BULLETIN DE L'ART POUR TOUS
N° 215
Il y a encore clans d'autres parties du tableau
des anges qui tiennent beaucoup de sentences
écrites en langue latine et en langue vulgaire,
mais donl les caractères sont presque tous effa-
cés par le temps.
Voilà ce que c'est que le Triomphe de la Mort,
du vieux Orgagna : on admire dans le Gaiïipo-
Santo bien d'autres tableaux de bien d'autres
maîtres : Giotto, Buonamico y ont tracé des
pages sublimes; mais, pour moi, cependant, il
n'y a dans cet admirable cimetière que des ta-
bleaux d'Orgagna : il me semble que celieuélait
fait pour cet homme, cet homme pour ce lieu,
tant cette peinture grave, solennelle, naïve et
triste, s'allie mélancoliquement au caractère de
ce bel édifice, et cependant, l'avouefai-je, mal-
gré toutes ces beautés, les Campi-Santi d'Italie
ne me touchent pas; certes, c'est une belle
chose que le Campo-Sanlo de Bologne avec ses
longs portiques et ses arcades de marbre; certes
le Campo-Santo de Pise est un des plus admi-
rables monuments modernes ; mais je ne vois
dans le cimetière de Bologne qu'un amphi-
théâtre, et dans celui de Pise qu'un musée : les
peintures qui les décorent sont si grandes et si
belles que je ne pense pas au nom des morts qui
sont dessus; si je prononce avec regret le mot
de destruction, ce sont ces fresques à moitié
rongées par le temps que je regrette, et non les
hommes expirés ; je pleure sur le plâtre détruit
plutôt que sur la poussière humaine ; et puis
ayez donc de la peine dans un si grand édifice :
il y a trop de place autour de vous, c'est trop
beau, trop Panthéon, et dans un Panthéon on
admire, mais on ne pleure pas. Oh! j'aime bien
mieux, tout pauvre qu'il soit, notre Père-La-
chaise de France, où l'on est chez soi pour être
triste, où chacun a sa chaise pour s'asseoir, sa
pierre pour se mettre à genoux, son saule pour
se cacher quand il vient à la tombe de ceux qui
ne sont plus, afin de penser h eux, et de re-
commencer, par le souvenir, les entreliens
évanouis.
Orgagna termina ses travaux dans le Campo-
Santo de Pise. L'an 1350, il retourna à Florence.
La commune avait acheté à ce moment auprès
du palais quelques maisons de particuliers,
afin de les abattre, d'agrandir la place et de
bâtir un lieu couvert où l'on put se promener
pendant l'hiver et les temps de pluie On mit le
dessin de cette loggia au concours, et l'esquisse
d'Orgagna ayant été jugée la plus belle, il com-
mença, par l'ordre des seigneurs, la grande
loggia, qui est aujourd'hui sur la place, sur les
fondements faits du temps du duc d'Athènes. Il
changea la forme des arches de cette voûte, et
entre les arcades de la façade, il plaça sept fi-
gures de marbre de demi-relief qui représen-
taient les sept vertus théologales et cardinales;
ce qui le fit connaître pour aussi bon sculpteur
que peintre et architecte: aussi, depuis ce temps,
signait-il sur toutes ses peintures : Fece Andréa
di Cione scultore; et sur toutes ses sculptures :
Fece Andréa di Cione pittore. Il fut encore
chargé, en 1348, de faire un tabernacle tout orné
de pierres précieuses, de mosaïques et d'orne-
ments de bronze; mais, quoiqu'il ne se fût
jamais occupé d'ornements et de décorations, il
déploya dans ce nouveau travail un goût
exquis et inconnu, ce qui prouve que si l'esprit
est l'art de se passer de ce que l'on ignore,
le génie est la faculté de deviner ce qu'on ne
sait pas.
Orgagna n'était.pas seulement un grand ar-
tiste, c'était un homme bon, toujours prêt à
aider ceux qui commençaient, sincèrement
pieux, et croyant à Dieu et au diable quand il
peignait Dieu et le diable. Son portrait, qu'il
nous a laissé dans un de ses tableaux, le repré-
sente comme un homme à tète large et carrée,
le visage plat, le nez un peu écrasé, l'œil grand
et triste, la barbe rase, la tête enveloppée d'une
espèce de cape. Il mourut à soixante ans, dans
l'année 1389, et fut porté au Campo-Sanlo avec
d'honorables funérailles.
