CG
L'ECLIPSE, REVUE COMIQUE ILLUSTRÉE
26 Août 1877.
NON
Un soir d'octobre de l'année dernière, deux jeunes
gens étaient à l'orchestre du Théâtre-Français.
On jouait le Barbier de Séville.
— Horace, dit le plus jeune qui promenait sa lor-
gnette dans la salle, je croyais que les romanciers
avaient inventé les yeux de velours, les fronts d'i-
voire et les jeunes filles virginales, blanches comme
les lis... En voilà une, ajouta-t-il en lui passant sa
lorgnette... Ne trouves-tu pas que cette jeune fille a
quelque chose d'idéal?
— Oui, dit Horace.
— Je sais le Barbier par cœur, et je vais m'amu-
ser à observer l'effet de la pièce sur sa physionomie.
Le spectacle finissait par le Caprice.
— Quel dommage! dit Alfred, elle est partie... Si
tu veux, nous irons souper.
(Ils prirent un cabinet.)
— As-tu fait des observations intéressantes ? in-
terrogea Horace avec un sourire.
— Oui.
— Quelle opinion te fais-tu de cette jeune fille ?
— Elle a l'air d'une Agnès. Je crois que c'est un
cœur qui n'a jamais battu.
— Voilà tout?
— Il me serait impossible d'affirmer qu'elle sui-
vait ce qui se passait sur la scène. Ses yeux et sa
bouche étaient immobiles, comme sa main posée
sur le rebord de la loge... Cependant elle a souri
quand Rosine doute de l'amour d'Almaviva, mais
ce ne fut qu'une lueur. A quoi a-t-elle bien pu son-
ger?
— Alfred?
—■ Mon ami ?
— As-tu aimé une femme dans ta vie ?
— Non... J'ai eu des maîtresses, mais voilà tout.
Et toi ?
— Moi?... oui... une fois.
— Ah!
(Horace vida son verre.)
— La vie est un roman bizarre, mon cher. Tiens,
par exemple, cette jeune fille que tu as vue ce soir
au théâtre...
— Tu la connais?
— Oui ; elle t'intéresse? .
—• Comme un problème.
— Voici son histoire :
« Elle s'appelle Andrée de Fleurey. Nos familles
étaient en relations. Un jour ma mère me présenta.
Mu° Andrée avait dix-sept ans, moi vingt-six. Ses
parents habitaient alors une campagne voisine de
la nôtre, où ils passaient huit mois de l'année... Je
vois encore les grands arbres du parc et Andrée se
promenant avec sa mère.
« Environ deux ans après cette visite, ma mère
me dit un soir :
« — Horace, savais-tu que MUe Andrée de Fleurey
allait se marier ? »
« Je répondis que je l'ignorais, et j'appris que le
marquis de V... avait demandé sa main.
« — Le marquis de V...? interrompit Alfred. Il a
au moins cinquante ans.
« — Et trois millions. Enfin il demanda sa main et
M. ADOLPHE
— Tiens, Adolphe!... Tu tombes à merveille, je
suis seule, tu vas déjeuner avec moi.
— Tiens... qu'est-ce que c'est que ça?
— C'est mon protecteur.
— Ton protecteur! A ta santé, ma vieille branche.
Mon Dieu ! est-il laid î
L'ECLIPSE, REVUE COMIQUE ILLUSTRÉE
26 Août 1877.
NON
Un soir d'octobre de l'année dernière, deux jeunes
gens étaient à l'orchestre du Théâtre-Français.
On jouait le Barbier de Séville.
— Horace, dit le plus jeune qui promenait sa lor-
gnette dans la salle, je croyais que les romanciers
avaient inventé les yeux de velours, les fronts d'i-
voire et les jeunes filles virginales, blanches comme
les lis... En voilà une, ajouta-t-il en lui passant sa
lorgnette... Ne trouves-tu pas que cette jeune fille a
quelque chose d'idéal?
— Oui, dit Horace.
