L' Eclipse: journal hebdomadaire politique, satirique et illustré (10.1877)

15 Avril 1877.

L'ÉCLIPSÉ, REVUE COMIQUE ILLUSTRÉE

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— Est-ce ma faute si vous avez joué mollement?

— Dites tout de suite que nous avons été mauvais.

— Si vous aviez mieux su vos rôles, le dénouement
n'aurait pas été empoigné.

— Mais puisque le public n'a rien voulu entendre
de ce que nous lui disions.

— Quand la mémoire ne bronche pas, on force l'at-
tention des spectateurs.

— Moi, j'affirme qu'il est très-heureux pour nous
qu'on ne nous ait pas entendus... Les pommes au-
raient été hors de prix à la fin de la soirée.

Cette conversation aigre-douce est interrompue
par Gustave, qui va afficher au tableau l'annonce de
la lecture du lendemain.

— Déjà? dit l'auteur avec amertume. On ne perd
pas de temps, ici.

— C'est bien assez d'y perdre de l'argent, répli-
que le régisseur en ricanant.

Les artistes se pressent autour du tableau.

— Les Faiblesses de ma tante. Joli titre !

— Charmant!... Gustave, ai-je un rôle dans la
pièce?

— Et moi? — Et moi ?

— Tout le monde en aura.

— Tu connais l'ouvrage?

— Cotte bêtise !... Nous l'avons lu et relu plus de
six fois avec M. Chatard. C'est encore plus fort que
le Fil de la Vierge. Aussi il faudra du soin, beaucoup
de soin... Nous avons huit jours pour monter la
pièce.

— Huit jours! s'écrie l'auteur avec colère. Ace

compte-là, j'arriverai à neuf représentations?

— Pas tout à fait, répond Gustave, car nous al-
lons reprendre demain : Aussitôt pris, aussitôt pendu.

Accablé par ce coup imprévu, le malheureux au-
teur sort du foyer en toute hâte, de peur de céder
à l'envie irrésistible qui le prend de tuer quelqu'un
ou de casser quelque chose.

*

* *

On n'est pas non plus très-gai dans la loge du
portier. Mmo Chamois y cause, avec son chat tout en
écumant son pot.

— Tu te fiches pas mal de ça, toi, monsieur Mou-
ton, que le théâtre fasse à tout coup « trois petits
pâtés, ma chemise brûle». Gros égoïste, va!... Oui,
je te conseille de me faire de l'œil pour avoir ton
mou. Pas de friandises le lendemain d'une chute. Ça
t'apprendra à monter des saloperies pareilles.

— Rrrron !...

— C'est pas de ta faute? C'est peut-être de la
mienne ?

■— Miaou !,..

— C'est bon, c'est bon. La margoulette viendra
plus tard... Qui que vous demandez, vous?

Cette question est adressée à un jeune homme
rapé, qui tient respectueusement son chapeau à la
main.

— M. Chatard, madame, peut-on lui parler?

— Avcz-vous une lettre d'audience?

LA BOURRIQUE DE PÉRIQUA (suite)

Le marché fini, Périqua, qui songe au retour,
vient pour atteler, mais, horreur! il recule d'épou-
vante en voyant l'embonpoint subit de sa bour-
rique.

Le garçon d'écurie, qui d'abord avait bien ri du
phénomène, veut tuer la malheureuse bête qui lui a
dévoré son avoine. Périqua, déjà inquiet de l'indi-
gestion de son coursier, s'oppose de toutes ses forces
à ce que l'on touche à sa bourrique qui lui a bien
coûté 30 francs.

— Fallait qu'il ferme son coffre à avoine, dit Pé-
riqua en faisant prendre un bol de vin chaud à son
anesse. Si elle crève, je voua demanderai des dom-
mages-intérùLs.