DES ARTS DÉCORATIFS ET INDUSTRIELS.
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restées en Grèce. Ce qui échappa aux barbares,
aux pieux iconoclastes et aux croisés périt de la
main des Turcs, et, avant tout, les bronzes, qui
furent convertis en armes et en gros sous.
Heureusement, la terre a conservé un grand
nombre de copies des œuvres les plus réputées
que le goût classique, dès l’époque d’Auguste,
multiplia dans les édi-
fices publics comme
dans les habitations et
les jardins des particu-
liers fortunés.
Nous devons nous
figurer dans les grandes
villes, et spécialement
à Rome, de ces bou-
tiques de marbriers
habiles, mais peu artis-
tes, telles qu’on en voit
encore tant en Italie.
On y trouvait indis-
tinctement, pratiquées
en marbre — qu’il se
soit agi d’originaux de
marbre ou de bronze
— des reproductions
de ces statues fameuses
dont l’admiration s'im-
posait à tous, en raison
de leur célébrité
même, et que l’on pou-
vait ainsi acheter à
coup sûr. Les repro-
ductions les plus exac-
tes étaient celles des
bronzes, car souvent
elles étaient basées sui-
des moulages, que l’on
ne pouvait obtenir des
originaux en marbre,
dont ils auraient gâté
la polychromie. Au
point de vue du vœu de l’artiste, rien r.’était plus
déplorable que cette traduction en marbre d’une
œuvre conçue pour une matière si différente, d’au-
tant plus qu’elle rendait nécessaire l’adjonction de
supports massifs et disgracieux, troncs d'arbres ou
rochers, qui contrariaient les lignes et rompaient
l’harmonie. Mais c’étaient là choses dont n’avait
cure la médiocre sensibilité artistique des finan-
ciers romains et dont la sensibilité moderne a mis
longtemps à s’apercevoir. Et à cette disgrâce qui;
jointe à l’exécution parfois brutale des répliques,
nuit déjà tant à l’impression, est venue s’en ajouter
une bien plus grave encore par le fait des restau-
rations que l’on infligeait, jusqu'il y a quelque
cinquante ans, à tout marbre sortant du sol un tant
soit peu mutilé.
Ainsi le discobole n’est connu que par des répli-
ques de qualités diverses et plus ou moins défigu-
rées par des adjonctions. La plus répandue, par
le moulage, est celle du musée du Vatican, qui est
affligée d’une tête étrangère et, qui plus est, mise
dans le mauvais sens.
Un seul exemplaire
(sans parler d’un petit
bronze qui se trouve à
Munich) possède la
tête antique dans la
position exacte, et en-
core cet exemplaire,
dérobé à tous les yeux
au fond du palais Lan-
celotti, n'est-il connu
que par une ancienne
photographie. Un
moulage de la tête a
pu être retrouvé ‘ au
Louvre.
Le torse de Castel
Porziano pouvant être
considéré comme le
meilleur, M. Rizzo a
été bien inspiré en en
tentant, en plâtre, une
restauration au moyen
d’éléments divers : la
tête Lancelotti, un
bras droit conservé à
la 'Casa Buonarotti, à
Florence (d’un style si
apparenté à celui du
torse qu’on peut se de-
mander s’il ne lui ap-
partient pas) et les
pieds d’un exemplaire
du British Muséum.
(Voir les figures.)
Un pas resterait encore à faire, et nous espérons
le franchir sous peu 1 : supprimer tout à fait le
support soutenant la jambe gauche (moins gênant
cependant que celui de l’exemplaire du Vatican),
et bronzer la figure, en ayant soin, selon la cou-
tume grecque, d’émailler les yeux, d’argenter les
lèvres et les boutons des seins ; de plus, à la façon
antique, la plinthe aurait l’apparence de la pierre.
On se rapprocherait ainsi, autant qu’il est possi-
ble de le faire, du chef-d’œuvre à jamais perdu de
Myron.
i. J’apprends que M. Rizzo a réalisé à Rome la tenta-
tive que je préconise.
