra... pas plus tard
que l'année prochaine.
Et que faudra-t-il pour cela?
Tout bonnement une câlinerie de madame, qui,
Werk/Gegenstand/Objekt
Titel
Titel/Objekt
Au bal de l'opéra
Weitere Titel/Paralleltitel
Serientitel
L' Eclipse: journal hebdomadaire politique, satirique et illustré
Sachbegriff/Objekttyp
Inschrift/Wasserzeichen
Aufbewahrung/Standort
Aufbewahrungsort/Standort (GND)
Inv. Nr./Signatur
S 25 / T 6
Objektbeschreibung
Maß-/Formatangaben
Auflage/Druckzustand
Werktitel/Werkverzeichnis
Herstellung/Entstehung
Künstler/Urheber/Hersteller (GND)
Entstehungsort (GND)
Auftrag
Publikation
Fund/Ausgrabung
Provenienz
Restaurierung
Sammlung Eingang
Ausstellung
Bearbeitung/Umgestaltung
Thema/Bildinhalt
Thema/Bildinhalt (GND)
Literaturangabe
Rechte am Objekt
Aufnahmen/Reproduktionen
Künstler/Urheber (GND)
Reproduktionstyp
Digitales Bild
Rechtsstatus
Public Domain Mark 1.0
Creditline
L' Eclipse: journal hebdomadaire politique, satirique et illustré, 10.1877, S. 1_247
Beziehungen
Erschließung
Lizenz
CC0 1.0 Public Domain Dedication
Rechteinhaber
Universitätsbibliothek Heidelberg