D
COMMUNIQUÉS OFFICIELS
1) Bulletin officiel allemand du lï février. 26.000 Russes prison-
niers. (Voir t° îi de 1& « Oaiitte de» Aftiennet ».
2> Bulletitis du 13 *U 16 février. (Voir ce numéroi.
31 Communiqué autrichien ;
Vieillie, 13 fitrler 1915.
Les fortes dû titre-atlaqdeS russes, a proximité du col Dukla.
sont devenues plus rares. Au secteur oriental, nous avons fait des
progrès.
En même temps que l'on avance avec succès dans la Roukowina.
nos troupes ont jeté l'adversaire près de Ktiroesmezoe, ont traversé
le col de Jabtor.ica et les passages aux deux côtés de cette route.
Le chiffre total dés prisonniers faits pendant ces combats, s'est
élevé A ?9,tfO0.
il Communiqués russes :
rétrograde. 12 février 1-J15.
a) En Prusse orientale, une concentration allemande, très grande
de forces, est définitivement établie. Cea forces, ouvrant l'offensive,
la développent surtout dans les directions de Wilkowlszki et de
Lyck. On révèle la présence 4e nouvelles formations arrivées sur
le front, du centre de l'Allemagne. .Vos troupes, contenant l'ennemi,
se retirent de la ligne des lacs Mnzuriques vers notre frontière.
bi La présence de nouveaux corps d'armées en Prusse orien-
tale, a modifié complètement la situation. Cette présence nous met
dans la nécessité de nous retirer pour une nouvelle concentration
et une autre formation de nos troupes, et cela dans ua terrain qui
est couvert par nos forteresses. 11 est probable que nous avons de
longs combats devant nous, qui décideront du sort de la Prusse
orientale Cet état de choses demande qu'a l'avenir tes noureifes
concernent ces combats soient laconiques, le plan de guerre devant
rester dans le secret le plus absolu.
■ III
Pour que la note gaie ne manque pas à ce rapport,nous
publions deux télégrammes envoyés de Saint-Pétersbourg
et de Paris au - Journal de- Genève «.
l'éirotirade. Il février 1915.
Les nouvelles annonçant l'évacuation de Lodz sont confirmées.
Les Allemands transportent, en toute hâte, a Kalisch. les dépôts de
leur intendance. La gare de Lodz est pleine de troupes ennemies,
i Lodz se trouve à 70 kilomètres derrière le front allemand. La f.Vd/tc-
fion).
Paria, tl février 1B15.
Selon une dépèche particulière de Varsovie à 1' « Echu de Paris ».
l'offensive allemande contre le front lizura-Rawka a été repoussée.
Les Allemands ont laissé dans ces parages plus de 45.(100 cadavres.
D'autre part, suivant un télégramme de Rétrograde au - Star »,
les Allemands ont eu 50,000 tués la semaine dernière devant les
lignes russes à l'ouest de Varsovie.
Les correspondants de guerre allemands auraient été autorisés
par la censure à dire que la situation des troupes allemandes en
Pologne est très difficile.
(A bon entendeur salut!
. La Rédaction.)
FEUILLETON DE LA h GAZETTE DES AHDENNES ». t
LE SIÈGE DE BERLIN
Par Alphonse Daudet.
• Eh bien, je mentirai ! ■ me dit l'héroïque tille en essuyant vite
ses larmes, et, toute rayonnante, elle rentra dans la chambre de
son grand-père.
« C'était une rude tache qu'elle avait prise là. Les premiers
jours on s'en tira encore. Le bonhomme avait la tète faible et se
laissait tromper comme un enfant. Mais avec la santé ses Idées se
firent plus nettes. Il fallut le tenir au courant du mouvement des
armées, lui rédiger des bulletins militaires II y avait pitié vraiment
à voir cette belle enfant penchée nuit et jour sur sa carte d'Allema-
gne, piquant de petits drapeaux, s'efforçant de combiner toute une
campagne glorieuse; Bazaine sur Berlin, Froissart en Bavière, Mac-
Mahon sur la Baltique. Pour tout cela elle me demandait conseil, et
je l'aidais autar.t que je pouvais ; mais c'est le grand-père surtout
qui nous servait dans cette invasion imaginaire. Il avait conquis
l'Allemagne tant de fois sous le premier Empire ! Il savait tous les
coups d'avance : ■ Maintenant voilà où ils vont aller... Voilà ce
qu'on va faire... • et ses prévisions se réalisaient toujours, ce qui
ne manquait pas de le rendre très fier.