2e Congrès international de l'Enseignement du Dessin
Appel aux non-professionnels
La Revue Suisse de l'enseignement professionnel
nous fournit, sur la préparation du Congrès de
Berne, quelques détails qui nous entraînent à signa-
ler aux lecteurs français certains côtés particuliers de
l'organisation de ce Congrès, qui semblent avoir
passé jusqu'ici un peu inaperçus.
Du rapport de M. Léon Genoud, promoteur et or-
ganisateur très zélé de la réunion en Helvélie, il
ressort que les adhérents français sont moins nom-
breux qu'on aurait pu 1'. spérer. Malgré la lettre de
M. Pillet, malgré les facilités offertes par la direction
du Moniteur du Dessin pour les inscriptions et pour
les envois de fonds, les Français sont encore en mi-
norité relativement aux étrangers : Allemands, Prus-
siens, Autrichiens, Russes, Belges, Espagnols, Hol-
landais, Italiens, Anglais, Américains du Nord et
Américains du Sud, Japonais même, se sont fait
inscrire avec empressement.
Le nombre des rapports annoncés est considé-
rable et les envois qui les accompagneront, à titre de
documentation expérimentale, paraissent devoir être
des plus importants.
Personnellement, nous savons qu'aux Etats-Unis
on se prépare avec ardeur, depuis plus de deux ans,
à faire figure à l'Exposition scolaire de Berne plus
brillamment encore qu'à celle de Paris.
Miss Sarlain, déléguée américaine, membre du
Comité permanent des Congrès, venue à Paris cet
été, pour la première fois depuis 1900, nous a mon-
tré des photographies (en noir et en couleurs) de
multiples et intéressants travaux qu'elle a déjà réunis.
Elle en réunira certainement d'autres pour repré-en-
ter dignement l'Ecole féminine de Dessin (Philadel-
phia School of dessing for Women) qu'elle dirige avec
tant de compétence artistique. « Celte Ecole, qui
est la plus ancienne et la plus grande institution de
ce genre aux Etats-Unis, fut fondée en 1844, dans le
but de faciliter aux jeunes personnes l'élude systéma-
tique des principes des arts du dessin et de leurs
applications industrielles; c'est, avant tout, une Ecole
d'Arts industriels. L'enseignement y comprend des
cours très divers pour l'élude du portrait, du dei-sin
à la plume, de la gravure, du modelage, de la pein
ture de fleurs, de l'illustration, du de ssin pratique et
de la préparation des maîtresses spéciales de dessin.
Elle donne aussi, et d'une manière spéciale, le dessin
technique, formant des employées de bureau tech-
niques, des dessinateurs de fabriques, etc. » (Rapport
de M. Léon Genoud).
Miss Whecler, qui représente aussi tes Etats-Unis
au Comité permanent, vient de passer quelques
jours à Fribourg pour se concerter avec M. Genoud.
Elle nous écrit, de son côté, qu'elle part avec de
grands projets. Elle va les mettre en œuvre dans son
Ecole de Providence (Rhode-Island), école à trois
divisions, comprenant :
t" Une école Frœbel avec jardin d'enfants cl école
primaire ;
2° Une école secondaire ;
I!" Une école de dessin et de peinture à deux de-
grés : l'inférieur pour les enfanls au-dessous de treize
an=;; le supérieur pour les enfants au-dessus de cet âge.
Dans cet important établissement scolaire, miss
Wheeler poursuit avec un zèle admirable la mise en
pratique des principes de cette nouvelle éducation, si
bien définie par elle en son rapport au Congrès de
1900, et qui faitune si grande placj à tous les degrés
de l'enseignement aux études de dessin.
