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Félice, Roger de: La peinture aux salons
DOI Seite / Zitierlink: https://doi.org/10.11588/diglit.44575#0277
L’ART DÉCORATIF
obscur, où l’expression de la douleur garde
une noblesse et une beauté singulières;
enfin deux petits paysages exquis, consti-
tuent cette année un ensemble qui attire et
relient longtemps les vrais amateurs.
M. Sorolla y Bastida donne leur forme
définitive à deux motifs pour lesquels il a
une prédilection : une barque abordant sur
la plage, sa voile encore gonflée de vent;
des bœufs couplés qui viennent s’y atteler
pour la hisser sur le sable : c’est le Soleil
rente ! — de M. du Gardier. On se rappelle
le succès qu’obtint, l’an dernier, sa jeune
femme en blanc traversant la plage. Il a
peint cette fois un effet analogue, en com-
pliquant la scène. Un couple élégant pro-
mène en yacht son oisiveté. Madame, indo-
lente, rêveuse, se laisse bercer dans une
jolie pose alanguie, assise sur le pont. Elle
est vêtue de blanc, de quatre ou cinq blancs
différents, rendus avec une subtile habileté,
harmonisés délicatement sur un fond de mer
F. maillaud
du soir', et une baignade de femmes et
d’enfants, en plein soleil d’été, dans une
mer d’un bleu intense. Ces deux toiles sont
parmi les plus frappantes des Salons, par
leur fougue entraînante, leur luminosité
extraordinaire et que l’on sent pourtant si
vraie, leur coloris chaleureux où les reflets
sont agencés avec une science et une verve
magistrales, ici sur les faces cuites et tannes
des pêcheurs, sur les croupes lustrées des
grands bœufs rouges, dans l’écume bouillon-
nante où ils pataugent; là aux plis des
longues chemises roses, jaunes, bleues, des
baigneuses riantes.
Autre scène marine — combien diffe-
Foire du retour, à Argenton-sur-Creuse (Indre)
(Artistes Français)
gris-vert glacée de mauve. Le ciel est voilé
de brumes, la lumière diffuse, sans ombres.
Monsieur, correct, veston gris, casquette
anglaise, souliers gris, à demi couché sur
le roof, cause avec un matelot. Us sont
vraiment un peu trop «chic», ces gens-là,
un peu gravures de modes. Peinture froide,
inutilement photographique en certains
détails — voir la boucle de pantalon du
matelot, ou la casquette du yachter — mais
d’un bien joli raffinement.
Le tableau noir et blanc de M. P. M.
Dupuy est un peu de la même famille, avec
plus de vigueur et de vie. Les deux jeunes
femmes qui montent l’escalier d’une jetée
23q
obscur, où l’expression de la douleur garde
une noblesse et une beauté singulières;
enfin deux petits paysages exquis, consti-
tuent cette année un ensemble qui attire et
relient longtemps les vrais amateurs.
M. Sorolla y Bastida donne leur forme
définitive à deux motifs pour lesquels il a
une prédilection : une barque abordant sur
la plage, sa voile encore gonflée de vent;
des bœufs couplés qui viennent s’y atteler
pour la hisser sur le sable : c’est le Soleil
rente ! — de M. du Gardier. On se rappelle
le succès qu’obtint, l’an dernier, sa jeune
femme en blanc traversant la plage. Il a
peint cette fois un effet analogue, en com-
pliquant la scène. Un couple élégant pro-
mène en yacht son oisiveté. Madame, indo-
lente, rêveuse, se laisse bercer dans une
jolie pose alanguie, assise sur le pont. Elle
est vêtue de blanc, de quatre ou cinq blancs
différents, rendus avec une subtile habileté,
harmonisés délicatement sur un fond de mer
F. maillaud
du soir', et une baignade de femmes et
d’enfants, en plein soleil d’été, dans une
mer d’un bleu intense. Ces deux toiles sont
parmi les plus frappantes des Salons, par
leur fougue entraînante, leur luminosité
extraordinaire et que l’on sent pourtant si
vraie, leur coloris chaleureux où les reflets
sont agencés avec une science et une verve
magistrales, ici sur les faces cuites et tannes
des pêcheurs, sur les croupes lustrées des
grands bœufs rouges, dans l’écume bouillon-
nante où ils pataugent; là aux plis des
longues chemises roses, jaunes, bleues, des
baigneuses riantes.
Autre scène marine — combien diffe-
Foire du retour, à Argenton-sur-Creuse (Indre)
(Artistes Français)
gris-vert glacée de mauve. Le ciel est voilé
de brumes, la lumière diffuse, sans ombres.
Monsieur, correct, veston gris, casquette
anglaise, souliers gris, à demi couché sur
le roof, cause avec un matelot. Us sont
vraiment un peu trop «chic», ces gens-là,
un peu gravures de modes. Peinture froide,
inutilement photographique en certains
détails — voir la boucle de pantalon du
matelot, ou la casquette du yachter — mais
d’un bien joli raffinement.
Le tableau noir et blanc de M. P. M.
Dupuy est un peu de la même famille, avec
plus de vigueur et de vie. Les deux jeunes
femmes qui montent l’escalier d’une jetée
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