Malheureusement nous avions beau prendre des villes, gagner
des batailles, nous n'allions jamais assez vite pour lui. Il était insa-
tiable, ce vieux !... Chaque jour, en arrivant, j'apprenais un nouveau
faittl'armes :
■ Docteur, nous avons pris Mayence, » me disait la jeune fille
en venant au-devant de moi avec un sourire navré, et J'entendais à
travers la porte une voix joyeuse qui me criait :
« Ça marche ! ça marche !.. Dans huit jours nous entrerons à
Berlin. »
BULLETINS OFFICIELS
Grand Quartier général, le 13 février 1915.
Théâtre de la. guerre a i'Ouesf. — Hier, a la éôte, des avions
innemis jetèrent di nouveau des bombes, qui causèrent des dégâts
déplorables à la population civile, tandis que, au point de vue mili-
taire, nos pertes étalent minimes.
But notre front, à l'Ouest, on A trouvé des projectiles d'artillerie,
venant, sans aucun doute, de fabriques américaines.
Le nombre des prisonniers que nous avons faits, à l'occasion de
l'attaque repoussée à l'ouest de Souain. s'élève à 4 officiers et
478 hommes. Devant notre front, on a trouvé 200 ennemis tués,
tandis que nos pertes, dans ce combat, atteignent le nombre de
ilO morts et blessés.
Au nord de Massiges |au nord-ouest de Sainte-Menehould), en
continuation de nos attaques du 'ô février, nous avons encore gagné
1,200 mètres sur la position principale des Français.
Près de Sudelkopf aux Vosges, l'ennemi essaya des attaques
renouvelées, mais il fut refoulé partout san3 peine.
Théâtre de ta guerre à l'Est. — Les opérations à la frontière de
la Prusse orientale et au delà, font partout des progrés avantageux.
Où l'ennemi essaye de résister, la résistance est bientôt brisée.
En Pologne, sur la rive droite de la Vistule, nos troupes traver-
sèrent la basse Skrwa et s'avancent dans la direction de Racionz.
Du théâtre de la guerre en Pologne, sur la rive gauche de la
Vistule. rien d'important à signaler.
Grand Quartier gênerai. 11 février 1915.
Théâtre de la guerre A l'dutst. — Au nord-est de Pont à-
Mousson, nous avons arraché aux Français le village de Norroy et
la cote 355, située à l'ouest de ce village; ! officiers et 151 hommes
y furent faits prisonniers.
Dans les Vosges, les localités de Hils< u et Ober-Sengern lurent
prises d'assaut; 136 prisonniers tombèrent entre nos mains
Théâtre de la guerre k l'Est. — A la frontière de la Prusse
orientale et au delà, nos opérations se poursuivent selon notre
attente.
En Pologne, sur la rive droite de la Vistule, nos troupes firent
des progrès vers Racionz. Sur la rive gauche, pas de changement.
Grand Quartier général, le 15 lévrier 1915.
Théâtre de la guerre à l'Ouest. — Au sud d'Ypres, près de Saint-
Eloi, nous avons arraché à l'ennemi environ llllit mètres de sa posi-
tion ; des contre-attaqui's restèrent sans résultai.
De même une attaque ennemie échoua dans la région, au sud-
ouest de La Bassée; .quelques douzaines de prisonniers restèrent
entre nos mains.
La tranchée avancée perdue le 12 février, près du Sudelkopf, fut
reprise par nous. L'ennemi fut chassé de Seugcrn à la-vallée de la
Lauch. La localité de Ranispach fut évacuée volontairement par lui.
Théâtre de h guerre A t'Est — Au nord de Tilsit, l'ennemi
fut expulsé de Piktupoenen et chassé plus loin dans la direction de
Tauroggen.
En deçà et au delà de la frontière, à l'est du plateau des lacs,
les combats de poursuite persistent encore; partout nos troupes se
trouvent en progression rapide.
