22 Juillet 1877.
L'ÉCLIPSÉ, REVUE COMIQUE ILLUSTRÉE
Après avoir chanté sa puissance magique, le poëte
s'écrie :
... A plein verre, garçon!
Dans ses flots d'or cette ardente boisson
Roule le ciel et l'oubli de soi-même ;
C'est le soleil, la volupté suprême.
Le paradis emporté coup sur coup !
Le vin que la vieille Europe vend à l'Angleterre
est cher ; ils n'en ont pas, dit la chanson.
Et puis le vin près du gin est bien fade.
Le vin n'est bon qu'à cliauffer un malade,
Un corps débile, un timide cerveau ;
Auprès du: gin, le vin n'est que de l'eau.
Arrière donc, les joyeux ivrognes ! Le gin n'est pas
distillé pour eux :
Pour le saisir et lutter avec lui,
Il faut un corps que le mal ait durci.
Vive le gin! Au fond de la taverne,
Sombre hôtelière à l'œil hagard et terne,
Démence, viens nous décrocher les pots,
• . Et toi, la Mort, verse-nous à grands flots!
Le gin accomplit son œuvre de destruction :
La peau devient jaune comme la pierre,
L'œil sans rayons s'enfuit sous la paupière,
Le front prend'l'air de la stupidité.
C'est la Ruine bleue. L'homme a bu :
Pourtant, au coin de la première rue,
Comme un cheval qu'un bouletfrappe et tue,
Le corps s'abat, et, sans pousser un cri,
Roulant en bloc sur le pavé, meurtri, ■ ■
Il reste là dans son terrible rêve...
rrbfioltH Û .virprno'ti <>xalsinihcRROT iiaf stm s! î<rob
La Ruine bleue a trois compagnons :
Le Sommeil, la Polie, le Suicide.
La victime touchée se pend ou plonge dans les
flots noirs de la Tamise. Tous.chancellent, et der-
nière atrocité : - M ;
Les mères même, en rentrant pas à pas,
Laissent tomber les enfants de leurs bras,
Et les enfants, aux yeux des folles mères,
Vont se briser la tête sur les pierres !
Ainsi Barbier, dons son poëme, a chanté la Ruine
bleue qui brûle le corps, tue l'intelligence et ter-
rasse l'homme comme un taureau.
Les adorateurs du gin ne vivent pas le jour.
Dans ses Nuits anglaises, Méry va nous les mon-
trer :
« A Londres, le peuple qui dort se couche vers les
deux heures du matin. Celui qui ne dort pas ne se
couche qu'avec le soleil levant, ou quelque chose
qui ressemble au soleil. Jusqu'à deux heures,
les théâtres jouent, les voitures roulent, le peuple
boit...
« A deux heures, la scène change : le monde qui
reste sur la place ne semble pas appartenir à ce
monde ; une lèpre vivante coule le long des mai-
sons; des êtres sans nom, sans sexe, sans voix, sans
LA PEUR (suite)
— Suis-je bête! il n'y a personne, dit-il en obli-
quant à droite.
— Et quand même il y aurait quelqu'un !
(Et il marche droit devant lui.)
(Changement de front sur place.)
— C'est bien à moi qu'il en veut, le vil misérable!..,
L'ÉCLIPSÉ, REVUE COMIQUE ILLUSTRÉE
Après avoir chanté sa puissance magique, le poëte
s'écrie :
... A plein verre, garçon!
Dans ses flots d'or cette ardente boisson
Roule le ciel et l'oubli de soi-même ;
C'est le soleil, la volupté suprême.
Le paradis emporté coup sur coup !
Le vin que la vieille Europe vend à l'Angleterre
est cher ; ils n'en ont pas, dit la chanson.
Et puis le vin près du gin est bien fade.
Le vin n'est bon qu'à cliauffer un malade,
Un corps débile, un timide cerveau ;
Auprès du: gin, le vin n'est que de l'eau.