Non seulement pour la préparation de futurs ar-
tistes et de futurs ouvriers d'art et d'arts industriels,
mais plus encore comme élément indispensable de
l'éducation générale légitimement due à tous, Véduca-
tion d'Art est considérée, par miss W heeler, comme
un facteur prépondérant du développement indivi-
duel de chacun, quelle que poit l'orientation ulté-
rieure de son activité. Et cela, parce que, exerçant à
la fois l'oeil, la main et l'intelligence, elle initie à la
connaissance exacte des choses et en précise le sou-
venir, par leur observation directe et leurs reproduc-
tions les plus diverses, graphiques ou ouvrées;
parce que, tout en aidant à faire acquérir l'habileté
des doigts, elle stimule les initiatives créatrices;
parce qu'elle fournil la documentation la plus riche
cl, la plus variée comme aliment à l'imagination;
parce que, éclairant le goût, elle assure le jugement,
grâce à l'étude des beautés de la nature et des
œuvres de l'homme, et parce que, enfin, elle est la
meilleure culture esthétique de l'esprit, et éveille les
émotions les plus élevées de l'âme par l'amour du
beau.
L'enseignement du dessin, dans les études de tout
ordre organisées conformément aux idées exprimées
par miss Wheeler el préconisées également par
M. Henry Turner Bailey, le très intelligent directeur
de l'enseignement du dessin dans l'Etat du Massa-
chusetts, nous promet pour le Congrès de Berne une
Exposition scolaire d'éducation d'Art encore plus
abondante et plus curieuse que celle qui fut tant ad-
mirée à l'Exposition universelle de 1900 (1).
Nul doute que partout des efforts ne soient faits,
comme en Amérique, pour que l'enseignement du
dessin de chaque pays soit représenté à Berne, en
loutes ses manifestations, de la façon la plus com-
plète et la plus brillante possible.
11 ne faut pas qu'aucun de ceux qui, en France,
enseignent le dessin, néglige l'occasion offerte d'aller
voir et étudier tous les intéressants travaux qui, par
Ml Nous devons à l'ohligeance de miss Wheeler et à
celle de M. Turner Bailey, de posséder quelques spéci-
mens de travaux de l'Ecole de Providence et des Ecoles
de Massachusetts. Le grand intérêt qu'ils ont éveillé
chez toutes les institutrices auxquelles nous avons eu
l'occasion de les montrer, indique la valeur pédagogique
incontestable de ces travaux.
les différentes nations, seront envoyés au deuxième
Congrès du dessin.
Tous les professeurs de dessin doivent donc s'in-
scrire pour aller à Berne en 190L
Tous, non seulement les professeurs de l'Etat et de
la Ville de Paris, mais aussr les professeurs de l'ensei-
gnement libre, doivent assister au Congrès de 1905
où seront discutées toutes les méthodes; ils le doi-
vent, pour eux d'abord, pour les avanlagt s du voyage
en ce beau pays; pour les avantages offerts aux
membres de leur famille qui les accompagneront (1);
mais aussi, encore et surtout, pour la connaissance
de ce qui se fait ailleurs ; pour qu'ayant examiné, étu-
dié, discuté tout ce qui se fait ici ou là, ils soient'bien
renseignés sur les moyens utilisés par autrui, afin
d'en user pour bien armer les générations nouvelles-
de tous les éléments de succès dans cette lutte pour
la vie qui, entre les nalions, se combat, plus con-
stamment sur le terrain de l'art el de l'industrie,
que sur les champs de bataille meurtriers de la
guerre, devenue heureusement de plus en plus rare.
*
Mais les professeurs peuvent se savoir invités au
Congrès de Berne; ce qu'il faut, en outre, c'est que
les non professionnels n'ignorent pas qu'il y a place
pour eux en ces nouvelles et secondes assises de
l'enseignement du dessin.
Au début des travaux du Comité suisse d'organi-
sation, le Département fédéral de l'industrie expri-
mait le regret : « de ne voir figurer dans la compo-
sition du Conseil du deuxième Congrès, que des
membres choisis presque exclusivement dans les
rangs des directeurs ou des maîtres des écoles de
dessin professionnel, alors que ces membres de-
vraient être choisis dans tous les domaines de l'en-
seignement ».