A ce moment-là, les Prussiens n'étaient plus qu'à huit jours de
Paris... Nous nous demandâmes d'abord s'il ne valait pas mieux le
transporter en province ; mais, sitôt dehors, l'état de la France lui
aurait tout apprit, et je le trouvais encore trop faible, trop engourdi
de sa grande secousse pour lui laisser connaître la vérité. On tie
décida donc a rester.
■ Le premier jour de l'investissement, je montai chez eux — je
me souviens — très ému, avec cette angoisse au cœur que nous
donnaient à toutes les portes de Paris Jermées, la bataille sous les
murs, nos banlieues devenues fiontières. Je trouvai le bonhomme
assis sur son lit, jubilant et fier :
< Eh bien, me dit-il, le voilà donc commencé ce siège ! »
• Je le regardai stupéfait :
* Comment, colonel, vous savez?... »
« Sa petite-fille se tourna vers moi :
« Eb ! ouf, docteur... C'est la grande nouvelle... Le siège de
« Berlin est commencé. »
« EUe disait cela en tirant son aiguille, d'un petit air si posé, si
tranquille... Comment se seraii-il douté de quelque chose? l-e
canon de forts, il ne pouvait pas l'entendre. Ce malheureux Paris,
sinistre et bouleversé, il ne pouvait pas le voir. Ce qu'il apercevait
de son lit. c'était un pan de l'Arc de triomphe, et, dans sa chambre,
autour de lui, tout un bric-à-brac du premier Empire bien fait pour
entretenir ses illusions. Des portraits de maréchaux, des gravures
de batailles, le roi de Home en robe de baby ; puis de grandes
consoles toutes raides, ornées de cuivres à trophées, chargées de
reliques impériales, des médailles, des bronzes, un rocher de Sainte-
Hélène sous globe, des miniatures représentant la même dame
frisotttée. en tenue de bal, en robe jaune, des manches à gigots et
des yeux clairs, — et tout cela, les consoles, le roi de Rome, les
maréchaux, les dames jaunes, avec la taille montante, la ceinture
haute, cette raideur engoncée qui était la grâce de 18011...
{A suivre).
COMMUNIQUÉS OFFICIELS
1) Bulletin officiel allemand du lï février. 26.000 Russes prison-
niers. (Voir t° îi de 1& « Oaiitte de» Aftiennet ».
2> Bulletitis du 13 *U 16 février. (Voir ce numéroi.
31 Communiqué autrichien ;
Vieillie, 13 fitrler 1915.
Les fortes dû titre-atlaqdeS russes, a proximité du col Dukla.
sont devenues plus rares. Au secteur oriental, nous avons fait des
progrès.
En même temps que l'on avance avec succès dans la Roukowina.
nos troupes ont jeté l'adversaire près de Ktiroesmezoe, ont traversé
le col de Jabtor.ica et les passages aux deux côtés de cette route.
Le chiffre total dés prisonniers faits pendant ces combats, s'est
élevé A ?9,tfO0.
il Communiqués russes :
rétrograde. 12 février 1-J15.
a) En Prusse orientale, une concentration allemande, très grande
de forces, est définitivement établie. Cea forces, ouvrant l'offensive,
la développent surtout dans les directions de Wilkowlszki et de
Lyck. On révèle la présence 4e nouvelles formations arrivées sur
le front, du centre de l'Allemagne. .Vos troupes, contenant l'ennemi,
se retirent de la ligne des lacs Mnzuriques vers notre frontière.
bi La présence de nouveaux corps d'armées en Prusse orien-
tale, a modifié complètement la situation. Cette présence nous met
dans la nécessité de nous retirer pour une nouvelle concentration
et une autre formation de nos troupes, et cela dans ua terrain qui
est couvert par nos forteresses. 11 est probable que nous avons de
longs combats devant nous, qui décideront du sort de la Prusse
orientale Cet état de choses demande qu'a l'avenir tes noureifes
concernent ces combats soient laconiques, le plan de guerre devant
rester dans le secret le plus absolu.
■ III
Pour que la note gaie ne manque pas à ce rapport,nous
publions deux télégrammes envoyés de Saint-Pétersbourg
et de Paris au - Journal de- Genève «.
l'éirotirade. Il février 1915.
