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BULLETIN DES MUSEES ROYAUX
Les scènes à deux personnages devaient cepen-
dant mener à un écueil sérieux au point de vue
décoratif: elles nécessitaient, lorsqu’il ne s’agissait
pas d’un groupe compact ou enlacé qui se prêtait à
la composition en rond, le tracé d'une ligne hori-
zontale formant terrain, qui, séparant un segment
du reste du cercle, rompait l’harmonie de l’ensem-
ble. Dès lors, et
c’est ce qui se con-
state dès le milieu
du style sévère,
les médaillons ces-
sentd’être des com-
positions fermées,
mais sont des frag-
ments détachés
d’une représenta-
tion d’ensemble et
sont souvent arbi-
trairement intro-
duits dans le cercle.
Aussi le style sévère
avancé, bien que
son dessin soit in-
comparable, mar-
que-t-il plutôt une
décadence au point
de vue purement
décoratif: c’est l'in-
térêt du sujet qui
prime et l’influence
du grand art, plus
directe, est parfois
moins heureuse au point de vue du décor.
A cet égard, ce sont souvent les vases aux sujets
les moins ambitieux qui sont les plus intéres-
sants.
Cependant, quelle que soit la variété des figures
qui peuplent l’intérieur des médaillons, l’on est
frappé, après une étude attentive, de ce qu’un
grand nombre de motifs peuvent se ramener,
si l’on fait abstraction des traits intérieurs, à un
nombre relativement restreint de silhouettes.
Il y a sans doute à la base une composition ori-
ginale d’un maître potier, composition dont les
grandes lignes pouvaient être utilisées par ses
ouvriers et ses élèves — ou par des rivaux — car
la notion de la propriété artistique est très vague
dans l’antiquité. Pour la démarquer, il suffisait de
retourner le personnage — en faisant de sa jambe
et de son bras gauches une jambe et un bras droits,
et vice versa >, sans modifier pour cela sensiblement
Hartwig, Mcisterschalen, p. 346, et suiv., et publiées
dans des planches hors commerce.
1. Voir, par exemple, Murray, op. laud., pl. V, fig. 17
les contours. Il était aisé de déplacer plus pu moins
les membres, ou bien l’on habillait différemment
la figure, l’on modifiait ou'déplaçait les accessoi-
res, et parfois même l’on changeait le sexe du
personnage. Ainsi, sans grand effort, l’on pouvait
presque indéfiniment varier les'motifs.
Nous aurons à examiner les raisons'de cette
façon de procéder,
mais nous ne vou-
lons, encemoment,
qu’en constater les
effets dans deux
charmantes pein-
tures de vases du
Musée du Cinquan-
tenaire 2. Elles
pourraient être rat-
tachées à l’atelier
du potier Brygos,
dont elles rappel-
lent certaines pro-
ductions signées.
A première vue
rien de plus dissem.
blable que ces deux
figures: un guerrier
armé de pied en
cap et une jeune
fille sans voiles. Les
formes de celle-ci
sont jeunes et sou-
ples — et n’était le
dessin maladroit du
sein droit qui, alors qu’il aurait dû être repré-
senté presque de face (délimité par une ligne
courbe), est dessiné de profil, semblant attaché
à l’aisselle, avec la maladresse coutumière aux
peintres de style sévère, inhabiles à rendre la
troisième dimension, —- il n’y aurait presque rien
à reprendre à la figure au point de vue anato-
et 18, médaillons de coupes que l’auteur attribue, je ne
sais pourquoi, à des ateliers différents. Si les deux figures
ne sont, sans doute, pas de la même main, le même sché-
ma a servi aux deux décorateurs. L’un des personnages
est nu et vu de face, le second est vu de dos et porte un
bouclier, bien que la silhouette soit identique.
Nombreux exemples dans Hartwig, op. laud.,
pl. LUI et LIV (coupes d’Onesimos), dans la seconde
utilisation du motif avec renversement des pattes du
cheval), pl. XIII et XXII. Un bon exemple de repro-
duction de la silhouette en contre-partie est fourni par
Hartwig, pl. VIII, et la coupe du Musée du Cinquan-
tenaire, Rav. 348 (encore inédite).
2. Fig. 1. Coupe de la collection Ravestein (R. 322) :
à l’extérieur, scènes d’armement; à l’intérieur, jeune
FIG. I. — FOND DE COUPE ATTIQUE (r. 322).