Arrière donc, les joyeux ivrognes ! Le gin n'est pas
distillé pour eux :
Pour le saisir et lutter avec lui,
Il faut un corps que le mal ait durci.
Vive le gin! Au fond de la taverne,
Sombre hôtelière à l'œil hagard et terne,
Démence, viens nous décrocher les pots,
• . Et toi, la Mort, verse-nous à grands flots!
Le gin accomplit son œuvre de destruction :
La peau devient jaune comme la pierre,
L'œil sans rayons s'enfuit sous la paupière,
Le front prend'l'air de la stupidité.
C'est la Ruine bleue. L'homme a bu :
Pourtant, au coin de la première rue,
Comme un cheval qu'un bouletfrappe et tue,
Le corps s'abat, et, sans pousser un cri,
Roulant en bloc sur le pavé, meurtri, ■ ■
Il reste là dans son terrible rêve...
rrbfioltH Û .virprno'ti <>xalsinihcRROT iiaf stm s! î<rob
La Ruine bleue a trois compagnons :
Le Sommeil, la Polie, le Suicide.
La victime touchée se pend ou plonge dans les
flots noirs de la Tamise. Tous.chancellent, et der-
nière atrocité : - M ;
Les mères même, en rentrant pas à pas,
Laissent tomber les enfants de leurs bras,
Et les enfants, aux yeux des folles mères,
Vont se briser la tête sur les pierres !
Ainsi Barbier, dons son poëme, a chanté la Ruine
bleue qui brûle le corps, tue l'intelligence et ter-
rasse l'homme comme un taureau.
Les adorateurs du gin ne vivent pas le jour.
Dans ses Nuits anglaises, Méry va nous les mon-
trer :
« A Londres, le peuple qui dort se couche vers les
deux heures du matin. Celui qui ne dort pas ne se
couche qu'avec le soleil levant, ou quelque chose
qui ressemble au soleil. Jusqu'à deux heures,
les théâtres jouent, les voitures roulent, le peuple
boit...
« A deux heures, la scène change : le monde qui
reste sur la place ne semble pas appartenir à ce
monde ; une lèpre vivante coule le long des mai-
sons; des êtres sans nom, sans sexe, sans voix, sans
LA PEUR (suite)
— Suis-je bête! il n'y a personne, dit-il en obli-
quant à droite.
— Et quand même il y aurait quelqu'un !
(Et il marche droit devant lui.)
(Changement de front sur place.)
— C'est bien à moi qu'il en veut, le vil misérable!..,
Werk/Gegenstand/Objekt
Titel
Titel/Objekt
La peur (suite)
Weitere Titel/Paralleltitel
Serientitel
L' Eclipse: journal hebdomadaire politique, satirique et illustré
Sachbegriff/Objekttyp
Inschrift/Wasserzeichen
Aufbewahrung/Standort
Aufbewahrungsort/Standort (GND)
Inv. Nr./Signatur
S 25 / T 6
Objektbeschreibung
Maß-/Formatangaben
Auflage/Druckzustand
Werktitel/Werkverzeichnis
Herstellung/Entstehung
Künstler/Urheber/Hersteller (GND)
Entstehungsort (GND)
Auftrag
Publikation
Fund/Ausgrabung
Provenienz
Restaurierung
Sammlung Eingang
Ausstellung
Bearbeitung/Umgestaltung
Thema/Bildinhalt
Thema/Bildinhalt (GND)
Literaturangabe
Rechte am Objekt
Aufnahmen/Reproduktionen
Künstler/Urheber (GND)
Reproduktionstyp
Digitales Bild
Rechtsstatus
Public Domain Mark 1.0
Creditline
L' Eclipse: journal hebdomadaire politique, satirique et illustré, 10.1877, S. 2_027
Beziehungen
Erschließung
Lizenz
CC0 1.0 Public Domain Dedication
Rechteinhaber
Universitätsbibliothek Heidelberg