84
BULLETIN DES MUSEES ROYAUX
place déjà dans la galerie étrangère du rez-de-
chaussée, où le soleil d’après-midi leur prodigue
ses rayons.
A gauche : une Vierge avec /'Enfant, sur
fond doré, école de Cimabue, exprime, dans son
hiératisme ingénu, toute la douceur de cette
aurore de la peinture florentine. A droite, en
pendant : une Vierge penchée vers l’Enfant,
entre deux saints (un Évangéliste et Bernardin
de Sienne, au visage
ascétique) et surmon-
tée de quatre têtes de
chérubins. Tableau
incurvé, dans un vieux
cadre. Rattaché à
Sienne et au nom de
Sano di Pietro (Ansa-
no, iqoà-iqSo) peintre
par excellence d’œu-
vres de piété, attardé
sympathique qui pro-
longea avec une tou-
chante obstination la
naïveté du trecento.
« Pictor famosus et
homo totus deditus a
Deo » dit son acte
mortuaire. Le mariage
mystique de saint
François d’Assise avec
la Pauvreté, la Chaste-
té et l'Humilité, au
Musée Condé à Chan-
tilly—
comme le chef-d’œu-
vre de Sano di Pietro,
est attribué maintenant à Sassetta. Dans notre
tableau, les figures nimbées d’or, — chairs verdâ-
tres, pommettes roses, yeux allongés, — évo-
quent à souhait l'idéal pictural de la fière cité
toscane hérissée de campaniles.
Rehaussé par le contraste d’archaïsmes savou-
reux, apparaît au centre un travail d’atelier
d’après le célèbre prototype de Raphaël : la
Madone-Bridgewater (dans la collection de lord
Ellesmere, à Londres). C’est une heureuse for-
tune pour notre musée de posséder cet attrayant
reflet de l’art du Sanzio vers i5o5, — époque des
Madones du Grand-Duc (à Florence) et de la
casa Tempi (à Munich), précédant de peu la
Vierge au chardonneret des Offices et la Belle
Jardinière du Louvre. Période intermédiaire,
entre l’influence du Pérugin et la prépondérance
du sentiment antique aux Chambres vaticanes, —
pendant laquelle Raphaël fut vraiment lui-même,
dans la série charmante de ses Madones, —- adap-
tation harmonieuse des éléments du passé quat-
trocentiste magnifiés par un idéalisme souverain !
j’ai eu la joie de contempler récemmênt, chez son
propriétaire, la Madone-Bridgewater. La Vierge,
en robe rouge et manteau de ce bleu-vert propre-
ment raphaéîesque, émerge d’un fond d’émail
sombre. Visage suave, d’un ovale régulier; ondes
de cheveux blonds,
mains potelées. De la
Mère à l’Enfant, les
lignes se joignent en
courbes molles et sé-
duisantes.. . Ce tableau
figura dans la collec-
tion d’Orléans jus-
qu’en 1792. (On con-
statera ses rapports
avec la Vierge de la
famille d'Orléans, ac-
quise par le duc d’Au-
male en 1869, — au-
jourd’hui au château
de Chantilly.) Notre
belle réplique pourrait
être flamande. L’hy-
pothèse a été émise à
propos de celle de la
National Gallerv, n°
929, léguée par Wynn
Ellis, très analogue.
J’en ai rencontré une
autre, assombrie, chez
le marquis R. Mansi,
à Lucques.
Les Amis des Musées de Bruxelles seront
reconnaissants à M. Cardon de son nouvel apport
à nos trésors artistiques.
Pierre Bautier.
LE MUSÉE ETHNOGRAPHIQUE
DE L’AVENIR
M. Louis Cavens, l’un de nos bienfaiteurs les
plus généreux et les plus constants, nous fait part
d’un vaste projet concernant l’organisation d’une
exposition d'ethnographie et la création du Musée
permanent qui en serait la suite naturelle. La
récente constitution au sein de nos Musées d une
section d’Ethnographie et de Folklore, donne un
à-propos particulier à la communication de
jadis considéré fig. 3, — vierge marie (détail)
[Atelier photographique du Musée des Offices, à Florence)
BULLETIN DES MUSEES ROYAUX
place déjà dans la galerie étrangère du rez-de-
chaussée, où le soleil d’après-midi leur prodigue
ses rayons.
