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Bulletin de l' art pour tous — 1903

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No 213 (Septembre 1903)
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L'ART-POUR -TOUS

Encyclopédie i)£ lvirtindustriel et décoratif

Y> araiss a rut tous les m-OtS

FONDÉ PAR EMILE REIBER

Directeur: Henry GUÉDY, architecte (S. A. F.)

Libratrtes^mprimeries réunies

a a a as h sse se ssb -^ g ^Afecs^m, ^ paris

_ 7, rue Saint-Benoît \V

42e Année ^ ^ Septembre 1903

BRUNELLESCHI

La Grèce et Rome n'existaient plus ; l'empire
romain, transporté à Gonstantinople, s'était
écroulé sans grand appareil; les peuples bar-
bares se ruaient sur l'Europe; un nouvel ordre
de choses se préparait pour le monde ; la société
moderne allait remplacer la société ancienne.
Dans cette colossale tourmente, l'art se perd ;
du iv° aux vme et ixe siècles, on n'en voit aucune
trace, ou bien celles qui existent encore sont
d'une telle grossièreté, à en juger clu moins par
les monuments numismatiques, qu'il faut pres-
que remonter à l'état sauvage pour s'en l'aire
une idée. Cependant, ce goût des arts, qui est
comme un besoin au fond du cœur humain,
revient peu à peu, et le style fort impropre-
ment appelé gothique naît et sort du chaos. —
A moins que ce nom, donné à une architec-
ture qui s'éloignait des lois anciennes, ne fût
primitivement un terme de mépris devenu une
appellation générique, on ne conçoit aucune
raison plausible pour l'appliquer à la chose qu'il
désigne. En effet, les Goths, anciens habitants
des bords de la Vistule et de la Suède méridio-
nale n'avaient pas d'architecture propre ; on
ne sait pas même s'ils avaient des arts. D'un
autre côté, dès le vnie siècle, on ne voit plus en
Europe de royaume des Goths : ils sont chassés
d'Italie, de France et d'Espagne, et ils avaient
disparu du monde ; ils étaient rayés de la liste
des nations deux siècles peut-être avant que
l'art qui porte leur nom se fût formulé.

Quoi qu'il en soit, cet art se répandit promp-
tement sur l'Europe entière ; l'Italie seule, bien
qu'elle subit le mouvement général, et qu'au
xve siècle, en pleine renaissance, on bâtit en-
core la cathédrale gothique de Milan, l'Italie
seule eut quelques remords de soa ingratitude
envers l'antique. Ainsi leGampo-Santo de Pise,
commencé vers 1278, et terminé en 1283, par
Jean de Pise, n'est point essentiellement go-
thique ; tous les autres ouvrages de ce grand
architecte portent de môme un caractère de re-
tour au goût gréco-romain, combiné avec celui
de son temps. — Cette tendance devait trouver
des hommes pour la suivre encore plus loin.
Arnolfo di Lapo, Florentin, mort en 1300, con-
sulte l'antique et s'acquiert un nom remar-
quable par la construction de la fameuse église
de Santa-Maria-dei-Fiori. Il ne vécut pas assez
pour la terminer, mais assez pour qu'on y puisse
admirer un accord bien entendu du style do-
minant de l'époque avec quelque chose qui
n'y ressemblait pas. Giotlo dresse, en 1330, le
campanile de l'église d'Arnolfo di Lapo. Taddeo
Gaddi, digne élève du Giolto, qui Lermine ce
que son maître avait commencé, et André Or-
cagna, qui vient après eux, travaillent dans le
même esprit. — Florence la chevaleresque, Flo-
rence est le véritable berceau de la renaissance.
Si l'on faisait une histoire des Florentins, ce
serait celle de presque tous les grands hommes

de l'Italie. Giotto, Taddeo, Gaddi et André
Orcagna, sont Florentins comme Arnolfo di
Lapo.

Ces puissantes organisations, ces hommes,
architectes, peintres, sculpteurs et poètes tout
à la fois, élevèrent sur les ruines de l'ancienne
Italie plus d'un monument cpii concourent à
l'illustration de la nouvelle. Ils servent de tran-
sition entre la recherche mystique et gracieuse
du moyen âge et la rigidité antique ; on peut
ainsi les considérer comme les précurseurs
de la renaissance, que la culture des lettres
grecques et romaines, et l'étude plus appro-
fondie des monuments de Rome, allaient en-
gendrer.

