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BULLETIN DES MUSÉES ROYAUX
fragment de bas-relief n° 91, que le catalogue
décrivait de la manière suivante : « Fragment de
bas-relief de l’époque ptolémaïque, en pierre cal-
caire et représentant un des Ptolémées. Le roi est
coiffé du serre-tête tenu rigide à l’arrière par la
déesse de la Victoire sous la forme d’oiseau de proie,
et à l’avant par les deux urœus. Au-dessus de
FIG. 1.
cette première coiffure est posée la couronne shouti
(couronne de la double plume) tronquée, et ornée
à la base d’urœus. Une étoffe enserre aussi toute la
chevelure. La main tient le. lotus héraldique. Une
inscription démotique,presque indéchiffrable, a été
tracée au calame sur le visage, le cou, la poitrine et
le bras (fig. 1). »
Le relief, irrégulièrement découpé, était enca-
dré dans une sorte de boîte grossière en menuiserie
arabe qui accentuait l’effet peu agréable de la pièce
barbouillée d’inscriptions bizarres.
Tout notre effort à la vente devant se concen-
trer sur une pièce assez importante, je ne songeai
pas un instant à acquérir le fragment de relief. Et
cependant, au moment où on l’exposa sur la
table du commissaire priseur, surpris de la modi-
cité extrême du prix qu’il atteignait, je me déci-
dai brusquement à m’en porter acquéreur, intri-
gué surtout par l’inscription, qu’il m’était impos-
sible d’identifier.
A mon retour à Bruxelles, la section des anti-
quités déménageait pour s’installer dans l’aile de
droite du Palais du Cinquantenaire. Au milieu
des embarras de ce transfert, je n’apportai pas à la
pièce toute l’attention nécessaire et me contentai
de la faire encadrer. Elle fut placée dans la salle
consacrée aux antiquités de basse époque, en un
coin où elle était peu en vue, sans étiquette ; elle
ne fut pas davantage mentionnée dans le guide
sommaire des collections, étant donné que je ne
savais comment la caractériser avec précision.
Plusieurs de mes collègues étrangers ayant
visité le Musée, je ne manquai pas de leur mon-
trer le fragment de bas-relief, sollicitant leur avis à
son sujet. M. Daressy, conservateur au Musée du
Caire, me dit qu’il pensait que la sculpture était de
l'époque de la xvme dynastie, sans pouvoir décider
catégoriquement si les inscriptions à l’encre étaient
tout à fait modernes. M. Spiegelberg, professeur à
Strasbourg, convaincu que ces inscriptions étaient
réellement d’origine récente, me conseilla de net-
toyer le relief après avoir photographié l’ensemble
dans l’état où il se trouvait. Empêché, par d’autres
préoccupations, de me livrer à ce travail, j’avais
perdu la chose de vue, lorsque, il y a quelques
semaines, je fus amené, à la suite d’une recherche
bibliographique, à feuilleter rapidement un des
volumes des Annales du Service des antiquités
de l'Egypte Une planche photographique, au pas-
sage, retint mon attention : elle représentait une
partie d’un mur d’un tombeau thébain où était
figurée une reine portant une coiffure identique
à celle qui était reproduite sur notre fragment.
Voyant là une indication utile pour la détermi-
nation de la date de celui-ci, je m’empressai de
le comparer avec la photographie et, à mon
extrême étonnement, je constatai qu’il y avait
entre les deux plus que de la ressemblance.
Notre bas-relief est un morceau arraché au mur
dont la planche des Annales donnait la reproduc-
tion. Immédiatement, son importance devenait
extrême. Voici, en effet, ce que disait M. Carter,
inspecteur en chef du service des antiquités, dans
l’article auquel la planche était annexée 1 :
« YJOmdeh de Gournah (Thèbes), ayant constaté
qu’une tombe antique existait à 30 mètres en
arrière de sa maison, avait demandé au Service
des antiquités la permission de la fouiller. La
tombe, qui avait été pillée dans l’antiquité, avait
appartenu au chef du harem royal Ouserhat. Les
deux chambres qui constituent les appartements
funéraires n’avaient reçu aucune décoration. Dans
le passage entre les deux, à gauche, il y avait de
très fins reliefs, non terminés, et en partie dé-
truits. Us représentaient le défunt et ses serviteurs
devant un sanctuaire qui contenait le roi Amen-
hotep III et la reine Tiyi, assis sur des trônes.
Ces reliefs sont d’un travail merveilleux et, pour
la reine Tiyi, ajoute M. Carter, je ne me rappelle
1. Report of Work done in Upper Egypt (1902-1903),
dans les Annales du Service des antiquités de l’Egypte,
t. IV, 1903, p. 177-178.
