CHRONIQUE DES ARTS
12 6
Intéressant pour les amateurs français est le petit por-
trait d’Andries Hooftman par Pot, une des répétitions
nombreuses de la petite figure spirituelle et élégante
qui se trouve à Chantilly. Au même musée a été légué
un Intérieur de la grande salle des comtes de Hollande de
Pothoven (1779), un artiste ordinairement raide dans
le dessin et froid dans le coloris, qui cependant se
présente, dans cette toile modeste,, mais grasse et fine,
comme un peintre spirituel de petites figures et un
successeur digne de ses ancêtres, les peintres de
lumière et d’atmosphère. Tout récemment une petite
Tête de garçon dans une ovale, de Dou, prêtée par
M. Smidt Van Gelder, et deux tableaux de Pierre Post,
l’architecte du Mauritshuis, donnés par M. Philips,
ont été ajoutés à la collection.
Aux mois de mars et d’avril une exposition des
paysagistes hollandais eut lieu au Musée municipal de
La Haye. Les Musées et les collectionneurs, invités
par M. Van Gelder, le directeur du Musée, ont con-
couru à réunir une collection très instructive, montrant
à grands traits le développement du paysage hollandais
depuis les initiateurs flamands et hollandais (Patinir,
Scorel). En passant par le groupe des Flamands pro-
testants émigrés en Hollande, les instructeurs et les
inspirateurs des Hollandais du début du xvne, par les
grands maîtres du milieu de ce. siècle, par les oubliés
du .xvme et du xixe romantique, par Jongkindt, par
l’école de La Haye et par Van Gogh, on arrivait aux
artistes vivants, manifestant .d’une manière frappante
à côté du développement graduel qui les précédait le
manque d’unité de l’art moderne. Tous ces maîtres
étaient représentés par des œuvres typiques et souvent
peu connues, révélant parfois des talents notables mais
longtemps négligés ou méconnus, comme ce Jardin de
Saint-Cloud de P.-L. Kleyn(i8o6), élève de David et
pensionnaire du roi Louis de Hollande. Cette œuvre,
cachée dans une des salles les moins visitées du Musée
de l'Etat, est remarquable par l’heureuse alliance de
style très prononcé et de naturalisme.
Au musée municipal d’Amsterdam il y a eu pendant
les premiers mois de l’année une exposition interna-
tionale du théâtre, dont l’organisation est due surtout
à l’énergie de M. Wijdeveld. Les rénovateurs les
mieux connus, Gordon Craig, Appia, les artistes du
Vieux Colombier, ont collaboré à en assurer le succès,
qui a occasionné le transport de la collection entière
au Victoria and Albert Muséum de Londres, où,
enrichie encore de projets de décor surtout anglais ou
américains, elle est accessible à un plus grand nombre
d’intéressés.
Le musée de Leyde, nouvellement ouvert après que
la générosité de M. Pape eut rendu possible un agran-
dissement des bâtiments, vient de recevoir de M. Kro-
nig un tableau de Metsu, le Jugement d’Othon. Les
grands maîtres originaires de cette ville, Lucas de
Leyde, Rembrandt, Dou, Steen et les autres, sont
maintenant tous représentés dans le musée de leur ville
natale.
Le Nimègue actuel, l’ancien Noviomagus, occupe le
site d’une des principales fortifications bâties le long
du Rhin, la frontière du territoire colonial romain.
M. G.-M. Kam, ancien comme’rçant, étant venu s’éta-
blir en cette ville, a consacré le reste de sa vie à
constituer une collection très importante de reliques
de l’époque romaine, provenant de trouvailles fortuites
et des fouilles entreprises aux frais de M. Kam. Pour
conserver intact le résultat de son zèle et de son éru-
dition il a cédé à l’État sa collection, logée dans un
musée créé spécialement à cette fin. Ce musée vient
d’être ouvert. L’objet le plus intéressant au point de
vue artistique est un casque en bronze à la visière de
masque d’éphèbe. Ce casque, trouvé dans la rivière,
date du 11e siècle de l’ère chrétienne.
