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L'ÉCLIPSÉ, REVUE COMIQUE ILLUSTRÉE
/, Février 1877.
ÉLOGE DES DANSEUSES
Ne vous est-il jamais arrivé d'avoir la fantaisie de
concourir pour un prix de l'Académie? Il est des
heures où l'homme le plus indifférent éprouve le
besoin d'écrire, en phrases longues d'une aune,
l'éloge de quelqu'un ou de quelque chose.
Comme l'Académie ne me parait pas décidée à
mettre au concours un Éloge selon mes idées parti-
culières, je m'en vais prononcer l'Éloge des dan-
seuses.
J'ai eu la bonne fortune d'approcher — à distance
très-respectueuse, je m'empresse de le déclarer —
d'une étoile chorégraphique et, après examen, j'ac-
quis la certitude que les danseuses sont les femmes
les plus chastes de la terre.
Celle qu'il me fut permis d'étudier avait une exis-
tence réglée comme un chronomètre de marine.
A peine levée, elle se livrait à une gymnastique
extravagante, et se reposait en restant plusieurs
minutes debout sur un orteil.
A miii, après un déjeuner frugal, elle se rendait
à la salle de danse, où, sous les yeux d'un profes-
seur très grave et très-sévère, elle recommençait de
plus belle en souriant avec;grâce.
La
Puis, d'unemain sûre et ferme, Eugène Beaupif va rapidement abattre
le duvet récalcitrant,
Le soir, elle se livrait à quelques nouveaux es-
sais au foyer, à la suite desquels elle entrait en
scène, émerveillant les spectateurs par les mêmes
pirouettes et le même sourire.
Enfin, la toile baissée, elle prenait encore une
courte leçon de gambades; aprèsqu^i, on la roulait
dans des couvertures chauffées, elle rentrait chez
elle, mangeait une quantité prodigieuse de viande
saignante, arrosait cette nourriture de plusieurs
verres d'un vin pur, généreux et fortifiant, puis, se
déshabillant en cadence, à la mesure d'un orchestre
imaginaire, elle se couchait brisée de fatigue et dor-
mait sans rêve jusqu'au lendemain.
Au bout de vingt années d'études, elle sut con-
quérir ainsi la faveur d'un public difficile, et garder
vive et pure cette flamme qui double le» attraits des
vierges.
Par exemple, elle avait des pieds énormes et les
mollets trop développés ; mais quel plus bel hom-
mage pouvait-elle rendre à la vertu que ce sacrifice
d'attraits périssables qui, aux yeux d'un philosophe,
ne sont que îe piédestal de la beauté.?
C'est pourquoi les danseuses et les athlètes m'ont
toujours apparu comme des êtres vertueux et ca-
lomniés.
Qui l'aurait cru! le duvet reste vainqueur. Eugène Beaupif n'abat
que la partie qui était le plus bel ornement d.; lui-même.
première barbe d'Eugène Beaupif (Fin)
L'ÉCLIPSÉ, REVUE COMIQUE ILLUSTRÉE
/, Février 1877.
ÉLOGE DES DANSEUSES
Ne vous est-il jamais arrivé d'avoir la fantaisie de
concourir pour un prix de l'Académie? Il est des
heures où l'homme le plus indifférent éprouve le
besoin d'écrire, en phrases longues d'une aune,
l'éloge de quelqu'un ou de quelque chose.
Comme l'Académie ne me parait pas décidée à
mettre au concours un Éloge selon mes idées parti-
culières, je m'en vais prononcer l'Éloge des dan-
seuses.
J'ai eu la bonne fortune d'approcher — à distance
très-respectueuse, je m'empresse de le déclarer —
d'une étoile chorégraphique et, après examen, j'ac-
quis la certitude que les danseuses sont les femmes
les plus chastes de la terre.
Celle qu'il me fut permis d'étudier avait une exis-
tence réglée comme un chronomètre de marine.