BULLETIN DES MUSEES ROYAUX
Les scènes à deux personnages devaient cepen-
dant mener à un écueil sérieux au point de vue
décoratif: elles nécessitaient, lorsqu’il ne s’agissait
pas d’un groupe compact ou enlacé qui se prêtait à
la composition en rond, le tracé d'une ligne hori-
zontale formant terrain, qui, séparant un segment
du reste du cercle, rompait l’harmonie de l’ensem-
ble. Dès lors, et
c’est ce qui se con-
state dès le milieu
du style sévère,
les médaillons ces-
sentd’être des com-
positions fermées,
mais sont des frag-
ments détachés
d’une représenta-
tion d’ensemble et
sont souvent arbi-
trairement intro-
duits dans le cercle.
Aussi le style sévère
avancé, bien que
son dessin soit in-
comparable, mar-
que-t-il plutôt une
décadence au point
de vue purement
décoratif: c’est l'in-
térêt du sujet qui
prime et l’influence
du grand art, plus
directe, est parfois
moins heureuse au point de vue du décor.
A cet égard, ce sont souvent les vases aux sujets
les moins ambitieux qui sont les plus intéres-
sants.
Cependant, quelle que soit la variété des figures
qui peuplent l’intérieur des médaillons, l’on est
frappé, après une étude attentive, de ce qu’un
grand nombre de motifs peuvent se ramener,
si l’on fait abstraction des traits intérieurs, à un
nombre relativement restreint de silhouettes.
Il y a sans doute à la base une composition ori-
ginale d’un maître potier, composition dont les
grandes lignes pouvaient être utilisées par ses
ouvriers et ses élèves — ou par des rivaux — car
la notion de la propriété artistique est très vague
dans l’antiquité. Pour la démarquer, il suffisait de
retourner le personnage — en faisant de sa jambe
et de son bras gauches une jambe et un bras droits,
et vice versa >, sans modifier pour cela sensiblement
Hartwig, Mcisterschalen, p. 346, et suiv., et publiées
dans des planches hors commerce.
1. Voir, par exemple, Murray, op. laud., pl. V, fig. 17
les contours. Il était aisé de déplacer plus pu moins
les membres, ou bien l’on habillait différemment
la figure, l’on modifiait ou'déplaçait les accessoi-
res, et parfois même l’on changeait le sexe du
personnage. Ainsi, sans grand effort, l’on pouvait
presque indéfiniment varier les'motifs.
Nous aurons à examiner les raisons'de cette
façon de procéder,
mais nous ne vou-
lons, encemoment,
qu’en constater les
effets dans deux
charmantes pein-
tures de vases du
Musée du Cinquan-
tenaire 2. Elles
pourraient être rat-
tachées à l’atelier
du potier Brygos,
dont elles rappel-
lent certaines pro-
ductions signées.
A première vue
rien de plus dissem.
blable que ces deux
figures: un guerrier
armé de pied en
cap et une jeune
fille sans voiles. Les
formes de celle-ci
sont jeunes et sou-
ples — et n’était le
dessin maladroit du
sein droit qui, alors qu’il aurait dû être repré-
senté presque de face (délimité par une ligne
courbe), est dessiné de profil, semblant attaché
à l’aisselle, avec la maladresse coutumière aux
peintres de style sévère, inhabiles à rendre la
troisième dimension, —- il n’y aurait presque rien
à reprendre à la figure au point de vue anato-
et 18, médaillons de coupes que l’auteur attribue, je ne
sais pourquoi, à des ateliers différents. Si les deux figures
ne sont, sans doute, pas de la même main, le même sché-
ma a servi aux deux décorateurs. L’un des personnages
est nu et vu de face, le second est vu de dos et porte un
bouclier, bien que la silhouette soit identique.
Nombreux exemples dans Hartwig, op. laud.,
pl. LUI et LIV (coupes d’Onesimos), dans la seconde
utilisation du motif avec renversement des pattes du
cheval), pl. XIII et XXII. Un bon exemple de repro-
duction de la silhouette en contre-partie est fourni par
Hartwig, pl. VIII, et la coupe du Musée du Cinquan-
tenaire, Rav. 348 (encore inédite).
2. Fig. 1. Coupe de la collection Ravestein (R. 322) :
à l’extérieur, scènes d’armement; à l’intérieur, jeune
FIG. I. — FOND DE COUPE ATTIQUE (r. 322).