A gauche : une Vierge avec /'Enfant, sur
fond doré, école de Cimabue, exprime, dans son
hiératisme ingénu, toute la douceur de cette
aurore de la peinture florentine. A droite, en
pendant : une Vierge penchée vers l’Enfant,
entre deux saints (un Évangéliste et Bernardin
de Sienne, au visage
ascétique) et surmon-
tée de quatre têtes de
chérubins. Tableau
incurvé, dans un vieux
cadre. Rattaché à
Sienne et au nom de
Sano di Pietro (Ansa-
no, iqoà-iqSo) peintre
par excellence d’œu-
vres de piété, attardé
sympathique qui pro-
longea avec une tou-
chante obstination la
naïveté du trecento.
« Pictor famosus et
homo totus deditus a
Deo » dit son acte
mortuaire. Le mariage
mystique de saint
François d’Assise avec
la Pauvreté, la Chaste-
té et l'Humilité, au
Musée Condé à Chan-
tilly—
comme le chef-d’œu-
vre de Sano di Pietro,
est attribué maintenant à Sassetta. Dans notre
tableau, les figures nimbées d’or, — chairs verdâ-
tres, pommettes roses, yeux allongés, — évo-
quent à souhait l'idéal pictural de la fière cité
toscane hérissée de campaniles.
Rehaussé par le contraste d’archaïsmes savou-
reux, apparaît au centre un travail d’atelier
d’après le célèbre prototype de Raphaël : la
Madone-Bridgewater (dans la collection de lord
Ellesmere, à Londres). C’est une heureuse for-
tune pour notre musée de posséder cet attrayant
reflet de l’art du Sanzio vers i5o5, — époque des
Madones du Grand-Duc (à Florence) et de la
casa Tempi (à Munich), précédant de peu la
Vierge au chardonneret des Offices et la Belle
Jardinière du Louvre. Période intermédiaire,
entre l’influence du Pérugin et la prépondérance
du sentiment antique aux Chambres vaticanes, —
pendant laquelle Raphaël fut vraiment lui-même,
dans la série charmante de ses Madones, —- adap-
tation harmonieuse des éléments du passé quat-
trocentiste magnifiés par un idéalisme souverain !
j’ai eu la joie de contempler récemmênt, chez son
propriétaire, la Madone-Bridgewater. La Vierge,
en robe rouge et manteau de ce bleu-vert propre-
ment raphaéîesque, émerge d’un fond d’émail
sombre. Visage suave, d’un ovale régulier; ondes
de cheveux blonds,
mains potelées. De la
Mère à l’Enfant, les
lignes se joignent en
courbes molles et sé-
duisantes.. . Ce tableau
figura dans la collec-
tion d’Orléans jus-
qu’en 1792. (On con-
statera ses rapports
avec la Vierge de la
famille d'Orléans, ac-
quise par le duc d’Au-
male en 1869, — au-
jourd’hui au château
de Chantilly.) Notre
belle réplique pourrait
être flamande. L’hy-
pothèse a été émise à
propos de celle de la
National Gallerv, n°
929, léguée par Wynn
Ellis, très analogue.
J’en ai rencontré une
autre, assombrie, chez
le marquis R. Mansi,
à Lucques.
Les Amis des Musées de Bruxelles seront
reconnaissants à M. Cardon de son nouvel apport
à nos trésors artistiques.
Pierre Bautier.
LE MUSÉE ETHNOGRAPHIQUE
DE L’AVENIR
M. Louis Cavens, l’un de nos bienfaiteurs les
plus généreux et les plus constants, nous fait part
d’un vaste projet concernant l’organisation d’une
exposition d'ethnographie et la création du Musée
permanent qui en serait la suite naturelle. La
récente constitution au sein de nos Musées d une
section d’Ethnographie et de Folklore, donne un
à-propos particulier à la communication de
jadis considéré fig. 3, — vierge marie (détail)
[Atelier photographique du Musée des Offices, à Florence)