Universitätsbibliothek HeidelbergUniversitätsbibliothek Heidelberg
Metadaten

La chronique des arts et de la curiosité — 1876

DOI Heft:
Nr. 35 (11 Novembre)
DOI Seite / Zitierlink: 
https://doi.org/10.11588/diglit.26615#0307
Überblick
loading ...
Faksimile
0.5
1 cm
facsimile
Vollansicht
OCR-Volltext
300

LA CHRONIQUE DES ARTS

rais la finesse de l’allégorie, deux initiales mê-
lées en griffonnés d’une toile d’araignée m’an-
nonçaient que Rops était l’auteur du dessin, ce
que m’avait dit dès le premier instant l’eau-
forte pittoresque et blonde.

Eh bien ! la fable était une réalité ; car, au
lendemain de l’envoi, un petit cercle sortait
tout à coup de la coque et tâtait du bout de
son aile la lumière du grand jour; pour parler
plus Amplement, La Chrysalide faisait 1 ouver-
ture de sa première exposition ; et ainsi se
trouvait justifiée la délicate eau-forte, rêve spi-
rituel d’un poète railleur s’amusant à fustiger
avec des ailes de papillon la majesté préten-
tieuse du mort qui n’a jamais vécu. — O Pic-
tura aeademica !

Donc, nous étions, ce soir-là, une cinquan-
taine qui enfilâmes l’escalier en colimaçon de
la Chrysalide ; on traversait un palier encom-
bré par le vestiaire, puis une porte s’ouvrait,
et l’on pénétrait dans le sanctuaire, je veux
dire dans le cocon où s’ébattaient les papillons
frais éclos à la vie.

Il n’y avait, à la vérité, pour garder le tré-
sor, ni contrôleurs ni gardiens ; l’habit des
aimables garçons qui faisaient le service de la
porte n’avait pas la moindre chaîne d’argent ;
et l’exposition elle-même avait plus l’air d’un
atelier en belle humeur que d’un salon fait
pour les falbalas. On avait rangé dans le mi-
lieu, autour d’une table, six banquettes ; les
murs étaient badigeonnés fraîchement, et
quatre tringles percées de trous faisaient l’of-
fice de lampadaires. Une soixantaine de ta-
bleaux allumaient aux bluettes du gaz leur éclat
chatoyant et lustraient d’un émail tout frais la
monotonie de la muraille. Quelques aquarelles
mettaient au milieu de ces taches vides leurs
fusées discrètes et la scintillation de leurs
vitres; et sur des selles tournaient çà et là, en
bronze et en terre cuite, les bustes et les sta-
tuettes. Cette miniature des grandes exposi-
tions me charma par sa candeur, même avant
que j’eusse pris le temps de regarder les ta-
bleaux; la grenouille qui se fait plus grosse
que le bœuf n’avait rien à faire avec ce salon
sans pompons; et un groupe de jeunes héréti-
ques y essayaient fort naturellement, en mail-
lots de papillon, leurs énergies naissantes, non
prévues par les Malthus de la doctrine.

Ne croyez pas, du reste, à des vols timides ;
la plupart de ces échappés de la Chrysalide
ont déjà de beaux coups d’aile; ils ont, par
dessus le marché, la foi,T audace, la conscience;
ils marchent bravement au soleil ; le gaz
même ne les effraie pas. Pour tout dire, quel-
ques-uns y sont de longue date aguerris. Ce
qui les caractérise, c’est la passion du vrai,
l’horreur de la banalité, l’émotion loyale;
dans l’homme ils peignent l’homme, sans le
clinquant des oripeaux, et ils aiment la na-
ture pour elle-même Les juleps, les sauces
et les bistres, triomphe des Van Luppen, des
Schampheleer, des de Keyzer, sont remplacés
sur leur palettes par le ton juste; ils font
vrai, en un mot, et le moins charmant n’est
pas qu’ils manquent un peu par moments de
virtuosité. Je n’aime pas, pour ma part, les
moustaches du capntame Fracasse sur un
jeune visage, et les jeunes peintres trop pré-

cocement habiles me font craindre qu’ils n’aient
plus rien à apprendre.

Une pensée touchante avait présidé à l’ex-
position des chrysalidiens : ils s’étaient mis à
l’ombre d'un maître dont j’ai parlé plus d’une
fois à cette même place et qui est bien vrai-
ment le chef de l’Ecole indépendante en Bel-
gique; d’un maître emporté avant la maturité,
d’Hippolyte Bmxlenger. La couronne d’immor-
telles voilée d’un crêpe n’avait pas besoin cle
signaler, à la place d'honneur où on l’avait
mise, l’œuvre triomphante qui porte au cata-
logue le titre cle Messe de saint Hubert. De loin,
elle se distingue, elle vous appelle : on a
nommé l’artiste avant même de l’avoir appro-
ché, car cette chaleur, cette puissance, cette
sonorité de tons et cette large composition
n’appartiennent qu’à Boulenger.

Artan avait à quelques pas de notre cher
mort deux toiles, l’une soyeuse et blonde
comme les sables de la plage, l’autre qui mon-
trait dans un repli des dunes ses cabanes de
pêcheurs abritées sous de grandes toiles
rouges.

Agneessens avait envoyé deux Têtes d'étude,
modelées grassement dans une pâte ferme,
avec ces jolies sourdines d’un gris rousselet
qui sont sa note. Verhaeren, plus brutal, vise
moins à l’harmonie; il truelle, il maçonne, il
brosse avec une sorte d’emportement ; un
petit Paysage tranchait toutefois par ses dou-
ceurs de tons sur les hardis emportements de
ses Têtes d'étude. Reinheimer a le même tem-
pérament : son Portrait et son Intérieur sont
l’œuvre d’un homme qui exprime fortement.
Nil son aussi est bon ouvrier : tous les trois
recherchent la lumière modérée et la blondeur
des teintes grises. Van Leemputten, au con-
traire, pose sur des verts intenses des bleus
vifs; il frappe de grands accords qui ne s’ac-
cordent pas toujours ; mais il a son mode fa-
milier, et c’est déjà beaucoup.

Sembach fait chanter dans son Vieux canal
quelques toits hurleurs d’un rouge qui défie
la carotte; mais l’impression est faite juste et
cette dominante terrible vous enfonce ses flè-
ches dans l’œil, comme font les toits à Mid-
delbourg. Hagemans a des gris frais qui s’é-
clairent d’une lueur argentine, et Gilleman, un
nouveau venu, jette les fleurettes pourprées de
sa palette sur d’excellents bouts de lande d’une
facture très ferme. Hanon pétrit dans des tons
lumineux, une poignée de Fleurs éclatantes et
vivaces. Fontaine est un peu sec dans les
siennes; mais il se rattrape dans une Femme
aux •papillons et un Portrait. B élis donne aux
fruits le style et la couleur; enfin Nasez, dans
une exposition très-variée, déploie les ressour-
ces d’un esprit chercheur, également séduit
par la peinture et la sculpture; ses études à
l’huile sont fines de ton et prestement enle-
vées; je n’éprouve pas de scrupule à déclarer
qu’il est au premier rang des chrysalidiens.

Les aquarellistes étaient MM. Heurteloup,
Staquet, Nyslerschaut; chacun d’eux a sa note
et pourtant ils ont un air de famille. Tous les
trois ont un art distingué, très-fin, très-pri-
mesautier, très-mordant; M. Heurteloup]s’at-
taque aux fleuves, aux ports , aux bateaux,
MM. Nysterschaut et Staquet cheminent le
 
Annotationen