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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 1.1875 (Teil 1)

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Lafenestre, Georges: Jean-Louis Hamon
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https://doi.org/10.11588/diglit.16670#0427

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rieuses ([ne les jeunes filles à cet âge sentent mieux que jamais. — La musique est aussi une source
divine de pensées vagues qui peuvent tendre au beau. Ainsi mettre sous forme d'ornementation des
figures de musique, combinées, courbées ou arrangées avec souplesse (c'est ce que Haraon a fait,
nous l'avons vu, dans le dessin signalé plus haut) avec des mots que l'imagination se plait à répéter.
Ces phrases de musique seront un point avec les fleurs assez important pour y penser, car ce sera un
moyen d'explication de la pensée de la peinture... Une vieille femme demande l'aumône à deux
jeunes filles; l'aînée des deux donne de l'argent, la plus jeune donne des fleurs qu'elle-même a
cultivées à l'enfant de la vieille mendiante. La mendiante a une petite charrette à laquelle elle est
attelée par des cordes ; dans la charrette, il y a un petit enfant qui dort. »

Ces notes, qui rappellent par la simplicité du langage et la naïveté de l'expression certaines
notes d'André Chénier pour ses Idylles, nous révèlent, mieux que toute analyse, les dessous du
talent d'Hamon. Ce poëte, si sincère et si ému, sous son écorce rude de paysan goguenard qu'il affec-
tait de conserver, était, dans la veille comme dans le sommeil, hanté par des milliers de visions; il ne
les pouvait toutes saisir et, de guerre lasse, il renonçait quelquefois à les poursuivre. Ce n'était pas
contre la Nature , contre la réalité palpable et vivante, qu'il avajt à lutter, comme les peintres qui
partent de l'observation matérielle pour arriver à l'art; lui, au contraire, n'avait recours à l'observa-
tion matérielle que pour donner un corps à ses gracieux fantômes; c'était avec son Rêve qu'il se mesu-
rait. Dans cette lutte, il était plus disposé à sacrifier le corps que l'âme. De là, dans ses tableaux,
bien des négligences de dessin, bien des nonchalances de coloris, quoiqu'il eût un sentiment très-vif
et très-délicat de la beauté physique, comme on a pu voir dans ses portefeuilles, tout remplis d'études
délicieuses d'après le modèle vivant, tant de pieds et de mains que de tètes et de torses.

Son séjour en Italie eut pour effet de le ramener à des compositions plus simples, d'un effet moins
cherché, d'un aspect plus net. C'est en 1862 qu'il alla pour la première fois à Rome; il en rapporta
l'une de ses meilleures figures, VAurore, dont la conception remontait à une époque antérieure. Un
jour d'été, Hamon était allé faire une promenade dans la banlieue de Paris avec MM. Jean Aubert et
Glaize ; on s'était couché sur l'herbe, et, tout en fumant et devisant, Hamon, tirant de sa poche un
de ces microscopes de dix sous que les enfants achètent dans les foires, se mit à scruter, en rêvant, les
touffes de mousses et de graminées qui se trouvaient à sa portée. Tout à coup, d'un air de triomphe,
il appelle ses amis : « J'ai ma figure! tenez, elle est là! » Et il leur montre, à travers la lunette grossis-
sante, un insecte microscopique qui, se dressant de toute sa taille, pour atteindre le bord d'une
fleur microscopique y buvait une gouttelette d'eau. L'insecte avait déjà pris, dans le cerveau du
peintre^ la forme légère d'une apparition surnaturelle de femme qui, de ses pieds délicats se haussant
sur la pointe d'une feuille d'acanthe, boit la rosée dans le calice d'un volubilis. Cette figure obtint au
Salon de 1864 un succès qui redonna un peu de calme à l'esprit du peintre, toujours inquiet du
présent et toujours soucieux de l'avenir.

Dès qu'il eut appris la route de cette Italie où il retrouvait, à Rome et à Pompéi, dans les figurines
souriantes des fresques antiques, sa véritable famille, il prit peu à peu le bruit de Paris en horreur, et
n'y fit plus que de rares séjours. A Rome, une amitié prévenante et active, celle de M. Walther Fol,
prenait soin d'aplanir toutes les difficultés de la vie devant ce grand enfant. Il y retourna et, en 186^,
il se décida à s'établir dans cette belle île de Capri, la perle du golfe de Naples. C'est de là qu'il envoya
ses Muscs pleurant sur Pompéi, l'une de ses compositions les plus claires et les plus poétiques. En 1871,
après la guerre, il voulut s'assurer une vie plus calme encore; il se maria, cherchant sur la côte de
Provence ce coin d'azur nécessaire à son imagination antique ; il se fit bâtir, à Saint-Raphaël, au
milieu des pins parasols, des oliviers et des tamaris une maisonnette en face de la mer. Le mauvais
sort qui avait longtemps poursuivi son existence de misère et de soucis semblait enfin conjuré. La
grande composition qu'il envoya au Salon de 1873, Triste Rivage, résumait, avec une gravité nou-
velle, toutes les qualités de son œuvre antérieur. Malheureusement le gros public, de plus en plus
engoué des effets de trompe-l'œil et de la peinture photographique, ne fit pas à cette poésie élevée et
délicate le succès que l'artiste en espérait. Hamon, déjà souffrant, fut attristé de son isolement; il
retourna à Saint-Raphaël, mais n'eut] pas le temps de se remettre au travail ; il traîna quelques mois
et mourut le 29 mai 1874, à l'âge de cinquante-trois ans.
 
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