Les nouvelles annonçant l'évacuation de Lodz sont confirmées.
Les Allemands transportent, en toute hâte, a Kalisch. les dépôts de
leur intendance. La gare de Lodz est pleine de troupes ennemies,
i Lodz se trouve à 70 kilomètres derrière le front allemand. La f.Vd/tc-
fion).
Paria, tl février 1B15.
Selon une dépèche particulière de Varsovie à 1' « Echu de Paris ».
l'offensive allemande contre le front lizura-Rawka a été repoussée.
Les Allemands ont laissé dans ces parages plus de 45.(100 cadavres.
D'autre part, suivant un télégramme de Rétrograde au - Star »,
les Allemands ont eu 50,000 tués la semaine dernière devant les
lignes russes à l'ouest de Varsovie.
Les correspondants de guerre allemands auraient été autorisés
par la censure à dire que la situation des troupes allemandes en
Pologne est très difficile.
(A bon entendeur salut!
. La Rédaction.)
FEUILLETON DE LA h GAZETTE DES AHDENNES ». t
LE SIÈGE DE BERLIN
Par Alphonse Daudet.
• Eh bien, je mentirai ! ■ me dit l'héroïque tille en essuyant vite
ses larmes, et, toute rayonnante, elle rentra dans la chambre de
son grand-père.
« C'était une rude tache qu'elle avait prise là. Les premiers
jours on s'en tira encore. Le bonhomme avait la tète faible et se
laissait tromper comme un enfant. Mais avec la santé ses Idées se
firent plus nettes. Il fallut le tenir au courant du mouvement des
armées, lui rédiger des bulletins militaires II y avait pitié vraiment
à voir cette belle enfant penchée nuit et jour sur sa carte d'Allema-
gne, piquant de petits drapeaux, s'efforçant de combiner toute une
campagne glorieuse; Bazaine sur Berlin, Froissart en Bavière, Mac-
Mahon sur la Baltique. Pour tout cela elle me demandait conseil, et
je l'aidais autar.t que je pouvais ; mais c'est le grand-père surtout
qui nous servait dans cette invasion imaginaire. Il avait conquis
l'Allemagne tant de fois sous le premier Empire ! Il savait tous les
coups d'avance : ■ Maintenant voilà où ils vont aller... Voilà ce
qu'on va faire... • et ses prévisions se réalisaient toujours, ce qui
ne manquait pas de le rendre très fier.
Malheureusement nous avions beau prendre des villes, gagner
des batailles, nous n'allions jamais assez vite pour lui. Il était insa-
tiable, ce vieux !... Chaque jour, en arrivant, j'apprenais un nouveau
faittl'armes :
■ Docteur, nous avons pris Mayence, » me disait la jeune fille
en venant au-devant de moi avec un sourire navré, et J'entendais à
travers la porte une voix joyeuse qui me criait :
« Ça marche ! ça marche !.. Dans huit jours nous entrerons à
Berlin. »
BULLETINS OFFICIELS
Grand Quartier général, le 13 février 1915.
Théâtre de la. guerre a i'Ouesf. — Hier, a la éôte, des avions
innemis jetèrent di nouveau des bombes, qui causèrent des dégâts
déplorables à la population civile, tandis que, au point de vue mili-
taire, nos pertes étalent minimes.
But notre front, à l'Ouest, on A trouvé des projectiles d'artillerie,
venant, sans aucun doute, de fabriques américaines.
Le nombre des prisonniers que nous avons faits, à l'occasion de
l'attaque repoussée à l'ouest de Souain. s'élève à 4 officiers et
478 hommes. Devant notre front, on a trouvé 200 ennemis tués,
tandis que nos pertes, dans ce combat, atteignent le nombre de
ilO morts et blessés.
Au nord de Massiges |au nord-ouest de Sainte-Menehould), en
continuation de nos attaques du 'ô février, nous avons encore gagné
1,200 mètres sur la position principale des Français.
Près de Sudelkopf aux Vosges, l'ennemi essaya des attaques
renouvelées, mais il fut refoulé partout san3 peine.
Théâtre de ta guerre à l'Est. — Les opérations à la frontière de
la Prusse orientale et au delà, font partout des progrés avantageux.
