L' Eclipse: journal hebdomadaire politique, satirique et illustré (10.1877)

7 Octobre 1877.

L'ÉCLIPSÉ, REVUE COMIQUE ILLUSTRÉE

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Dans l'eau jusqu'au cou, mais sortant un bras de
la baignoire, elle tourne — un peu seulement — le
robinet d'eau froide. Un mince filet d'eau coule, que
de la main elle arrête au passage. De ses doigts elle
fait un ressort, et se lance des gouttes à la figure. Il
est vrai que son médecin lui a ordonné de se mouil-
ler la tête d'eau froide, mais qui est-ce qui lui a dit
de s'y prendre ainsi? Elle vise tantôt son œil, sa
bouche, son nez, et, quand elle manque le but, elle
semble en souriant se moquer de sa main. Quoi !
madame d'Ary est donc folâtre à ses heures? Que de
fois dans la vie je serai encore étonné, hein ?

Bon, voilà autre chose ! Renversant la tête en ar-
rière et prenant dans la baignoire une poignée d'eau
fumante, elle lève le bras en laissant mourir sa
main. L'eau coule le longdes doigts et tombe en per-
les dans l'eau. Mme d'Ary est une naïade. Au bout
de chaque doigt scintille une goutte rose, qu'on pren-
drait pour la courbe de son ongle si cette perle d'une
seconde ne tremblait pas. Mme d'Ary, clignant des
yeux, regarde* ce spectacle. Il n'y a pas à en douter,
c'est de la vraie poésie.

J'avais remarqué plus tôt à son cou, sans vous le
dire, une petite chaîne d'or. Tout à coup M!M d'Ary
rentre le bras dans la baignoire, et bientôt ses

deux mains en sortent et laissent égoutterun médail-
lon en or. Elle l'ouvre, fixe sur ce qu'il contient des
regards chargés de désir ; puis, de ses deux lèvres
formant une cerise, donne au médaillon un de ces
baisers qu'en enfer les damnés doivent entendre don-
ner à leurs femmes par les jeunes diablotins.

Ce médaillon m'intrigue. Contiendrait-il mon por-
trait, par hasard? Non. Mmo d'Ary, pour le mieux
regarder, le présente à la lumière. Je le vois. C'est
celui de d'Ary.

Bravo ! Je suis de plus en plus content. Puisqu'il
aime sa femme, mon ami ne peut pas être malheu-
reux avec un pareil ange.

Je n'ai donc plus qu'à me retirer, heureux quoique
vaincu : je ne sais pas davantage la cause de la tris-
tesse de monsieur et de la colère de madame.

Pourtant ce qui trouble ce ménage ne peut pas
être ce qui en tourmente tant d'autres, le manque
d'argent. Le Pactole passe par ici. Qu'est-ce alors?

... Et à partir du jour où je commis l'indiscrétion
que je me suis permis de vous raconter, trois mois
je fus en quête, sans plus de résultat. Enfin, un soir,
les yeux de Mmo d'Ary me parurent plus animés,

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