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Bulletin de l' art pour tous — 1903

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No 209 (Mai 1903)
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https://doi.org/10.11588/diglit.19292#0017
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L ART-POUR-T

FAfCYCZOP£I>j£D£L'AR7'/WDUSTJïÎEL ET'DÉCORATIF
^aratssa'ot tcrus les m-ots

FONDÉ PAR EM1I.E REIBF.R

Directeur: Henry GUËDY, architecte (S. A. F

JÛtannuel: 24Jh ^mMMMMÊ0L

Librairies-Imprimeries réunies

iénae .Maison i^or&l

PARIS

'7, rue SaiiU Benoît Vv_^^-^*f,a^

42*" Année -, Mai 1903

? Joarue: 3qjr-.

j le nommait un génie acquis plutôt qu'un génie t éperdu, celle.nrdeur deux fois dévorante qui

RAPHAËL j spontané; car lui, Michel-Ange, n'avait eu be- était à la Ibis du génie et de l'amour On dit

, , „. fl(imip française i soin de personne, et les premiers principes de qu'un jour, il aèhevait pour Agoslino Chigi lé

Par Ernest Legouve, de 1 Académie française. ^ un(j foig appnS) u eul ele Michel-Ange palais de la Fornarina; depuis longtemps il

Suite et fin (i) dans une île déserte. U ne faut pas dire légère- j travaillait .sans relâche, èl cependant le travail

_ ment que des hommes comme Buonarolli se \ n'avançait pas; enfin, il va trouver Agoslino,

trompent; il y a toujours un sens profond dans j et lui dit : J'aime la Fornarina; je ne peux pas

n ic rc iour Raphaël ne s'arrêta plus les paroles de ces artisles complets et carrés. travailler si elle n'est pas là ; envoyez-la moi

rfnnoViitP. noûvellè roule. Sentant tout ce que C'est comme le jour où Corneille a dit que Ra- chercher. On amène la Fornarina, et en quelques

nn dessin avait de maigre et de peu solide, cineétail un poète, maispasun auteur dramatique. jours ses fresques furent achevées,

il se mil à l'â"e de trente ans, et jouissant déjà II ne s'agit, pour trouver cette opinion parfai- tant de sensibilité hfâta sa fin Un matin, il

de la plus' belle renommée, à refaire ses études temenl juste, que de voir l'art à la hauteur où rentra chez lui accablé par les excès de la nuit;

comme un homme qui commence; il passait ses l'a placé le vieux Corneille. Certes, lui qui faisait la fièvre le prit. Il ne voulut pas par pudeur

jours et ses nuits à travailler sur la nature, en- du théâtre un enseignement de devoirs hé- dire la cause de ses souffrances ; les médecins

touré de corps humains et d'animaux dessinant roïques, et cherchait dans chaque drame la crurent que c'élait une inflammation, on le

des ïambes, des torses,,des muscles,1 des nerfs, combinaison idéale des sacrifices les plus éle- saigna; il était épuisé, on l'épuisa encore; il

s'efforcant de tout son courage d'oublier lout ce vés, ne pouvait pas appeler poète dramatique mourut. On a dernièrement trouvé une lettre,

ciu'on lui avait enseigné, et d'apprendre tout ce l'homme dont les ouvrages ne sont que 1 analyse où 1 on dit qu ayant appris que le pape le de-

c n'avait appris Michel-Ange, pour arriver à détaillée dune passion ou le récit dramatise mandait, il courut en toute hâte au Vatican ;

cette infaillible puissance de dessin qui carac- d'un fait historique • . qu1 y arriva trempe de sueur ; que le froid e.

térisait le vieux peintre ; mais cette Ibis, il ne Raphaël était lié d'amitié avec les plus hauts saisit, et que ce lu la la cause de sa fin ma s

sm-nmsa pas celui nu'il avail pris comme mo- personnages de la cour de Léon X, et le cardinal je ne crois pas cela: j aime mieux eu il soit

