L' Eclipse: journal hebdomadaire politique, satirique et illustré (10.1877)

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L'ECLIPSE, REVUE COMIQUE ILLUSTRÉE

8 Avril 1877.

UNE PROVINCIALE A PARIS -

m. bernardin, rentier d'une petite ville, cinquante-
six ans, teiut çoloré. Donne des promesse d'apo-
plexio.

mmc bernardin, 48 ans, sa femme, matrone pro-
vinciale, douée d'un embonpoint qui a dépassé les
limites du majestueux.

mlle léonie, jeune personne de dix-neuf ans; jolie
comme une bergère de Watteau, fraîche comme une
rose ; taille élancée, front d'ivoire, yeux de madone ;
tournure distinguée; costume, chapeau et coiffure
« à la mode de Paris », une reine de petite ville, qui
deviendrait vite une Parisienne et qui voudrait bien
ne pas retournera l'ombre du clocher natal.

Ces trois personnages, unis comme la Sainte-Tri-
nité, constituent la branche aînée en ligne directe
de la dynastie des Bernardin.

DÉCOR : Un appartement dans un hôtel meublé du faubourg
Saint-Germain. Sous le couloir, à la place de l'affiche des
spectacles du jour, l'ordre des offices à Saint-Sulpice et à
Sainte-Clotilde. — Déjeuner et dîner à table d'hôte à onze
heures et à six heures.

Sept heures du matin.

M. Bernardin fait sa barbe devant un miroir gros-
sissant.

Mmo Bernardin roule dans la chambre comme une
énorme boule qui ne peut se fixer nulle part, et
chavire des malles ouvertes.

m. bernardin. — Bobonne, fais donc attention, la
porte est ouverte ; tu Vas réveiller Léonie.

mm° bernardin (avec noblesse). — Ne suis-je pas
levée, moi? (Appelant:) Léonie?

léonie (dans la pièce voisine). — M'man! Bon-
jour, p pa.

m. bernardin. — Bonjour, fillette.

mme bernardin. — Lève-toi, nous ne serons jamais
prêtes pour la messe de huit heures.

léonie. — M'man, j'ai encore sommeil.

m. bernardin. — Nous sommes rentrés fort tard
hier de l'Opéra ; cette pauvre filletteaura l'absolution,
va... pour une fois...

mmo bernardin. — Mon Dieu! mon ami, je ne suis
pas trop exigeante en demandant à Léonie de ne pas
sacrifier ses devoirs à ses plaisirs. Je ne l'empêche
pas d'aller au théâtre; mais elle ne devrait pas né-
gliger l'église, comme dit l'abbé Dapbnis.

m. bernardin. — C'est un drôle de nom, pour un
abbé.

mme bernardin. — Je trouve qu'il lui va bien.,.
Léonie?... Es-tu levée?...

léonie. — Je vais me lever, m'man.

m. bernardin. — Pauvre fillette !

mmo bernardin. — Encouragez-la dans sa paresse
et son indifférence...

m. bernardin. — Non; mais enfin, nous ne sommes
pas venus à Paris pour vivre comme à Louches...
En province, où on n'a rien à faire du matin au
soir, je comprends qu'on aille à la messe tous les
jours, et même au salut après la musique militaire ;

L'AVARE ET LE FROMAGE

Le père Cadet, vieux richard avare et grigou
comme quatre propriétaires, venait chaque jour à
l'auberge de la mere Trimoullnt faire son unique
repas, se composant d'un quart de litre et d'un mor-
ceau de pain qu'il apportait précieusement dans son
panier.

Un jour qu'il se livrait à ce digestif repas, il aper-
çut, placé au-dessus de sa tète, un rayon où séchait
une grande variété de fromages.

La mère Trimouillat était occupée dans sa cui-
sine. Personne dans la salle; le père Cadet pense
avaricieusement qu'un fromage de plus ou de moins
ne serait pas remarqué, et, d'un mouvement rapide
comme la pensée, il s'empare...