Depuis, le Comité suisse, tenant compte de i'obs' r-
vatiôn, s'est adjoint le directeur des écoles normales
à Lauzanne; un ancien inspecteur scolaire, profes-
seur à l'Université de Fribourg; un ancien maître
d'école secondaire, conseiller national à Zurich; un
instituteur à Wil (Saint-Gall).
Que nés instituteurs et institutrices, que nos pro-
fesseurs, que nos directeurs et directrices d'enseigne-
ment public ou privé, primaire, secondaire cl supé-
rieur, que nos inspecteurs et inspectrices d'enseigne-
ments divers sachent donc qu'ils seront les très bien
venus au milieu des professeurs d'enseignement spé-
cial, et qu'ils viennent apporter le fruit de leur expé-
rience pédagogique plus générale dans nos discus-
sions de méthodes éducatives, pour leur donner le
caractère pratique essentiellement nécessaire.
Si de ces discussions doivent sortir des projets
d'utiles réformes, il est indispensable que d'autres
que nous, spécialistes, puissent aider à faire triom-
pher ces réformes.
A ce propos, il serait très désirable que puissent
participer au Congrès quelques-uns de nos législa-
teurs, quelques-uns de ceux qui s'occupent spéciale-
ment de l'instruction publique, des Rapporteurs du
budget des Beaux-Arts comme MM. Aynard, Couyba
el Dujardin-Beaumelz, par exemple.
Des réformes ajant été jugées nécessaires et adop-
tées, cela ne saurait suffire, si un grand mouvement
d'opinion publique ne venait susciter dans les masses
l'élan sincère et convaincu qui seul peut les rendre
efficaces en les faisant passer dans les mœurs. Pour
créer ce mouvement, le concours des écrivains, jour-
nalistes, critiques d'art sera nécessaire, comme auss-i
celui de certains de ces hommes généreux qui, préoc-
cupés des progrès de l'humanité, vont au peuple pour
lui donner une éducation plus forte, et dans les Uni-
versités populaires, non catholiques ou catholiques,
s'adressent directement à lui pour lui donner le sen-
timent et le goût de tout ce qui peut contribuer à
l'élever.
Puisque les parc nts pourront accompagner les con-
gressistes, il serait bon que puissent prendre part
aux discussions quelques mamans françaises, de
celles qui ont une haute culture intellectuelle et qui
sont do vraies éducatrices intuitives ; des femmes
telles que Mm° Albert Besnard, pour n'en citer
qu'une. Femme <t mère d'artistes, arli-te elle-même,
comprenant si bien l'art de l'enfant et le, respect de
ses premiers efforts créateurs, et l'importance, pour
l'avenir, de ses premières manifestations de l'amour
du Beau chez tous ceux : fils du peuple ou fils de
familles fortunées, qui seront la France de demain
et peuvent contribuer à sa gloire (2).
Les artistes professant ou ne professant pas le
dessin enseignent par leur art même. Il doit leur
suffire de savoir quel est le but du Congrès pour s'y
sentir attirés.
Parmi les non-professionnels, la seconde section
du Congrès (3) aura besoin de s'adresser, pour leur
demander leurs conseils expérimentés, aux indus-
triels, ingénieurs, praticiens des métiers divers, pour
déterminer les conditions des meilleurs apprentis-
sages de leurs divers métiers dans les cours et écoles
d'enseignement préparatoire aux carrières d'ouvrier
d'art ou d'art industriel.
Eux aussi doivent tenir à être représentés à Berne
en 1904.
La liste est longue des revues et autres périodi-
ques qui, en toutes les langues, ont publié l'appel de
M. Genoud et qui, dans leurs colonnes, lui ont offert
un concours utile par des articles d intelligente pro-
(1) Les parents, des congressistes participeront a tous
les avantages offerts à ceux-ci, en se faisant inscrire
comme eux et avec eux. Sur l'initiative de M. Pillet, des
démarches sont faites pour faire accroître encore les
avantages offerts aux adhérents de famille.
(2) Voir le rapport de M"0 A. Besnard, cité dans le
Moniteur du Dessin du 15 mai 1902.
(3) 1" section : Education générale ; 2° section : Ensei-
gnements spéciaux appliqués.