— Je sais le Barbier par cœur, et je vais m'amu-
ser à observer l'effet de la pièce sur sa physionomie.
Le spectacle finissait par le Caprice.
— Quel dommage! dit Alfred, elle est partie... Si
tu veux, nous irons souper.
(Ils prirent un cabinet.)
— As-tu fait des observations intéressantes ? in-
terrogea Horace avec un sourire.
— Oui.
— Quelle opinion te fais-tu de cette jeune fille ?
— Elle a l'air d'une Agnès. Je crois que c'est un
cœur qui n'a jamais battu.
— Voilà tout?
— Il me serait impossible d'affirmer qu'elle sui-
vait ce qui se passait sur la scène. Ses yeux et sa
bouche étaient immobiles, comme sa main posée
sur le rebord de la loge... Cependant elle a souri
quand Rosine doute de l'amour d'Almaviva, mais
ce ne fut qu'une lueur. A quoi a-t-elle bien pu son-
ger?
— Alfred?
—■ Mon ami ?
— As-tu aimé une femme dans ta vie ?
— Non... J'ai eu des maîtresses, mais voilà tout.
Et toi ?
— Moi?... oui... une fois.
— Ah!
(Horace vida son verre.)
— La vie est un roman bizarre, mon cher. Tiens,
par exemple, cette jeune fille que tu as vue ce soir
au théâtre...
— Tu la connais?
— Oui ; elle t'intéresse? .
—• Comme un problème.
— Voici son histoire :
« Elle s'appelle Andrée de Fleurey. Nos familles
étaient en relations. Un jour ma mère me présenta.
Mu° Andrée avait dix-sept ans, moi vingt-six. Ses
parents habitaient alors une campagne voisine de
la nôtre, où ils passaient huit mois de l'année... Je
vois encore les grands arbres du parc et Andrée se
promenant avec sa mère.
« Environ deux ans après cette visite, ma mère
me dit un soir :
« — Horace, savais-tu que MUe Andrée de Fleurey
allait se marier ? »
« Je répondis que je l'ignorais, et j'appris que le
marquis de V... avait demandé sa main.
« — Le marquis de V...? interrompit Alfred. Il a
au moins cinquante ans.
« — Et trois millions. Enfin il demanda sa main et
M. ADOLPHE
— Tiens, Adolphe!... Tu tombes à merveille, je
suis seule, tu vas déjeuner avec moi.
— Tiens... qu'est-ce que c'est que ça?
— C'est mon protecteur.
— Ton protecteur! A ta santé, ma vieille branche.
Mon Dieu ! est-il laid î
Werk/Gegenstand/Objekt
Titel
Titel/Objekt
M. Adolphe
Weitere Titel/Paralleltitel
Serientitel
L' Eclipse: journal hebdomadaire politique, satirique et illustré
Sachbegriff/Objekttyp
Inschrift/Wasserzeichen
Aufbewahrung/Standort
Aufbewahrungsort/Standort (GND)
Inv. Nr./Signatur
S 25 / T 6
Objektbeschreibung
Maß-/Formatangaben
Auflage/Druckzustand
Werktitel/Werkverzeichnis
Herstellung/Entstehung
Künstler/Urheber/Hersteller (GND)
Entstehungsort (GND)
Auftrag
Publikation
Fund/Ausgrabung
Provenienz
Restaurierung
Sammlung Eingang
Ausstellung
Bearbeitung/Umgestaltung
Thema/Bildinhalt
Thema/Bildinhalt (GND)
Literaturangabe
Rechte am Objekt
Aufnahmen/Reproduktionen
Künstler/Urheber (GND)
Reproduktionstyp
Digitales Bild
Rechtsstatus
Public Domain Mark 1.0
Creditline
L' Eclipse: journal hebdomadaire politique, satirique et illustré, 10.1877, S. 2_066
Beziehungen
Erschließung
Lizenz
CC0 1.0 Public Domain Dedication
Rechteinhaber
Universitätsbibliothek Heidelberg