BULLETIN DES MUSÉES ROYAUX
fragment de bas-relief n° 91, que le catalogue
décrivait de la manière suivante : « Fragment de
bas-relief de l’époque ptolémaïque, en pierre cal-
caire et représentant un des Ptolémées. Le roi est
coiffé du serre-tête tenu rigide à l’arrière par la
déesse de la Victoire sous la forme d’oiseau de proie,
et à l’avant par les deux urœus. Au-dessus de
FIG. 1.
cette première coiffure est posée la couronne shouti
(couronne de la double plume) tronquée, et ornée
à la base d’urœus. Une étoffe enserre aussi toute la
chevelure. La main tient le. lotus héraldique. Une
inscription démotique,presque indéchiffrable, a été
tracée au calame sur le visage, le cou, la poitrine et
le bras (fig. 1). »
Le relief, irrégulièrement découpé, était enca-
dré dans une sorte de boîte grossière en menuiserie
arabe qui accentuait l’effet peu agréable de la pièce
barbouillée d’inscriptions bizarres.
Tout notre effort à la vente devant se concen-
trer sur une pièce assez importante, je ne songeai
pas un instant à acquérir le fragment de relief. Et
cependant, au moment où on l’exposa sur la
table du commissaire priseur, surpris de la modi-
cité extrême du prix qu’il atteignait, je me déci-
dai brusquement à m’en porter acquéreur, intri-
gué surtout par l’inscription, qu’il m’était impos-
sible d’identifier.
A mon retour à Bruxelles, la section des anti-
quités déménageait pour s’installer dans l’aile de
droite du Palais du Cinquantenaire. Au milieu
des embarras de ce transfert, je n’apportai pas à la
pièce toute l’attention nécessaire et me contentai
de la faire encadrer. Elle fut placée dans la salle
consacrée aux antiquités de basse époque, en un
coin où elle était peu en vue, sans étiquette ; elle
ne fut pas davantage mentionnée dans le guide
sommaire des collections, étant donné que je ne
savais comment la caractériser avec précision.
Plusieurs de mes collègues étrangers ayant
visité le Musée, je ne manquai pas de leur mon-
trer le fragment de bas-relief, sollicitant leur avis à
son sujet. M. Daressy, conservateur au Musée du
Caire, me dit qu’il pensait que la sculpture était de
l'époque de la xvme dynastie, sans pouvoir décider
catégoriquement si les inscriptions à l’encre étaient
tout à fait modernes. M. Spiegelberg, professeur à
Strasbourg, convaincu que ces inscriptions étaient
réellement d’origine récente, me conseilla de net-
toyer le relief après avoir photographié l’ensemble
dans l’état où il se trouvait. Empêché, par d’autres
préoccupations, de me livrer à ce travail, j’avais
perdu la chose de vue, lorsque, il y a quelques
semaines, je fus amené, à la suite d’une recherche
bibliographique, à feuilleter rapidement un des
volumes des Annales du Service des antiquités
de l'Egypte Une planche photographique, au pas-
sage, retint mon attention : elle représentait une
partie d’un mur d’un tombeau thébain où était
figurée une reine portant une coiffure identique
à celle qui était reproduite sur notre fragment.
Voyant là une indication utile pour la détermi-
nation de la date de celui-ci, je m’empressai de
le comparer avec la photographie et, à mon
extrême étonnement, je constatai qu’il y avait
entre les deux plus que de la ressemblance.
Notre bas-relief est un morceau arraché au mur
dont la planche des Annales donnait la reproduc-
tion. Immédiatement, son importance devenait
extrême. Voici, en effet, ce que disait M. Carter,
inspecteur en chef du service des antiquités, dans
l’article auquel la planche était annexée 1 :
« YJOmdeh de Gournah (Thèbes), ayant constaté
qu’une tombe antique existait à 30 mètres en
arrière de sa maison, avait demandé au Service
des antiquités la permission de la fouiller. La
tombe, qui avait été pillée dans l’antiquité, avait
appartenu au chef du harem royal Ouserhat. Les
deux chambres qui constituent les appartements
funéraires n’avaient reçu aucune décoration. Dans
le passage entre les deux, à gauche, il y avait de
très fins reliefs, non terminés, et en partie dé-
truits. Us représentaient le défunt et ses serviteurs
devant un sanctuaire qui contenait le roi Amen-
hotep III et la reine Tiyi, assis sur des trônes.
Ces reliefs sont d’un travail merveilleux et, pour
la reine Tiyi, ajoute M. Carter, je ne me rappelle
1. Report of Work done in Upper Egypt (1902-1903),
dans les Annales du Service des antiquités de l’Egypte,
t. IV, 1903, p. 177-178.