A peine levée, elle se livrait à une gymnastique
extravagante, et se reposait en restant plusieurs
minutes debout sur un orteil.
A miii, après un déjeuner frugal, elle se rendait
à la salle de danse, où, sous les yeux d'un profes-
seur très grave et très-sévère, elle recommençait de
plus belle en souriant avec;grâce.
La
Puis, d'unemain sûre et ferme, Eugène Beaupif va rapidement abattre
le duvet récalcitrant,
Le soir, elle se livrait à quelques nouveaux es-
sais au foyer, à la suite desquels elle entrait en
scène, émerveillant les spectateurs par les mêmes
pirouettes et le même sourire.
Enfin, la toile baissée, elle prenait encore une
courte leçon de gambades; aprèsqu^i, on la roulait
dans des couvertures chauffées, elle rentrait chez
elle, mangeait une quantité prodigieuse de viande
saignante, arrosait cette nourriture de plusieurs
verres d'un vin pur, généreux et fortifiant, puis, se
déshabillant en cadence, à la mesure d'un orchestre
imaginaire, elle se couchait brisée de fatigue et dor-
mait sans rêve jusqu'au lendemain.
Au bout de vingt années d'études, elle sut con-
quérir ainsi la faveur d'un public difficile, et garder
vive et pure cette flamme qui double le» attraits des
vierges.
Par exemple, elle avait des pieds énormes et les
mollets trop développés ; mais quel plus bel hom-
mage pouvait-elle rendre à la vertu que ce sacrifice
d'attraits périssables qui, aux yeux d'un philosophe,
ne sont que îe piédestal de la beauté.?
C'est pourquoi les danseuses et les athlètes m'ont
toujours apparu comme des êtres vertueux et ca-
lomniés.
Qui l'aurait cru! le duvet reste vainqueur. Eugène Beaupif n'abat
que la partie qui était le plus bel ornement d.; lui-même.
première barbe d'Eugène Beaupif (Fin)
Werk/Gegenstand/Objekt
Titel
Titel/Objekt
La première barbe d'Eugène Beaupif (fin)
Weitere Titel/Paralleltitel
Serientitel
L' Eclipse: journal hebdomadaire politique, satirique et illustré
Sachbegriff/Objekttyp
Inschrift/Wasserzeichen
Aufbewahrung/Standort
Aufbewahrungsort/Standort (GND)
Inv. Nr./Signatur
S 25 / T 6
Objektbeschreibung
Objektbeschreibung
Bildunterschrift: "Puis, d'une main sûre et ferme, Eugène Beaupif va rapidement abattre le duvet récalcitrant." "Qui l'aurait cru? le duvet reste vainqueur. Eugène Beaupif n'abat que la partie ètait le plus bel ornement de lui-même." Signatur: "Alfred L. Petit" Sonstige Angaben: "Lefman. Sc"
Maß-/Formatangaben
Auflage/Druckzustand
Werktitel/Werkverzeichnis
Herstellung/Entstehung
Künstler/Urheber/Hersteller (GND)
Entstehungsort (GND)
Auftrag
Publikation
Fund/Ausgrabung
Provenienz
Restaurierung
Sammlung Eingang
Ausstellung
Bearbeitung/Umgestaltung
Thema/Bildinhalt
Thema/Bildinhalt (GND)
Thema/Bildinhalt (normiert)
Missgeschick <Motiv>
Literaturangabe
Rechte am Objekt
Aufnahmen/Reproduktionen
Künstler/Urheber (GND)
Reproduktionstyp
Digitales Bild
Rechtsstatus
Public Domain Mark 1.0
Creditline
L' Eclipse: journal hebdomadaire politique, satirique et illustré, 10.1877, S. 1_252
Beziehungen
Erschließung
Lizenz
CC0 1.0 Public Domain Dedication
Rechteinhaber
Universitätsbibliothek Heidelberg