L' art: revue hebdomadaire illustrée (5.1879 (Teil 2))

Bords de la Marne.
Dessin de F. de Mesgrigny d'après son tableau. (Salon de 1879.)

• LA PEINTURE'

AU SALON DE PARIS, 1879

(suite.)

n tableau qu'on n'oublie pas, c'est la Fête de Silène, par M. Roll.
On dirait la Danse de Carpeaux mise en couleur par un émule des
grands Flamands du xvne siècle. L'école en a frémi d'indignation.
Voilà pourtant un sujet mythologique. Silène est presque un dieu et
de tout temps les Bacchantes, personnes éminemment académiques,
ont été admises aux honneurs du grand art. Oui, mais si l'école
admet les Bacchantes il les lui faut poseuses et refroidies. La pruderie
académique autorise bien une légère pointe de coquetterie, et
quelques indications voluptueuses ne sont pas pour l'effaroucher ;
le délire de l'ivresse sacrée n'est après tout qu'une manifestation
de l'idéal, et ce mot seul excuse bien des hardiesses, à une condition
toutefois., c'est que la pâleur glacée d'un coloris anémique vienne purifier toutes ces agitations,
immobilisées dans des attitudes statuaires. Or M. Roll a pris plaisir à faire tournoyer frénétiquement
des Bacchantes lascives, dont la sensualité joyeuse fait tressaillir une chair vivante au lieu de
boursoufler décemment une baudruche exsangue. Cela est impardonnable, évidemment, mais nous
pommes trop heureux pour notre part de voir enfin de la peinture qui remue, pour reprocher
même à M. Roll certaines violences de mouvement et certaines brutalités de touche sans lesquelles
la Fête de Silène n'eût pas été moins entraînante. Et d'ailleurs où dépassera-t-on le but sinon
dans une bacchanale? Il y a quelque logique à manquer de mesure là où la mesure n'a que faire.
Ayant à peindre une orgie, M. Roll s'est livré à une véritable orgie de dessin et de couleur. Ses

1. Voir l'Art, 5e année, tome II, pages 145, 169, 199, 22) et 247.

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