N° 215
Il y a encore clans d'autres parties du tableau
des anges qui tiennent beaucoup de sentences
écrites en langue latine et en langue vulgaire,
mais donl les caractères sont presque tous effa-
cés par le temps.
Voilà ce que c'est que le Triomphe de la Mort,
du vieux Orgagna : on admire dans le Gaiïipo-
Santo bien d'autres tableaux de bien d'autres
maîtres : Giotto, Buonamico y ont tracé des
pages sublimes; mais, pour moi, cependant, il
n'y a dans cet admirable cimetière que des ta-
bleaux d'Orgagna : il me semble que celieuélait
fait pour cet homme, cet homme pour ce lieu,
tant cette peinture grave, solennelle, naïve et
triste, s'allie mélancoliquement au caractère de
ce bel édifice, et cependant, l'avouefai-je, mal-
gré toutes ces beautés, les Campi-Santi d'Italie
ne me touchent pas; certes, c'est une belle
chose que le Campo-Sanlo de Bologne avec ses
longs portiques et ses arcades de marbre; certes
le Campo-Santo de Pise est un des plus admi-
rables monuments modernes ; mais je ne vois
dans le cimetière de Bologne qu'un amphi-
théâtre, et dans celui de Pise qu'un musée : les
peintures qui les décorent sont si grandes et si
belles que je ne pense pas au nom des morts qui
sont dessus; si je prononce avec regret le mot
de destruction, ce sont ces fresques à moitié
rongées par le temps que je regrette, et non les
hommes expirés ; je pleure sur le plâtre détruit
plutôt que sur la poussière humaine ; et puis
ayez donc de la peine dans un si grand édifice :
il y a trop de place autour de vous, c'est trop
beau, trop Panthéon, et dans un Panthéon on
admire, mais on ne pleure pas. Oh! j'aime bien
mieux, tout pauvre qu'il soit, notre Père-La-
chaise de France, où l'on est chez soi pour être
triste, où chacun a sa chaise pour s'asseoir, sa
pierre pour se mettre à genoux, son saule pour
se cacher quand il vient à la tombe de ceux qui
ne sont plus, afin de penser h eux, et de re-
commencer, par le souvenir, les entreliens
évanouis.
Orgagna termina ses travaux dans le Campo-
Santo de Pise. L'an 1350, il retourna à Florence.
La commune avait acheté à ce moment auprès
du palais quelques maisons de particuliers,
afin de les abattre, d'agrandir la place et de
bâtir un lieu couvert où l'on put se promener
pendant l'hiver et les temps de pluie On mit le
dessin de cette loggia au concours, et l'esquisse
d'Orgagna ayant été jugée la plus belle, il com-
mença, par l'ordre des seigneurs, la grande
loggia, qui est aujourd'hui sur la place, sur les
fondements faits du temps du duc d'Athènes. Il
changea la forme des arches de cette voûte, et
entre les arcades de la façade, il plaça sept fi-
gures de marbre de demi-relief qui représen-
taient les sept vertus théologales et cardinales;
ce qui le fit connaître pour aussi bon sculpteur
que peintre et architecte: aussi, depuis ce temps,
signait-il sur toutes ses peintures : Fece Andréa
di Cione scultore; et sur toutes ses sculptures :
Fece Andréa di Cione pittore. Il fut encore
chargé, en 1348, de faire un tabernacle tout orné
de pierres précieuses, de mosaïques et d'orne-
ments de bronze; mais, quoiqu'il ne se fût
jamais occupé d'ornements et de décorations, il
déploya dans ce nouveau travail un goût
exquis et inconnu, ce qui prouve que si l'esprit
est l'art de se passer de ce que l'on ignore,
le génie est la faculté de deviner ce qu'on ne
sait pas.
Orgagna n'était.pas seulement un grand ar-
tiste, c'était un homme bon, toujours prêt à
aider ceux qui commençaient, sincèrement
pieux, et croyant à Dieu et au diable quand il
peignait Dieu et le diable. Son portrait, qu'il
nous a laissé dans un de ses tableaux, le repré-
sente comme un homme à tète large et carrée,
le visage plat, le nez un peu écrasé, l'œil grand
et triste, la barbe rase, la tête enveloppée d'une
espèce de cape. Il mourut à soixante ans, dans
l'année 1389, et fut porté au Campo-Sanlo avec
d'honorables funérailles.
