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Bulletin de l' art pour tous — 1903

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No 214 (Octobre 1903)
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L"ART-POUR-TOU£

ENCYCLOPEDIE FFTARÎT'INDUSTRIEL ET'DÉCORATIF
paraissant tous les n-uns

FONDÉ PAR EMILE REIEER

Directeur: Henry CUÉDY, architecte (S. A

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42e Année ^ >- Octobre 1903

CIMABUÉ-GIOTTO- BUONAMICO
ORGAONA

PEINTRES

Cimabué.

11 y a une école de peinture par peuple : on
dit l'école flamande, l'école hollandaise, l'école
allemande; mais, par un singulier privilège, il y
a en Italie autant d'écoles de peinture que de
villes : école vénitienne, école romaine, école
florentine, école napolitaine, sans compter que
ces grandes divisions générales se subdivisent
en une foule d'individualités originales et créa-
trices. Raconter la vie de tous les peintres cé-
lèbres de l'Italie serait un ouvrage immense
et qui remplirait plusieurs volumes.

En tête de ces hommes, le premier nom qu'il
faut écrire est celui de Cimabué, car c'est lui
qui a créé la peinture moderne. Cimabué naquit
à Florence en 1240. Son père le destinait à
l'étude des lettres, et l'envoya étudier à Santa-
Maria-Novella, chez un de ses parents ; mais Ci-
mabué passait tout le jour à dessiner sur ses
livres des hommes, des chevaux et des habita-
tions. A cette époque, ceux qui gouvernaient la
ville de Florence ayant fait venir quelques pein-
tres Grecs pour orner une église, Cimabué s'en-
fuyait de chez son maître et allait regarder
peindre ces artistes étrangers. Son père, qui
était d'une noble famille et riche, permit à son
fds d'aller étudier avec ces Grecs : en peu de
temps, Cimabué, de leur élève, devint leur
maître. Comme tous les hommes destinés à faire
une révolution, il monta d'abord sur les épaules
de ceux qui étaient là, pour franchir le premier
degré, puis, arrivé où il voulait atteindre, il ren-
versa du pied l'échelle qui lui avait servi à
gravir et marcha tout seul. La peinture était de-
venue un métier : ces Grecs, appelés à Florence,
n'étaient pas des artistes, c'étaient des ouvriers
qui avaient appris à peindre comme on apprend
à tisser, et qui faisaient ce qu'avaient fait leurs
prédécesseurs, imitateurs eux-mêmes des hom-
mes qui les avaient devancés. Dans tous les arts
il y a deux choses, l'art et le métier : les plus
grands hommes du monde sont obligés d'ap-
prendre le second; car Shakespeare n'aurait
deviné ni l'écriture ni l'orthographe, pas plus
que Mozart les lois do l'harmonie : voilà ce que
ces Grecs enseignèrent à Cimabué ; les êtres
médiocres s'arrêtent à ce qu'on leur a enseigné,
les hommes supérieurs se servent de ce qu'on
sait dans leur temps pour créer ce qu'on ne sait
pas; le génie n'est que cette opération mathé-
matique qui part du connu pour arriver à l'in-
connu. C'est ce que fit Cimabué. II changea tout
le système de dessin, il mit la vie dans le coloris,
il inventa le style en peinture. Sa réputation
était immense. Florence, Pise, et toutes les villes
d'Italie s'embellirent de ses tableaux, on le faisait
venir à grands frais pour la décoration des
églises ; il fut chargé avec Arnolfo Lapi, premier

architecte de cette époque, de construire l'église
de Santa-Maria-del-Fiore : après qu'il eut fini
son tableau de la Vierge pour l'église de Santa-
Maria-Novella, ce tableau fut porté en grandes
pompes avec un immense concours de peuple,
une procession solennelle et trompettes en tête.
On dit même qu'avant qu'il fût terminé, le vieux
roi Charles d'Anjou, étant passé par Florence,
ceux qui gouvernaient ne crurent pas pouvoir lui
faire de plus grande fête que de le mener voir le
tableau inachevé du maître, ce qui attira grand
concours de monde dans le quartier où demeurait
Cimabué, et qui fit donner à ce lieu le nom de
Borgo Allegri (bourg joyeux). Dans l'église de
San-François de Pise, Cimabué fit un Christ sur
la croix, et autour de lui des anges qui, en pleu-
rant, prennent avec les mains certaines paroles
écrites autour de la tête du Sauveur, et les en-
voient à l'oreille de la Vierge qui sanglotte dans
un coin du tableau. Ce vieux maître est le pre-
mier qui écrivit ainsi des mois sur la toile pour
exprimer plus clairement le sujet de son tableau
ou l'attitude de ses personnages.

Certes, ces ouvrages, qui passaient alors pour
des chefs-d'œuvre, paraîtraient bien pauvres à
côté des plus médiocres compositions des ar-
tistes des siècles suivants; car il n'y a ni pers-
pective, ni modelé, ni plan. Qu'importe pour
Cimabué? Le premier homme qui a fait un ba-
teau était un homme de génie, et celui qui
aujourd'hui fait un vaisseau de guerre est un
charpentier.

