BULLETIN DES MUSEES ROYAUX
visage maigre et allongé de Catherine de Médicis,
sa tante. Energique et mystérieuse comme la
célèbre reine de France, elle revit de façon sur-
prenante dans un portrait ovale de la galerie Cor-
sini à Florence (salle I, n° 20) que je reproduis
ici. L’aspect revêche de sa physionomie s’accen-
tue en diverses effigies ; à la Mostra del Ritratto,
ouverte en ce moment au Palazzo Vecchio, on a
l’occasion de contempler une œuvre maîtresse de
Suttermans, un por-
trait en pied de Chri-
stine de Lorraine, au-
près d’une table où
sont déposés un cruci-
fix doré et un livre
orné d’enluminures,
— provenant de la
villa médicéenne de
Poggio a Caiano (salle
des Cinq Cents, n° 27).
Je signale aussi, dans
le musée des horreurs
précieux au point de
vue iconographique,
constitué par le pitto-
resque couloir qui re-
lie les Offices au Palais
Pitti, deux portraits :
n° noi, à genoux et
priant, accompagnée
d’un chien; n° 1247,
debout, sur la table
une couronne, à
gauche en haut un
vitrail, — lointains
reflets d’œuvres per-
dues de Suttermans.
IL La sérénissime archiduchesse Marie-Made-
leine d’Autriche, elle, était si belle femme, que son
mari, d’une constitution débile, en mourut... non
sans avoir eu beaucoup d’enfants ! — Nous la
rencontrons, jeune, au Palais Corsini (salle I,
n° 13) (1). Ensuite, la similitude du costume tend
à confondre la plantureuse veuve du maladif
Cosme II avec l’ascétique Christine de Lorraine.
Considérons pourtant ses joues pleines et ses
grands yeux (2), en un panneau — incontestable-
(1) Mentionnons, en outre, un mauvais portrait de la
duchesse avec son fils Ferdinand II enfant (Couloir Offices-
Pitti, n° 29).
(2) On croit reconnaître Marie-Madeleine d’Autriche
dans une Madeleine pénitente de Suttermans (Office, n° 101).
ment original de Suttermans — à la Pinacothèque
de Lucques (n° 148; Cat. 1909, p. 64) dont je
joins la photographie à ce bref article. Le nôtre en
est certes une variante assez terne, destinée à
l’exportation. Rappelons que l’échange des por-
traits familiaux fut d’usage permanent entre les
cours ; des répliques nombreuses se confection-
naient dans ce but ; Suttermans ne peut pas tou-
jours être rendu responsable des médiocres... Le
tableau de Lucques
lui-même, au reste, ré-
pète la partie supé-
rieure d’une toile im-
portante qui se trouve
également à l’Exposi-
tion florentine parmi
celles envoyées de
Poggio a Caiano (salle
des Cinq Cents, n°
26) (1), Marie-Made-
leine en deuil, assise,
avec une croix d’ar-
gent sur la poitrine ; au
bas de sa robe, un
petit chien; au fond,
le rideau de velours
rouge habituel à notre
artiste. Elle tient en
main un papier où
nous lisons les mots :
Alla Serma Arcidsa
Grau Duchsa de Tos-
can, qui enlèvent tout
doute quant à son
identité.
On sait que Poggio
Impériale se nomme
ainsi en l’honneur du frère de la grande duchesse,
l’empereur Ferdinand II, auquel, en 1623, elle
délégua son peintre favori juste Suttermans. La
cour de Vienne, entière, posa pour notre compa-
triote... J’ai songé à l’existence recluse et mélan-
colique de Marie-Madeleine d’Autriche, en mon-
tant, sous un ardent soleil de printemps, vers le
palais maussade qui dresse son péristyle jaune au
bout d’une majestueuse allée de cyprès et de
chênes verts.
Florence, avril 1911. Pierre Bautier.
(1) Je compte publier la série des Suttermans de Poggio
à Caiaux dans une petite monographie illustrée du portrai-
tiste des Médicis (Les grands artistes des Pays-Bas,
Bruxelles, Van Oest).
IMPR. ROSSIGNOL ET VANDENBRIL, 44, RUE DU HOUBLON, BRUXELLES