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jg. 9. _ x922. BURTAUX : IOÔ, BOULEVARD SAINT-GERMAIN (6e) 15 niai.

CHRONIQUE DES ARTS

ET DE LA CURIOSITÉ

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Le Numéro : i franc

PROPOS DU JOUR

ON a organisé à Strasbourg, à des fins
louables, une exposition d’architecture
française « classique », c’est-à-dire des
xvne et xvme siècles. Il s’agissait de
montrer la valeur d’un art décrié par l’érudition
germanique, laquelle, en lui refus2iit toute origi-
nalité, n’y a rencontré que quelques éléments de
décoration: c’est à peine si Versailles, à ses yeux
prévenus, est autre chose que l’annonce des splen-
deurs épaissies de Potsdam !

Ceci nous fait toucher du doigt le danger d’un
certain exclusivisme en art, qui fut parfois le fait
de nos savants eux-mêmes. Au gré des concep-
tions personnelles, on découpera en tranches le
labeur splendide et ininterrompu des siècles. Fait
cependant d’unité, d’une longue suite d’efforts
réglés par le sol, l’atmosphère et le génie, ce
labeur frappe par sa continuité, son ampleur, son
rare mérite d’invention incessante et de goût.
Certes, on ne peut nier des variations propres à
toutes manifestations humaines; il y a des pério-
des, aux efforts moins féconds, où des influences
étrangères s’exercent plus fortement; on doit
admettre même les « styles », en général adapta-
tions nouvelles de principes séculaires découlant
des nécessités de milieu, de matériaux, de techni-
que, plutôt que de concepts esthétiques imaginés
ou formulés après coup en disciplines précises.
Le fait positif est une admirable conscience pro-
fessionnelle se retrouvant à toutes les époques et
suffisante à établir la pérennité, l’unité de l’art
français.

Si l’on admet qu’il a pu commencer à un mo-
ment, se terminer à un autre, en considérant
toutes périodes en deçà ou au delà comme
dépourvues d’esprit national ou de valeur réelle,
on établit des compartiments aussi factices que
la classification des styles fondée sur la chrono-
logie des souverains. Et si l’on pense s’en tirer en

instituant une pluralité d’architectures françaises
(ou de tout autre art), nous répondrons que l’en-
chaînement est tel que nul ne peut se flatter d’y
rencontrer un hiatus important, encore moins une
fin. Les apogées sont certains, non les temps
d’arrêt, réserve faite pour le xixe siècle où préci-
sément l’art s'affaisse parce qu'on se préoccupe
trop de divisions et subdivisions au détriment de
la grande loi d’unité. Conséquence: l’archéologie
remplace la force créatrice.

Mais peut-être l’interruption n’est-elle point
si accusée, puisque, les anciennes qualités se
retrouvant intactes, nous assistons à une reprise,
mieux, à une éclosion dont l’actuelle section d’art
appliqué, au Salon des artistes français, fournit
la magnifique preuve. Quelques-uns dénonceront
des traces, et pire que des traces, d’esthétique
étrangère chez nos modernes décorateurs qui font
vraiment honte aux architectes de leur inaction.
Ce sont là de vaines criailleries, révélant une
méconnaissance totale de l’art français et de son
harmonieuse évolution.

On voudrait que l’art national ne fût à aucune
coterie. Il est trop grand pour servir à des péti-
tions de principe, trop lumineux pour étayer des
thèses préconçues ou parcellaires, trop homogène
pour autoriser un sectionnement arbitraire ou
tendancieux. Les uns disent: « La France date
de la Révolution », les autres qu’elle a cessé
d’exister avec la Révolution ; c’est aussi erroné
et injuste que de proclamer qu’il n’y a d’art fran-
çais que le gothique, ou que la Renaissance, ou
que le « xvnie ».

L'exposition de Strasbourg fera connaître au
public alsacien des périodes de notre architecture
sur lesquelles il était, parait-il, peu renseigné,
bien qu’il en eût sous les yeux un fort beau spé-
cimen — le palais de Rohan. Il ne faudra pas
que, par un procédé inverse de celui de ses édu-
cateurs temporaires, on lui enseigne que toute
l’architecture française lui est montrée aujour-
d’hui.
 
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