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restées en Grèce. Ce qui échappa aux barbares,
aux pieux iconoclastes et aux croisés périt de la
main des Turcs, et, avant tout, les bronzes, qui
furent convertis en armes et en gros sous.
Heureusement, la terre a conservé un grand
nombre de copies des œuvres les plus réputées
que le goût classique, dès l’époque d’Auguste,
multiplia dans les édi-
fices publics comme
dans les habitations et
les jardins des particu-
liers fortunés.
Nous devons nous
figurer dans les grandes
villes, et spécialement
à Rome, de ces bou-
tiques de marbriers
habiles, mais peu artis-
tes, telles qu’on en voit
encore tant en Italie.
On y trouvait indis-
tinctement, pratiquées
en marbre — qu’il se
soit agi d’originaux de
marbre ou de bronze
— des reproductions
de ces statues fameuses
dont l’admiration s'im-
posait à tous, en raison
de leur célébrité
même, et que l’on pou-
vait ainsi acheter à
coup sûr. Les repro-
ductions les plus exac-
tes étaient celles des
bronzes, car souvent
elles étaient basées sui-
des moulages, que l’on
ne pouvait obtenir des
originaux en marbre,
dont ils auraient gâté
la polychromie. Au
point de vue du vœu de l’artiste, rien r.’était plus
déplorable que cette traduction en marbre d’une
œuvre conçue pour une matière si différente, d’au-
tant plus qu’elle rendait nécessaire l’adjonction de
supports massifs et disgracieux, troncs d'arbres ou
rochers, qui contrariaient les lignes et rompaient
l’harmonie. Mais c’étaient là choses dont n’avait
cure la médiocre sensibilité artistique des finan-
ciers romains et dont la sensibilité moderne a mis
longtemps à s’apercevoir. Et à cette disgrâce qui;
jointe à l’exécution parfois brutale des répliques,
nuit déjà tant à l’impression, est venue s’en ajouter
une bien plus grave encore par le fait des restau-
rations que l’on infligeait, jusqu'il y a quelque
cinquante ans, à tout marbre sortant du sol un tant
soit peu mutilé.
Ainsi le discobole n’est connu que par des répli-
ques de qualités diverses et plus ou moins défigu-
rées par des adjonctions. La plus répandue, par
le moulage, est celle du musée du Vatican, qui est
affligée d’une tête étrangère et, qui plus est, mise
dans le mauvais sens.
Un seul exemplaire
(sans parler d’un petit
bronze qui se trouve à
Munich) possède la
tête antique dans la
position exacte, et en-
core cet exemplaire,
dérobé à tous les yeux
au fond du palais Lan-
celotti, n'est-il connu
que par une ancienne
photographie. Un
moulage de la tête a
pu être retrouvé ‘ au
Louvre.
Le torse de Castel
Porziano pouvant être
considéré comme le
meilleur, M. Rizzo a
été bien inspiré en en
tentant, en plâtre, une
restauration au moyen
d’éléments divers : la
tête Lancelotti, un
bras droit conservé à
la 'Casa Buonarotti, à
Florence (d’un style si
apparenté à celui du
torse qu’on peut se de-
mander s’il ne lui ap-
partient pas) et les
pieds d’un exemplaire
du British Muséum.
(Voir les figures.)
Un pas resterait encore à faire, et nous espérons
le franchir sous peu 1 : supprimer tout à fait le
support soutenant la jambe gauche (moins gênant
cependant que celui de l’exemplaire du Vatican),
et bronzer la figure, en ayant soin, selon la cou-
tume grecque, d’émailler les yeux, d’argenter les
lèvres et les boutons des seins ; de plus, à la façon
antique, la plinthe aurait l’apparence de la pierre.
On se rapprocherait ainsi, autant qu’il est possi-
ble de le faire, du chef-d’œuvre à jamais perdu de
Myron.
i. J’apprends que M. Rizzo a réalisé à Rome la tenta-
tive que je préconise.