Le xmc et le xive siècles avaient donc bien
rempli leur tâche, lorsqu'à Florence, toujours
à Florence, naquit, en 1377, Felipo Brunel-
leschi ou Brunellesco, qui devait, dès le com-
mencement du xv°, porter l'architecture presque
à sa perfection. Fils du notaire Brunellesco di
Lippo-Lapi, sa famille avait donné à la ville
des fleurs plusieurs hommes de science et de
profession libérale. Son aïeul, Felipo, dont il
reçut le prénom, était médecin. Destiné, lui, à
être notaire comme son père, son éducation,
très soignée, fut dirigée d'abord vers les con-
naissances propres à former un homme de loi
distingué ; mais plus son esprit se développait
aux sources vivifiantes de l'étude, moins il se
sentait de penchant pour les affaires. Une
adresse extrême à de petits ouvrages de main,
une intelligence merveilleuse de toutes choses
mécaniques, quelques mouvements d'horloge
faits dans l'âge où l'on épèle, étaient des signes
flagrants d'une vocation qui contrariait beau-
coup les vues de ser di Lippo-Lapi, mais que
cet homme éclairé eut la sagesse de ne pas com-
battre. Le cœur plein de regrets, il plaça chez un
orfèvre son fils, tout joyeux du changement. Les
orfèvres étaient alors, des artistes chez lesquels
on dessinait avec la dernière sévérité. Leur école
était utile surtout pour ceux qui se consacraient
à la sculpture, à cause du grand nombre d'ou-
vrages bas-reliefs qu'on y pratiquait. Là une
liaison intime s'établit entre Felipo et un jeune
élève nommé Donatello, qui avait ses raisons
de prédestiné pour aimer mieux la sculpture
que quoi que ce soit. Cette amitié entraîna
d'abord le nouvel apprenti dans la statuaire, et
nous le verrons y acquérir une grande habileté.
Cela ne lui faisait pas négliger l'orfèvrerie, où
il ne tarda pas à exceller. Il montait des pierres
fines, gravait des nielles, et ajustait de petites
figures d'argent mieux qu'un artiste ancien
dans le métier. Cependant, naturellement en-
clin aux sciences abstraites, il commença bien-
tôt à se donner à la perspective, qui était en-
core presque dans l'enfance, et lui fit faire un
grand pas. Le premier, il trouva la manière
d'observer l'effet des distances, c'est-à-dire
« de lever le plan et le profil de l'édifice au
moyen de l'intersection des lignes. » (Vasari.)
Plus tard il avait coutume de dire que l'on ne

j pouvait être bon architecte sans posséder les
j secours de la perspective. Il aborda ensuite la
j géométrie sous un maître célèbre, Paolo Tosca-
j nelli, et ne voulut point l'abandonner qu'il n'en
connût tous les problèmes. L'architecture était
déjà son goût dominant; mais, pour y exceller,
il voulait acquérir toutes les connaissances né-
cessaires ; esprit vaste, énergique et de haute
portée, il se préparait vigoureusement à vain-
cre les choses difficiles. C'est dans ce but qu'il
s'appliqua encore à connaître la force des poids,
la puissance des roues, la manière de les faire
mouvoir, et toutes les lois enfin de la méca-
nique. Il ne cessait jamais de travailler, ses
distractions elles-mêmes étaient nobles et stu-
dieuses; il allait les demander aux plaisirs de
l'intimité avec son ami Donatello, ou bien à la
lecture de la Bible et des livres du Dante, dans
lesquels il disait trouver tout ce qui pouvait le
contenter pour le ciel et pour la terre. — Quel
âge viril devait produire une jeunesse si bien
employée !

Au milieu de ces occupations complexes, l'or-
fèvrerie et la sculpture n'étaient point négligées,
et ce fut môme une sainte Marie-Magdeleine,
exécutée en bois, et consumée depuis dans l'in-
cendie de l'église du Saint-Esprit vers 1471,
qui mit son nom en évidence pour la première
fois. 11 s'exerçait à la statuaire sous les lois de
Donatello, et lorsqu'on mit au concours, en
1402, l'exécution en bronze des portes du bap-
tistère de Saint-Jean de Florence, il entra dans
la lice, et joula de talent avec Jacopo délia
Queicia, Lorenzo Ghiberti, son ami Donatello
lui-même, et plusieurs autres. On sait que, de
l'aveu des concurrents, ce fut le jeune Ghiberti,
âgé de vingt ans, qui l'emporta dans ce tournoi
mémorable. Néanmoins Felipo avait si bien
réussi, qu'on lui donna la charge de seconder
Ghiberti; mais il s'entretenait clans une trop
grande sévérité d'honneur pour accepter cet
emploi : il ferma les yeux sur son intérêt per-
sonnel, sur le désir plus irrésistible encore de
prendre un peu de la gloire du vainqueur; il
refusa, et voulut, avec une délicatesse admi-
rable, laisser tout sans partage à l'heureux
rival.

De pareils sacrifices, témoignent de la vertu
d'une grande âme, mais ne s'accomplissent pas
sans effort ; plus l'ambition est haute, plus il en
coûte de servir au triomphe d'un autre. Soit que
les deux amis eussent besoin d'oublier une dé-
faite qu'ils confessaient généreusement, soit que
le moment d'accomplir un projet depuis long-
temps arrêté fut venu, Donatello et Brunelles-
chi quittèrent Florence ensemble après le con-
cours, et s'en allèrent à Borne. Pour subvenir
aux frais du voyage, ils avaient vendu une pe-
tite propriété de Felipo, qu'ils ne regrettèrent
point quand ils virent les chefs-d'œuvre étalés
de toute part à leurs yeux dans la capitale du
monde. A peine revenus du premier étonne-
ment où ces merveilles plongèrent leurs âmes
d'artistes, ils se mirent à copier les modèles qui

BULLETIN DE L'ART POUR TOUS. —

N° 213.
 
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