2e Congrès international de l'Enseignement du Dessin
Appel aux non-professionnels
La Revue Suisse de l'enseignement professionnel
nous fournit, sur la préparation du Congrès de
Berne, quelques détails qui nous entraînent à signa-
ler aux lecteurs français certains côtés particuliers de
l'organisation de ce Congrès, qui semblent avoir
passé jusqu'ici un peu inaperçus.
Du rapport de M. Léon Genoud, promoteur et or-
ganisateur très zélé de la réunion en Helvélie, il
ressort que les adhérents français sont moins nom-
breux qu'on aurait pu 1'. spérer. Malgré la lettre de
M. Pillet, malgré les facilités offertes par la direction
du Moniteur du Dessin pour les inscriptions et pour
les envois de fonds, les Français sont encore en mi-
norité relativement aux étrangers : Allemands, Prus-
siens, Autrichiens, Russes, Belges, Espagnols, Hol-
landais, Italiens, Anglais, Américains du Nord et
Américains du Sud, Japonais même, se sont fait
inscrire avec empressement.
Le nombre des rapports annoncés est considé-
rable et les envois qui les accompagneront, à titre de
documentation expérimentale, paraissent devoir être
des plus importants.
Personnellement, nous savons qu'aux Etats-Unis
on se prépare avec ardeur, depuis plus de deux ans,
à faire figure à l'Exposition scolaire de Berne plus
brillamment encore qu'à celle de Paris.
Miss Sarlain, déléguée américaine, membre du
Comité permanent des Congrès, venue à Paris cet
été, pour la première fois depuis 1900, nous a mon-
tré des photographies (en noir et en couleurs) de
multiples et intéressants travaux qu'elle a déjà réunis.
Elle en réunira certainement d'autres pour repré-en-
ter dignement l'Ecole féminine de Dessin (Philadel-
phia School of dessing for Women) qu'elle dirige avec
tant de compétence artistique. « Celte Ecole, qui
est la plus ancienne et la plus grande institution de
ce genre aux Etats-Unis, fut fondée en 1844, dans le
but de faciliter aux jeunes personnes l'élude systéma-
tique des principes des arts du dessin et de leurs
applications industrielles; c'est, avant tout, une Ecole
d'Arts industriels. L'enseignement y comprend des
cours très divers pour l'élude du portrait, du dei-sin
à la plume, de la gravure, du modelage, de la pein
ture de fleurs, de l'illustration, du de ssin pratique et
de la préparation des maîtresses spéciales de dessin.
Elle donne aussi, et d'une manière spéciale, le dessin
technique, formant des employées de bureau tech-
niques, des dessinateurs de fabriques, etc. » (Rapport
de M. Léon Genoud).
Miss Whecler, qui représente aussi tes Etats-Unis
au Comité permanent, vient de passer quelques
jours à Fribourg pour se concerter avec M. Genoud.
Elle nous écrit, de son côté, qu'elle part avec de
grands projets. Elle va les mettre en œuvre dans son
Ecole de Providence (Rhode-Island), école à trois
divisions, comprenant :
t" Une école Frœbel avec jardin d'enfants cl école
primaire ;
2° Une école secondaire ;
I!" Une école de dessin et de peinture à deux de-
grés : l'inférieur pour les enfanls au-dessous de treize
an=;; le supérieur pour les enfants au-dessus de cet âge.
Dans cet important établissement scolaire, miss
Wheeler poursuit avec un zèle admirable la mise en
pratique des principes de cette nouvelle éducation, si
bien définie par elle en son rapport au Congrès de
1900, et qui faitune si grande placj à tous les degrés
de l'enseignement aux études de dessin.