Z Pour deven m Michel & U ne suffit Bibièna le regardait comme son enfant; il vou- mort d'amour, cela lui va. L'artiste qui a eu au

dele 1 ou. devenu un Mit hel-Ange, Ue sulW épouser sa nièce, mais Raphaël re- plus haut degré le génie de la beauté, doit être

pas de le vouloir, même quand on est un Ra- St touiours disant qu'il avait des raisons mort par passion pour la beauté. Et puis, son-

phacl;el sapereevan bien ™ fl^*^™! pU„u rne as sè marier,'alléguant ses travaux, gez donc! S'appeler Raphaël, a voir eu la vie la

Lmp rude lâche pou, fdemandant deux ou trois ans pour réfléchir; plus pleine de gloire et de bonheur, et mourir

dessous de lui-même dans ^"X^.""/^ mais il taisait son véritable motif: le voici. Le en pleine jeunesse, en pleine renommée, en

de Rome parce qu'ira H ™",u »^u^V„„,,.es pape Léon X était son débiteur d'une très grosse plein amour, quand tout est encore en fleurs!

Buqnarolti, il c^v™ Entons VananÂmetol somme pour les travaux du Vatican; voulant j Ah ! cet homme a été le plus heureux de fous les

qualités; u m 1 P . 1 1 y„ s'acquitter sans appauvrir son trésor, et donner hommes!

des draperies..plus de coqu°lj,^ (\'ans ^ à Raphaël plus que de l'argent, il lui avait pro- Cependant quand le déclin rapide de ses

tribution de la lumiei . | s> L1V Hp ners m's à la première promotion de cardinaux de forces l'avertit de sa fin prochaine, il songea à

disposition des paysages et, les jeu* «y<=^ lui donner le chapeau. L'idée de Raphaël cardi- finir chrétiennement. Il fit d'abord son testa-

peclive, artifices que l austère Alic e - g ^ na^ p0UPraj|; nous l'aire sourire, nous, hommes ment; assura à sa maîtresse, qu'il pria de quitter

daignait comnie indignes de la gravite ue i. du dix-neuvième siècle; mais il faut songer sa maison, une pension considérable; assigna

plus, un travail portant toujours son tl'Ui , d'abord au caractère de Léon X pour qui les une renie annuelle à la restauration d'une des

phaël, quoiqu'il ait été vaincu dans ce corn , grands artistes étaient plus que des princes, à niches du Panthéon; distribua le reste de ses

en sorlit plus fort et plus énergique ; il y a c l'importance des peintres qui, à cette époque, biens entre ses deux élèves chéris,. Jules Romain

défaites qui vous trempent. . . . étaient les premiers soutiens des papes, aux et François Penni; puis ayant reçu les sainls sa-

De cela, il suit que Raphaël élait un artiste mœurs un peu relâchées de la cour pontificale, cremenls, il expira doucement le 7 avi il 1520, à

passionnément épris de son art, un homme emi- ^ la ilion èminenle de Raphaël comme re- trois heures, un vendredi saint,

nemment intelligent et perfectible, mais aussi nommce et comme fortune, et surtout à la na- Ce fut un deuil immense. BailhazarCastiglione

que ce n'était pas un génie primesautier. t'Ure de celte charge de cardinal qu'on pouvait écrivait à la marquise-sa mère :« Nous sommés

On prétend que Michel-Ange "a dit, de Rapnaei exercer sans être ecclésiastique. Quoiqu'il en à Rome, mais il nous semble ne plus y être

qu'il devait son talent Dlutôt à l'art qu'eà la na- ^ Raphaei aspirait ardemment à cette di- depuis que Raphaël n'y est plus. » On exposa

Lire et ceRe parole a été niée par les uns „. Ql vojla pourquoi il reculait toujours son ses restes dans sa maison, selon l'usage du

comme une absurdité et flétrie par les autres £,ariage qui l'en aurait écarté; mais au bout des temps et du pays. Le lieu de l'exposition fut la

Pnmn ,1 1 f v moi ie crois que F"{ |ns'qu'il avait demandés, il fut forcé de salle où était suspendu le tableau de la Trans-

Michef Z^TfS^^^ ^nde le ^sentir au vœu du cardinal Bibièna; les fian- figuration, encore inachevé; ainsi, le dernier