Où l'ennemi essaye de résister, la résistance est bientôt brisée.
En Pologne, sur la rive droite de la Vistule, nos troupes traver-
sèrent la basse Skrwa et s'avancent dans la direction de Racionz.
Du théâtre de la guerre en Pologne, sur la rive gauche de la
Vistule. rien d'important à signaler.
Grand Quartier gênerai. 11 février 1915.
Théâtre de la guerre A l'dutst. — Au nord-est de Pont à-
Mousson, nous avons arraché aux Français le village de Norroy et
la cote 355, située à l'ouest de ce village; ! officiers et 151 hommes
y furent faits prisonniers.
Dans les Vosges, les localités de Hils< u et Ober-Sengern lurent
prises d'assaut; 136 prisonniers tombèrent entre nos mains
Théâtre de la guerre k l'Est. — A la frontière de la Prusse
orientale et au delà, nos opérations se poursuivent selon notre
attente.
En Pologne, sur la rive droite de la Vistule, nos troupes firent
des progrès vers Racionz. Sur la rive gauche, pas de changement.
Grand Quartier général, le 15 lévrier 1915.
Théâtre de la guerre à l'Ouest. — Au sud d'Ypres, près de Saint-
Eloi, nous avons arraché à l'ennemi environ llllit mètres de sa posi-
tion ; des contre-attaqui's restèrent sans résultai.
De même une attaque ennemie échoua dans la région, au sud-
ouest de La Bassée; .quelques douzaines de prisonniers restèrent
entre nos mains.
La tranchée avancée perdue le 12 février, près du Sudelkopf, fut
reprise par nous. L'ennemi fut chassé de Seugcrn à la-vallée de la
Lauch. La localité de Ranispach fut évacuée volontairement par lui.
Théâtre de h guerre A t'Est — Au nord de Tilsit, l'ennemi
fut expulsé de Piktupoenen et chassé plus loin dans la direction de
Tauroggen.
En deçà et au delà de la frontière, à l'est du plateau des lacs,
les combats de poursuite persistent encore; partout nos troupes se
trouvent en progression rapide.
A ce moment-là, les Prussiens n'étaient plus qu'à huit jours de
Paris... Nous nous demandâmes d'abord s'il ne valait pas mieux le
transporter en province ; mais, sitôt dehors, l'état de la France lui
aurait tout apprit, et je le trouvais encore trop faible, trop engourdi
de sa grande secousse pour lui laisser connaître la vérité. On tie
décida donc a rester.
■ Le premier jour de l'investissement, je montai chez eux — je
me souviens — très ému, avec cette angoisse au cœur que nous
donnaient à toutes les portes de Paris Jermées, la bataille sous les
murs, nos banlieues devenues fiontières. Je trouvai le bonhomme
assis sur son lit, jubilant et fier :
< Eh bien, me dit-il, le voilà donc commencé ce siège ! »
• Je le regardai stupéfait :
* Comment, colonel, vous savez?... »
« Sa petite-fille se tourna vers moi :
« Eb ! ouf, docteur... C'est la grande nouvelle... Le siège de
« Berlin est commencé. »
« EUe disait cela en tirant son aiguille, d'un petit air si posé, si
tranquille... Comment se seraii-il douté de quelque chose? l-e
canon de forts, il ne pouvait pas l'entendre. Ce malheureux Paris,
sinistre et bouleversé, il ne pouvait pas le voir. Ce qu'il apercevait
de son lit. c'était un pan de l'Arc de triomphe, et, dans sa chambre,
autour de lui, tout un bric-à-brac du premier Empire bien fait pour
entretenir ses illusions. Des portraits de maréchaux, des gravures
de batailles, le roi de Home en robe de baby ; puis de grandes
consoles toutes raides, ornées de cuivres à trophées, chargées de
reliques impériales, des médailles, des bronzes, un rocher de Sainte-
Hélène sous globe, des miniatures représentant la même dame
frisotttée. en tenue de bal, en robe jaune, des manches à gigots et
des yeux clairs, — et tout cela, les consoles, le roi de Rome, les
maréchaux, les dames jaunes, avec la taille montante, la ceinture
haute, cette raideur engoncée qui était la grâce de 18011...
{A suivre).