Non seulement pour la préparation de futurs ar-
tistes et de futurs ouvriers d'art et d'arts industriels,
mais plus encore comme élément indispensable de
l'éducation générale légitimement due à tous, Véduca-
tion d'Art est considérée, par miss W heeler, comme
un facteur prépondérant du développement indivi-
duel de chacun, quelle que poit l'orientation ulté-
rieure de son activité. Et cela, parce que, exerçant à
la fois l'oeil, la main et l'intelligence, elle initie à la
connaissance exacte des choses et en précise le sou-
venir, par leur observation directe et leurs reproduc-
tions les plus diverses, graphiques ou ouvrées;
parce que, tout en aidant à faire acquérir l'habileté
des doigts, elle stimule les initiatives créatrices;
parce qu'elle fournil la documentation la plus riche
cl, la plus variée comme aliment à l'imagination;
parce que, éclairant le goût, elle assure le jugement,
grâce à l'étude des beautés de la nature et des
œuvres de l'homme, et parce que, enfin, elle est la
meilleure culture esthétique de l'esprit, et éveille les
émotions les plus élevées de l'âme par l'amour du
beau.
L'enseignement du dessin, dans les études de tout
ordre organisées conformément aux idées exprimées
par miss Wheeler el préconisées également par
M. Henry Turner Bailey, le très intelligent directeur
de l'enseignement du dessin dans l'Etat du Massa-
chusetts, nous promet pour le Congrès de Berne une
Exposition scolaire d'éducation d'Art encore plus
abondante et plus curieuse que celle qui fut tant ad-
mirée à l'Exposition universelle de 1900 (1).
Nul doute que partout des efforts ne soient faits,
comme en Amérique, pour que l'enseignement du
dessin de chaque pays soit représenté à Berne, en
loutes ses manifestations, de la façon la plus com-
plète et la plus brillante possible.
11 ne faut pas qu'aucun de ceux qui, en France,
enseignent le dessin, néglige l'occasion offerte d'aller
voir et étudier tous les intéressants travaux qui, par
Ml Nous devons à l'ohligeance de miss Wheeler et à
celle de M. Turner Bailey, de posséder quelques spéci-
mens de travaux de l'Ecole de Providence et des Ecoles
de Massachusetts. Le grand intérêt qu'ils ont éveillé
chez toutes les institutrices auxquelles nous avons eu
l'occasion de les montrer, indique la valeur pédagogique
incontestable de ces travaux.
les différentes nations, seront envoyés au deuxième
Congrès du dessin.
Tous les professeurs de dessin doivent donc s'in-
scrire pour aller à Berne en 190L
Tous, non seulement les professeurs de l'Etat et de
la Ville de Paris, mais aussr les professeurs de l'ensei-
gnement libre, doivent assister au Congrès de 1905
où seront discutées toutes les méthodes; ils le doi-
vent, pour eux d'abord, pour les avanlagt s du voyage
en ce beau pays; pour les avantages offerts aux
membres de leur famille qui les accompagneront (1);
mais aussi, encore et surtout, pour la connaissance
de ce qui se fait ailleurs ; pour qu'ayant examiné, étu-
dié, discuté tout ce qui se fait ici ou là, ils soient'bien
renseignés sur les moyens utilisés par autrui, afin
d'en user pour bien armer les générations nouvelles-
de tous les éléments de succès dans cette lutte pour
la vie qui, entre les nalions, se combat, plus con-
stamment sur le terrain de l'art el de l'industrie,
que sur les champs de bataille meurtriers de la
guerre, devenue heureusement de plus en plus rare.
*
Mais les professeurs peuvent se savoir invités au
Congrès de Berne; ce qu'il faut, en outre, c'est que
les non professionnels n'ignorent pas qu'il y a place
pour eux en ces nouvelles et secondes assises de
l'enseignement du dessin.
Au début des travaux du Comité suisse d'organi-
sation, le Département fédéral de l'industrie expri-
mait le regret : « de ne voir figurer dans la compo-
sition du Conseil du deuxième Congrès, que des
membres choisis presque exclusivement dans les
rangs des directeurs ou des maîtres des écoles de
dessin professionnel, alors que ces membres de-
vraient être choisis dans tous les domaines de l'en-
seignement ».