Un amateur, M. Van Gijn, de Dordrecht, qui vient
de mourir fort âgé, a légué à la société d’histoire
locale de cette ville ses collections et son bel hôtel,
une de ces maisons du xvme siècle, jadis si nombreuses
dans les grandes villes de province, mais aujourd’hui
devenues rares, où, derrière la belle façade de fière
demeure patricienne, l’ancien intérieur riche subsiste
encore, au vestibule et au corridor central dallés de
marbre, à l’escalier d’honneur monumental et hospita-
lier, aux tentures de soie ou de tapisserie, aux boiseries
.sculptées des salons. M. Van Gijn était un des derniers
représentants de ce type démodé, pour qui l’étude de
l’histoire politique était liée indissolublement à l’amoür
du beau. Sa collection en porte les marques ; les curio-
sités historiques se mêlent aux beaux meubles et aux
porcelaines. Avec la collection Van Stolk de Rotter-
dam, celle de M. Van Gijn était la dernière grande
collection particulière d’estampes historiques. Aucune
exposition rétrospective hollandaise du dernier demi-
siècle n’a pu se passer de ses contributions, accordées
avec l’empressement cordial d’un collectionneur dési-
reux de faire part de ses trésors à un cercle aussi étendu
que possible. Aujourd’hui il serait difficile pour un
amateur de fortune moyenne d’assembler une collection
aussi complète en estampes historiques rares, composée
presque uniquement de belles épreuves. On en est,
d’autre part, à redouter que la taxe successorale,
exorbitante pour les parents ou légataires, ne rende vain
le geste généreux de l’amateur défunt. M. Van Gijn
avait déjà donné à la ville de Dordrecht sa collection
unique de dessins et de gravures concernant l’histoire
et la topographie de cette ville.
A. Staring
—-< -
REVUE DES REVUES
The Journal of hellenic studies.
Vol. XXXIX (1919) — Percy Gardner. Tête de
bronze du ve siècle av. J.-C. Cette tête, assez fortement
restaurée, donnée par E.-P. Warren au Musée Ashmo-
léen (Oxford) est une variante de celle du Diadumène
de Polyclète. Le bandeau était orné de pal mettes inci-
sées en argent; les boucles des cheveux sont disposées
suivant le type « pieuvre ». Technique admirable.
E. Douglas Van Buren. Fragment d'un vase d'Oivielo
(style de Brygos).
J. D. Beazley. Trois coupes à figures rouges: i°
Collection Warren (Lewes). Femme nue portant un
cotyle (sur lequel est inscrit le nom Doris= Douas?)
vers un cratère ; style du « peintre de l’éphèbe Panai-
tios » (vers 485). A cette occasion l’auteur inet à jour
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Intéressant pour les amateurs français est le petit por-
trait d’Andries Hooftman par Pot, une des répétitions
nombreuses de la petite figure spirituelle et élégante
qui se trouve à Chantilly. Au même musée a été légué
un Intérieur de la grande salle des comtes de Hollande de
Pothoven (1779), un artiste ordinairement raide dans
le dessin et froid dans le coloris, qui cependant se
présente, dans cette toile modeste,, mais grasse et fine,
comme un peintre spirituel de petites figures et un
successeur digne de ses ancêtres, les peintres de
lumière et d’atmosphère. Tout récemment une petite
Tête de garçon dans une ovale, de Dou, prêtée par
M. Smidt Van Gelder, et deux tableaux de Pierre Post,
l’architecte du Mauritshuis, donnés par M. Philips,
ont été ajoutés à la collection.
Aux mois de mars et d’avril une exposition des
paysagistes hollandais eut lieu au Musée municipal de
La Haye. Les Musées et les collectionneurs, invités
par M. Van Gelder, le directeur du Musée, ont con-
couru à réunir une collection très instructive, montrant
à grands traits le développement du paysage hollandais
depuis les initiateurs flamands et hollandais (Patinir,
Scorel). En passant par le groupe des Flamands pro-
testants émigrés en Hollande, les instructeurs et les
inspirateurs des Hollandais du début du xvne, par les
grands maîtres du milieu de ce. siècle, par les oubliés
du .xvme et du xixe romantique, par Jongkindt, par
l’école de La Haye et par Van Gogh, on arrivait aux
artistes vivants, manifestant .d’une manière frappante
à côté du développement graduel qui les précédait le
manque d’unité de l’art moderne. Tous ces maîtres
étaient représentés par des œuvres typiques et souvent
peu connues, révélant parfois des talents notables mais
longtemps négligés ou méconnus, comme ce Jardin de
Saint-Cloud de P.-L. Kleyn(i8o6), élève de David et
pensionnaire du roi Louis de Hollande. Cette œuvre,
cachée dans une des salles les moins visitées du Musée
de l'Etat, est remarquable par l’heureuse alliance de
style très prononcé et de naturalisme.