I» 1 X, 1 Ini ^ sVxoliciuer.il est „nilles même eurent lieu, mais la fiancée mou- chel-d œuvre du grand homme fut placé à la tète

dire; il s agit seulement de s «puq ^ fa_ ^ "f ™ a céiébratj0n du mariage. C'est ce de son catafalque. C'élait une oraison funèbre

des hommes qui ont avant toute u rut ay , d celLe jgune fi,fe <on lisail en acLion. Son corps fut ensuile porle dans le

eu lté merve. leuse pour (ond.e dans e \ |a e c cp | vis-a-vis le tombeau de Panthéon, et déposé, selon ses dernières vo-

nature les éléments qui leur conviem. nces du temps \onlcs, au pied de la chapelle qu'il avait dotée,

nature des autres : ils sont pour îe&jdéc0u. rtapnatn . , Par po,^,^ Hu pape, le cardinal Bembo y fit ins-

du génie ce que les Anglais sont pou . Mariae Antonis F. Bibienap, spons®' ejus, j une épitaphe et ces deux vers :

vertes de l'industrie : ils n'inventent uen, ma Quse ]aeios hymereos morti prœversit, 1 V

dès , , chose est inventée, ils la perlée ion « anle nuplia|es tacCs v. So est elata. Ille hic esl Raphaël timuit quo sospite vinci

lies qu une Cliose est nivv. t devient la leur. ........................................ Rerum magna parens, et moriente, mori.

nentsi vite et si bien, qu aie u^ resle

Presque jamais la gloire delinvent un e£U1 Ranhaël la suivit de près. Il n'avait eu dans « Ci git Raphaël! Vivant, la nature craignait

à l'inventeur: Colomb a dccouveit ie 1 6> v deux passionSi i'art et les femmes. d'être surpassée par lui; mort, elle craint de

monde, et c'est Améric Vespuce qui 1 a p femmes et l'art le tuèrent. Frêle de corps et mourir avec lui. »

Raphaël est dans le domaine des ans 10 u ub* litution délicate, il vivait par le corps Cent cinquante-trois ans plus tard, Carie

de ces génies perfectiorineurs. bans p_ u )e cel-veau, c'était trop. La lame usa le Maratte voulut honorer la mémoire du grand

n'était besoin pour lui que de jeter- un ^ etpd Les hommes faibles sont souvent les peintre par un monument plus digne de lui

d'oeil sur l'œuvre d'un créateur, mais n tour , v r, leur organisation ner- qu une simple épitaphe, et il fit pincer un buste

besoin de ce coup d'œi • Qu°" "J-S est un ÇeUSe se monte facilement a un état habituel du maître dans une clés petites niches ovales

que ie veuille dire par là que Kaphae1 e& JwTalion oui leur fait de l'excès un besoin. pratiquées d un cote et de 1 autre de la chapelle.

Sopisle de pSu g n, 'de Léonard de Vmc., et ^ f ,'r guides sens excite le génie, l'ardeur du Ce changement a donné lieu à d'assez étranges

Michetwet e'dis'seulement que sa«s ces Uo. U e e ,es sens . on vit double mais on circonstances pour qu'elles méritent d'être rap-

Qu'il iJCi aucune àul re' pierre frappât cette un p6n c na autan p ^ ^ ^ Qualremère (,e . expliquera mieux

q ui fallait qu "n? ?" tlrpdu teu; je dis que mort à trente av<âit quelquefois couvert ce fait que nous ne le ferions nous-même.

Pierre pour en fan e so m t P que créa- nCes de liav ni, ou ' av 1 , v u d is un siècle a près

c était nn tnv.r plutôt c plusieurs p^ds de 5eeta«épense^ racadémie de Sa\nt-Luc exposait à la curiosité

",'e P° Hiez la Fornarina, et, tout brûlant des étrangers un crâne que l'on disait être celui
encore du feu de la création, il lui apportait,' > du peintre d'Urbin. U y a quarante ans, pour ré-

pétait un foyer plutôt concentra teu. ^ ^
teur; et que Michel-Ange avait raison 1

(1) Voir VArt pour tous numéro d'Avril 1903.

bulletin de l'art pour tous. -

n» 209.
 
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