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BULLETIN DES MUSÉES ROYAUX
FIG. 10.-MODELE DE SCULPTEUR EN CALCAIRE.
ombre projetée sur un écran : le plus souvent,
comme dans l’art égyptien, d’ailleurs, où M. Pot-
tier voudrait aussi reconnaître l’influence de l'om-
bre portée, la tête est de profil, le torse de face et
les jambes de nouveau de profil, et cela en vertu de
nécessités inhérentes à l’art archaïque 1.
Certes le procédé de l’ombre portée a peut-être
joué un certain rôle comme source d’inspiration et
de documentation, mais les silhouettes, tant égyp-
tiennes que grecques, me semblent trop voulues,
avoir trop de style, pourn’être pas sorties de tou-
tes pièces de la main indépendante des artistes.
D’ailleurs, les erreurs si fréquentes qui consistent
« à mettre un pied gauche pour un pied droit, une
main droite pour une main gauche, même un dos
pour une poitrine », ne s’expliquent pas mieux si
on suppose comme point de départ
une silhouette pour ainsi dire méca-
niquement obtenue, que si l’artiste
a délibérément composé les contours
extérieurs delà figure.
L’exemple que nous avons choisi
nous permettra peut-être de nous
rapprocher de la vérité.
L’on ne peut admettre que le
peintre de vases composa, sans étu-
des préliminaires, ses figures. Sans
doute faisait-il usage de documents :
modèles, cahiers d’esquisses, lit axs;
de terre cuite 2 ?
La répétition des mêmes sujets
et des mêmes figures sur les produits
d’un même atelier ou bien sur ceux
d’ateliers différents le prouve à suffi-
sance, car il n’est pas possible
d'admettre que les vases destinés à
être dispersés par le commerce
soient restés en grande quantité, ou
longtemps, sous les yeux des ou-
vriers, pour leur servir de modèles.
Il est donc à supposer que les
maîtres établissaient des modèles, se
bornant sans doute à un contour,
contour qui servait de base à l’es-
quisse au burin des ouvriers. Nous
avons vu combien, avec un tel point
de départ, il était aisé, lors de l’exé-
cution définitive, de diversifier les
figures. Les traits intérieurs n’étaient
(Hauteur omi4.) tracés qu’après coup, ce qui expli-
que les erreurs d’un dessinateur dis-
trait dont la besogne était tant soit peu machinale.
Le trait chez les potiers grecs était une véritable
calligraphie. L’on apprenait à dessiner un bras,
une main ou un œil comme on nous enseigne à
former la boucle d’un 1 ou le jambage d’un p. De
là cette incroyable virtuosité dans le détail, qui
stupéfie les dessinateurs modernes. Nous la retrou-
vons cependant chez les dessinateurs japonais, et à
ce propos, les méthodes de dessin nous donnent
des indications précieuses : il en est où chaque
page est ornée d’un dessin complet. Au haut du
feuillet, chacun des traits principaux qui ont con-
couru à la formation de la figure est reproduit,
mais disséqué, détaché de l’ensemble, pour en
i. Voir Lcewy, Die Darstellung des Menschen in der
àlteren Griechischen Kunst.
2. Pottier, Douris, p. 51. On connaît les modèles
des sculpteurs’égyptiens, sur tablettes de calcaire, et les
esquisses sur ostraka. Voir Edgar, Sculptors’ Studies.
Catalogue général du Musée du Caire, vol. XXXI.
BULLETIN DES MUSÉES ROYAUX
FIG. 10.-MODELE DE SCULPTEUR EN CALCAIRE.
ombre projetée sur un écran : le plus souvent,
comme dans l’art égyptien, d’ailleurs, où M. Pot-
tier voudrait aussi reconnaître l’influence de l'om-
bre portée, la tête est de profil, le torse de face et
les jambes de nouveau de profil, et cela en vertu de
nécessités inhérentes à l’art archaïque 1.
Certes le procédé de l’ombre portée a peut-être
joué un certain rôle comme source d’inspiration et
de documentation, mais les silhouettes, tant égyp-
tiennes que grecques, me semblent trop voulues,
avoir trop de style, pourn’être pas sorties de tou-
tes pièces de la main indépendante des artistes.
D’ailleurs, les erreurs si fréquentes qui consistent
« à mettre un pied gauche pour un pied droit, une
main droite pour une main gauche, même un dos
pour une poitrine », ne s’expliquent pas mieux si
on suppose comme point de départ
une silhouette pour ainsi dire méca-
niquement obtenue, que si l’artiste
a délibérément composé les contours
extérieurs delà figure.
L’exemple que nous avons choisi
nous permettra peut-être de nous
rapprocher de la vérité.
L’on ne peut admettre que le
peintre de vases composa, sans étu-
des préliminaires, ses figures. Sans
doute faisait-il usage de documents :
modèles, cahiers d’esquisses, lit axs;
de terre cuite 2 ?
La répétition des mêmes sujets
et des mêmes figures sur les produits
d’un même atelier ou bien sur ceux
d’ateliers différents le prouve à suffi-
sance, car il n’est pas possible
d'admettre que les vases destinés à
être dispersés par le commerce
soient restés en grande quantité, ou
longtemps, sous les yeux des ou-
vriers, pour leur servir de modèles.
Il est donc à supposer que les
maîtres établissaient des modèles, se
bornant sans doute à un contour,
contour qui servait de base à l’es-
quisse au burin des ouvriers. Nous
avons vu combien, avec un tel point
de départ, il était aisé, lors de l’exé-
cution définitive, de diversifier les
figures. Les traits intérieurs n’étaient
(Hauteur omi4.) tracés qu’après coup, ce qui expli-
que les erreurs d’un dessinateur dis-
trait dont la besogne était tant soit peu machinale.
Le trait chez les potiers grecs était une véritable
calligraphie. L’on apprenait à dessiner un bras,
une main ou un œil comme on nous enseigne à
former la boucle d’un 1 ou le jambage d’un p. De
là cette incroyable virtuosité dans le détail, qui
stupéfie les dessinateurs modernes. Nous la retrou-
vons cependant chez les dessinateurs japonais, et à
ce propos, les méthodes de dessin nous donnent
des indications précieuses : il en est où chaque
page est ornée d’un dessin complet. Au haut du
feuillet, chacun des traits principaux qui ont con-
couru à la formation de la figure est reproduit,
mais disséqué, détaché de l’ensemble, pour en
i. Voir Lcewy, Die Darstellung des Menschen in der
àlteren Griechischen Kunst.
2. Pottier, Douris, p. 51. On connaît les modèles
des sculpteurs’égyptiens, sur tablettes de calcaire, et les
esquisses sur ostraka. Voir Edgar, Sculptors’ Studies.
Catalogue général du Musée du Caire, vol. XXXI.