Au musée municipal d’Amsterdam il y a eu pendant
les premiers mois de l’année une exposition interna-
tionale du théâtre, dont l’organisation est due surtout
à l’énergie de M. Wijdeveld. Les rénovateurs les
mieux connus, Gordon Craig, Appia, les artistes du
Vieux Colombier, ont collaboré à en assurer le succès,
qui a occasionné le transport de la collection entière
au Victoria and Albert Muséum de Londres, où,
enrichie encore de projets de décor surtout anglais ou
américains, elle est accessible à un plus grand nombre
d’intéressés.
Le musée de Leyde, nouvellement ouvert après que
la générosité de M. Pape eut rendu possible un agran-
dissement des bâtiments, vient de recevoir de M. Kro-
nig un tableau de Metsu, le Jugement d’Othon. Les
grands maîtres originaires de cette ville, Lucas de
Leyde, Rembrandt, Dou, Steen et les autres, sont
maintenant tous représentés dans le musée de leur ville
natale.
Le Nimègue actuel, l’ancien Noviomagus, occupe le
site d’une des principales fortifications bâties le long
du Rhin, la frontière du territoire colonial romain.
M. G.-M. Kam, ancien comme’rçant, étant venu s’éta-
blir en cette ville, a consacré le reste de sa vie à
constituer une collection très importante de reliques
de l’époque romaine, provenant de trouvailles fortuites
et des fouilles entreprises aux frais de M. Kam. Pour
conserver intact le résultat de son zèle et de son éru-
dition il a cédé à l’État sa collection, logée dans un
musée créé spécialement à cette fin. Ce musée vient
d’être ouvert. L’objet le plus intéressant au point de
vue artistique est un casque en bronze à la visière de
masque d’éphèbe. Ce casque, trouvé dans la rivière,
date du 11e siècle de l’ère chrétienne.
Un amateur, M. Van Gijn, de Dordrecht, qui vient
de mourir fort âgé, a légué à la société d’histoire
locale de cette ville ses collections et son bel hôtel,
une de ces maisons du xvme siècle, jadis si nombreuses
dans les grandes villes de province, mais aujourd’hui
devenues rares, où, derrière la belle façade de fière
demeure patricienne, l’ancien intérieur riche subsiste
encore, au vestibule et au corridor central dallés de
marbre, à l’escalier d’honneur monumental et hospita-
lier, aux tentures de soie ou de tapisserie, aux boiseries
.sculptées des salons. M. Van Gijn était un des derniers
représentants de ce type démodé, pour qui l’étude de
l’histoire politique était liée indissolublement à l’amoür
du beau. Sa collection en porte les marques ; les curio-
sités historiques se mêlent aux beaux meubles et aux
porcelaines. Avec la collection Van Stolk de Rotter-
dam, celle de M. Van Gijn était la dernière grande
collection particulière d’estampes historiques. Aucune
exposition rétrospective hollandaise du dernier demi-
siècle n’a pu se passer de ses contributions, accordées
avec l’empressement cordial d’un collectionneur dési-
reux de faire part de ses trésors à un cercle aussi étendu
que possible. Aujourd’hui il serait difficile pour un
amateur de fortune moyenne d’assembler une collection
aussi complète en estampes historiques rares, composée
presque uniquement de belles épreuves. On en est,
d’autre part, à redouter que la taxe successorale,
exorbitante pour les parents ou légataires, ne rende vain
le geste généreux de l’amateur défunt. M. Van Gijn
avait déjà donné à la ville de Dordrecht sa collection
unique de dessins et de gravures concernant l’histoire
et la topographie de cette ville.
A. Staring
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REVUE DES REVUES
The Journal of hellenic studies.
Vol. XXXIX (1919) — Percy Gardner. Tête de
bronze du ve siècle av. J.-C. Cette tête, assez fortement
restaurée, donnée par E.-P. Warren au Musée Ashmo-
léen (Oxford) est une variante de celle du Diadumène
de Polyclète. Le bandeau était orné de pal mettes inci-
sées en argent; les boucles des cheveux sont disposées
suivant le type « pieuvre ». Technique admirable.
E. Douglas Van Buren. Fragment d'un vase d'Oivielo
(style de Brygos).
J. D. Beazley. Trois coupes à figures rouges: i°
Collection Warren (Lewes). Femme nue portant un
cotyle (sur lequel est inscrit le nom Doris= Douas?)
vers un cratère ; style du « peintre de l’éphèbe Panai-
tios » (vers 485). A cette occasion l’auteur inet à jour