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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 8.1882 (Teil 1)

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Véron, Eugène: Notre procès
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https://doi.org/10.11588/diglit.19293#0230

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NOTRE PROCÈS.

2o3

Véron des huit amendes de soixante francs prononcées contre lui par les premiers juges et por-
tées aux huit jugements sus-énoncés. Mais considérant que la même loi a déclaré expressément
réserver les droits des tiers, et que la réparation civile prononcée au profit de chacune des parties
civiles est en juste proportion avec préjudice par elles éprouvé. Par ces motifs : Décharge Véron
des huit amendes de soixante francs prononcées contre lui, par les jugements sus-énoncés rendus
à la requête des plaignants Gilbert, Mercier, Duvivier, Vion, Morse, Guérard, Laguillermie et
Monsanto. Maintient les trois cents francs de dommages-intérêts, prononcés par les jugements
susdatés au profit de chacune des parties civiles susnommées. Maintient la contrainte par corps
telle qu’elle a été fixée par chacun des jugements dont est appel, dit toutefois, quelle ne s’appli-
quera si besoin est qu’au recouvrement des dommages-intérêts et dépens. Les huit sentences, au
résidu sortissant effet. Condamne Véron aux frais de son appel.

Fait et prononcé au Palais de Justice, à Paris, en l’audience publique de la Cour d’appel du
mardi 24 janvier 1882, où siégeaient M. Manau, président, MM. Merlin, Lefebvre de Viefville,
Paillet, Faure-Biguet et Geneste, conseillers, lesquels, ainsi que Mc Paillard, greffier, ont signé
ledit arrêt.

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NOTRE PROCÈS

La justice a prononcé ; nous nous inclinons. Nous avions pensé à porter ce jugement devant
la Cour de Cassation. Un examen plus attentif de la question nous y a fait renoncer. L’esprit
même de la loi, comme l'a très nettement expliqué M. l’avocat général, est ce de ne permettre
que la discussion de l’œuvre livrée à l’appréciation du public, mais dans aucun cas la critique
ne doit atteindre l’homme. Quoi qu’il fasse, ses intentions et les mobiles de son action échappent
à la censure. »

Dans ces conditions nous devons nous estimer heureux que le tribunal ait poussé le libéralisme
jusqu’à réduire à 2,400 fr. les 26,000 fr. de dommages-intérêts que réclamaient nos adversaires1.

C’est donc à la loi elle-même que doivent s’en prendre toutes les personnes qui considèrent
que la critique ne peut pas s’exercer utilement dans les étroites limites qui lui sont assignées.

Toutes les fois qu’un littérateur ou un artiste livre une œuvre à l’appréciation du public, il
est à peu près impossible que cette appréciation soit complète si elle ne touche pas au caractère
moral de l’auteur en même temps qu’à ses qualités littéraires et artistiques.

Une œuvre peut être mauvaise parce que l’auteur est incapable de faire mieux. Le critique,
s’il le pense, doit le dire. Le meilleur service qu’il puisse rendre à l’homme qui se trompe sur
sa vocation est de le décourager.

Mais il est possible aussi que l’œuvre soit mauvaise parce que l’auteur n’a pas voulu se
donner la peine de la faire meilleure. Croit-on que, dans ce cas, il serait honnête de confondre
l’infériorité volontaire, mais accidentelle du second, avec la radicale impuissance du premier?

Nous avons accusé les graveurs du Catalogue Beurnonville de n’avoir pas apporté à leur
œuvre tout le soin nécessaire, parce qu’ils jugeaient, en bons négociants, qu’ils ne devaient en
donner à l’acheteur que pour son argent.

Ce raisonnement est le fond même de l’industrie, du commerce et de l’échange des services :
Tant pour tant. Les négociants et les industriels le font sans songer le moins du monde à s’en
cacher, et il ne viendrait à l’esprit d’aucun d’eux de se croire diffamé parce qu’on publierait
qu’il subordonne la qualité de la marchandise fabriquée ou vendue au prix qu’on lui offre.

1. Nos adversaires étaient au nombre de huit. Sept réclamaient 3,ooo francs de dommages-intérêts; un seul, M. Laguillermie, en récla-
mait 5,ooo pour lui tout seul. On ne devinerait jamais la raison de ce privilège. Cette raison, c’est que la planche publiée dans le Catalogue
Beurnonville avec le nom de M. Laguillermie n’avait pas été faite pour ce Catalogue. M. Laguillermie en concluait qu’il avait le droit de
nous accuser de mauvaise foi, comme s’il était impossible à l’univers de ne pas savoir que la planche en question avait été publiée, il y a
plusieurs années, dans le catalogue de la vente Péreire. C’est M. Georges Petit, à qui appartenait cette planche, qui l’avait ajoutée au Cata-
logue Beurnonville. 11 eût suffi que M. Laguillermie nous écrivît un mot pour nous expliquer la situation, il a mieux aimé nous envoyer
une assignation.
 
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