Cimabué mourut à soixante ans dans l'année
1300, laissant après lui, comme cela est tou-
jours, un homme qu'il avait élevé el qui devait
l'éclipser.

Giotto.

Un jour, Cimabué, allant pour ses affaires de
Florence à Vespignano, trouva dans les champs
un petit berger qui faisait paître des troupeaux,
et qui, couché par terre sur le ventre, traçait,
avec une pierre pointue sur un rocher plan et
poli, une de ses chèvres. Cimabué s'approcha
de l'enfant, et, tout émerveillé de ce qu'il savait
déjà sans avoir rien appris, il lui proposa de
l'emmener avec lui; l'enfant répondit qu'il le
voulait bien, si son père le voulait, Cimabué fit
la proposition au père, qui céda son enfant très
volontiers. Cet enfant était né en 1276, près de
Florence, d'un homme qui travaillait à la terre,
nommé Bondone : cet enfant, arrivé à l'âge de
dix ans, montrait tant d'esprit et de vivacité,
que, dit un vieil auteur, son père lui donna
ses troupeaux à garder; cet enfant était le
Giotto.

Arrivé à Florence avec le Cimabué, il fit de
rapides progrès et fut bientôt à Cimabué ce que
Raphaël fut au Pérugin. Sa première innovation
fut de remettre la portraiture en honneur, et du
temps de Vasari l'on voyait encore au palais du
Podesta, à Florence, le portrait de Brunetto
Latini, celui de Corso Donali, et enfin celui du
Dante, qui était l'ami de cœur du Giotto : noble

i et grande amitié que celle de ces deux hommes,
qui faisaient tous deux en môme temps une ré-
volution dans le monde intellectuel, et qui po-
saient le christianisme pour base de la peinture
et de la poésie moderne.

Bientôt on ne parla plus que de Giolto ; il orna
de ses tableaux plusieurs églises de Florence,
peignit à la fresque un des côtés du Campo-
Santo de Pise, et le pape Benoit IX envoya tout
exprès en Toscane un courtisan pour voir quel
homme était Giotto, et lui commander des tra-
vaux. Ce courtisan, après avoir réuni quelques
tableaux des premiers maîtres toscans de cette
époque, s'en alla un matin à l'atelier de Giotto,
lui fil part des désirs du pontife, et lui demanda
un dessin pour l'envoyer à Sa Sainteté. Giotto,
qui était très railleur de sa nature, prit une feuille
de papier et un pinceau, trempa le pinceau dans
la couleur rouge ; puis, fixant son coude sur son
flanc pour se donner un point d'appui, il fit dé-
crire un cercle à sa main el traça un rond si
parfait, que, dit un vieil auteur, c'était une mer-
veille de le voir. Cela fait, il dil au courtisan,
avec une grimace ironique : « Voici le dessin.
— Comment, pas autre chose, reprit celui-ci
tout étonné. — C'est assez et trop; envoyez-le
avec les autres, et vous verrez si on le recon-
naîtra. Le courtisan, voyant qu'il ne pouvait en
obtenir autre chose, s'en alla très mal conlent
et croyant être joué. Cependant, en envoyant au
pape les autres dessins et les noms de ceux qui
les avaient faits, il envoya aussi le rond de
Giolto, sans oublier de raconter comment il le
lui avait vu faire. Le pape fut si enchanté de ce
rond, qu'il donna à Giotto la préférence sur tous
les autres artistes; et de là ce proverbe toscan,
quand on parle d'un homme obtus : Tu seipiù
tondo clie Fo di Giotto (lu es plus rond que l'o
de Giotto; et tondo veut dire à la fois rond et
sot). Ce trait rappelle la manière dont Xeuxis,
je crois, signa son nom en allant voir un autre
peintre Grec. Comme il ne l'avait pas trouvé et
qu'on lui demandait son nom, il prit un pinceau
et traça une ligne; dès que le peintre rentra et
qu'il vit celte ligne, il s'écria : Xeuxis est venu !
On dit aussi que Michel-Ange, étant allé visiter
Raphaël pendant qu'il peignait le triomphe de
Galatée au palais de la Farnesina, et ne l'ayant
pas rencontré, prit un morceau de charbon, el
pour carie lui dessina sur le mur une tête
d'homme. J'ai vu cette tête, et la rude ébauche
au crayon noir du vieux Michel Ange est encore
admirable auprès du chef-d'œuvre ravissant de
Raphaël : revenons à Giollo.

Le pape le fil donc venir à Rome; il lui donna
à peindre cinq traits de la vie du Christ dans la
tribune de Sainl-Pierre, le tableau principal de
la sacristie, toutes les histoires du Vieux el du
Nouveau Testament, plusieurs tableaux de la
Vierge, cl une grande partie de l'église des
Frères prédicateurs. Benoît IX étant mort, Clé-
ment V, son successeur, emmena Giotlo avec
lui à Avignon, et l'y garda plusieurs années. A
peine revenu à Florence en 1316, il alla à Padoue,

BULLETIN DE L'ART POUR TOUS. —

N° 214.
 
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