Depuis, le Comité suisse, tenant compte de i'obs' r-
vatiôn, s'est adjoint le directeur des écoles normales
à Lauzanne; un ancien inspecteur scolaire, profes-
seur à l'Université de Fribourg; un ancien maître
d'école secondaire, conseiller national à Zurich; un
instituteur à Wil (Saint-Gall).
Que nés instituteurs et institutrices, que nos pro-
fesseurs, que nos directeurs et directrices d'enseigne-
ment public ou privé, primaire, secondaire cl supé-
rieur, que nos inspecteurs et inspectrices d'enseigne-
ments divers sachent donc qu'ils seront les très bien
venus au milieu des professeurs d'enseignement spé-
cial, et qu'ils viennent apporter le fruit de leur expé-
rience pédagogique plus générale dans nos discus-
sions de méthodes éducatives, pour leur donner le
caractère pratique essentiellement nécessaire.
Si de ces discussions doivent sortir des projets
d'utiles réformes, il est indispensable que d'autres
que nous, spécialistes, puissent aider à faire triom-
pher ces réformes.
A ce propos, il serait très désirable que puissent
participer au Congrès quelques-uns de nos législa-
teurs, quelques-uns de ceux qui s'occupent spéciale-
ment de l'instruction publique, des Rapporteurs du
budget des Beaux-Arts comme MM. Aynard, Couyba
el Dujardin-Beaumelz, par exemple.
Des réformes ajant été jugées nécessaires et adop-
tées, cela ne saurait suffire, si un grand mouvement
d'opinion publique ne venait susciter dans les masses
l'élan sincère et convaincu qui seul peut les rendre
efficaces en les faisant passer dans les mœurs. Pour
créer ce mouvement, le concours des écrivains, jour-
nalistes, critiques d'art sera nécessaire, comme auss-i
celui de certains de ces hommes généreux qui, préoc-
cupés des progrès de l'humanité, vont au peuple pour
lui donner une éducation plus forte, et dans les Uni-
versités populaires, non catholiques ou catholiques,
s'adressent directement à lui pour lui donner le sen-
timent et le goût de tout ce qui peut contribuer à
l'élever.
Puisque les parc nts pourront accompagner les con-
gressistes, il serait bon que puissent prendre part
aux discussions quelques mamans françaises, de
celles qui ont une haute culture intellectuelle et qui
sont do vraies éducatrices intuitives ; des femmes
telles que Mm° Albert Besnard, pour n'en citer
qu'une. Femme <t mère d'artistes, arli-te elle-même,
comprenant si bien l'art de l'enfant et le, respect de
ses premiers efforts créateurs, et l'importance, pour
l'avenir, de ses premières manifestations de l'amour
du Beau chez tous ceux : fils du peuple ou fils de
familles fortunées, qui seront la France de demain
et peuvent contribuer à sa gloire (2).
Les artistes professant ou ne professant pas le
dessin enseignent par leur art même. Il doit leur
suffire de savoir quel est le but du Congrès pour s'y
sentir attirés.
Parmi les non-professionnels, la seconde section
du Congrès (3) aura besoin de s'adresser, pour leur
demander leurs conseils expérimentés, aux indus-
triels, ingénieurs, praticiens des métiers divers, pour
déterminer les conditions des meilleurs apprentis-
sages de leurs divers métiers dans les cours et écoles
d'enseignement préparatoire aux carrières d'ouvrier
d'art ou d'art industriel.
Eux aussi doivent tenir à être représentés à Berne
en 1904.
La liste est longue des revues et autres périodi-
ques qui, en toutes les langues, ont publié l'appel de
M. Genoud et qui, dans leurs colonnes, lui ont offert
un concours utile par des articles d intelligente pro-
(1) Les parents, des congressistes participeront a tous
les avantages offerts à ceux-ci, en se faisant inscrire
comme eux et avec eux. Sur l'initiative de M. Pillet, des
démarches sont faites pour faire accroître encore les
avantages offerts aux adhérents de famille.
(2) Voir le rapport de M"0 A. Besnard, cité dans le
Moniteur du Dessin du 15 mai 1902.
(3) 1" section : Education générale ; 2° section : Ensei-
gnements spéciaux appliqués.