ET DE LA CURIOSITÉ
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vivant et exact et mis en lumière les nobles et émou-
vantes qualités.
Revue des Deux Mondes (ier octobre). — M.
Robert de la Sizeranne, résumant la vie et l’œuvre du
regretté Léon Bonnat, met en relief les caractéristiques
de ce probe et vigoureux artiste auquel notre Gazette
consacrera prochainement une étude.
( 15 octobre.) — A propos de la célébration en Italie
du centième anniversaire de la mort de Canova — que
la Gazette commémore, de son côté, dans sa livraison
de novembre, — notre éminentcollaborateur M. André
Michel publie une remarquable étude sur le célèbre
sculpteur et son œuvre, en montrant particulièrement
l’influence qu’exercèrent sur le développement de son
talent, d’abord porté vers le rendu sincère de la réalité,
les théories de Winckelmann et de Quatremère de
Quincy sur le retour à l’antique et la recherche du
« beau idéal ».
BIBLIOGRAPHIE
Paul Jamot. — Auguste Ravier, étude critique.
Lyon, Lardanchet, 1921. In-8, 208 p. Illustré
(10 hors texte en couleurs, 25 pl. en noir).
Auguste Ravier (1814-1895) n’est pas un inconnu
pour les lecteurs de la Gazette ; on peut même dire
que c’est à des gestes; à des paroles ou à des articles
de nos collaborateurs (Ch. Blanc en 1873, Emile Mi-
chel en 1906, Alph. Germain en 1907, Paul Leprieur
en 1909, R. Marx à la Centennale de 1900) que sa
réputation, longtemps confinée dans sa région natale,
doit de s’être plus largement répandue dans le monde
des connaisseurs. Et cependant, bien que son œuvre
soit représenté au Louvre, encore aujourd’hui on
chercherait vainement son nom, non seulement dasn
les encyclopédies et les répertoires usuels, mais même
dans le Dictionnaire si copieux de Mme Errera !
M. Jamot réédite ici sous une forme luxueuse, et
avec une illustration remarquable, une étude fine et
chaleureuse, parue en 1910 dans la Revue de Paris, et
qui mettait en pleine lumière à la fois le talent et la
physionomie de l’artiste lyonnais. Fils d’un confiseur
issu de tabellions, venu lui-même du droit à la pein-
ture, n’ayant fait que des études d’atelier hâtives,
mais visiteur attentif de l’Italie et surtout élève pieux
et fervent de la nature, Ravier a su se tailler un
domaine propre dans la traduction diaprée et lumineuse
de la curieuse région (Crémieu-Morestel) où il a passé
la plus grande partie de sa vie de gentleman farmei
solitaire et quelque peu misanthrope. Là, à mi-che-
min du Rhône et des Alpes, il a vécu, il a rêvé, il a
peint avec furie, parmi ces vieux bourgs, ces rochers,
ces grands ciels, ces arbres rares, ces plaines semées
d’étangs où la magie des soleils couchants jette ses
pierreries, et ce qu’il appelle joliment « les ineffables
tendresses du soir ». Dans les innombrables aquarelles,
dans les petites toiles de celui que M. Jamot définit
un « coloriste somptueux et visionnaire » et qui se
traitait lui-même d’ « artiste inachevé » il y a des
morceaux de Turner (qu’il prétendait un jour « en-
foncer » 1), de Delacroix et même de Monticelli...
Un ami de Ravier, F. Thuillier, avait dès 1899
publié un choix de ses lettres; M. Jamot en donne
encore davantage. Peut-être un peu trop. Les passages
vraiment caractéristiques ont été cités au cours de la
biographie ; les lettres in extenso sont souvent longues,
plates et, chose curieuse, incolores. Chrétien convaincu
et pratiquant, Ravier a de généreux enthousiasmes
(Corot, Delacroix, Lamartine, Livingstone), mais ce
« républicain théorique » se laisse entraîner par sa
misanthropie jusqu’à écrire (en 1882 !) : « Je rage d’être
obligé d’habiter un sale pays comme le nôtre qui se
laisse guider par la pire canaille des charlatans...
Pour Gambetta, la corde ! » On aimerait pour la mémoire
de Ravier qu’il n’eût pas écrit de pareilles lignes, et
pour le goût, si délicat, de M. Jamot qu’il ne les eût
pas imprimées.
T. R.
Art et Religion : L’art bouddhique, par Henri
Focillon. — Paris, H. Laurens, 1921. In-8, 160 p.,
24 P1-
M. Focillon, l’éminent professeur à l’université de
Lyon, et directeur des Musées de la ville, en se char-
geant de la direction d’une série de publications
nouvelles d’esthétique religieuse, établissant les
rapports qui unissent les différents arts de l’humanité
et les grandes formes de la pensée religieuse à travers
le temps et l’espace, a voulu montrer l’exemple, et
sans attendre que ses collaborateurs nous exposent les
polythéismes égyptien ou hellénique, ou le vaste mou-
vement islamique, il nous présente en une magistrale
synthèse les rapports entre l’art de l’Extrême-Orient
et les croyances religieuses- qui l’ont inspiré. Il ne
semble pas possible en effet d’étudier avec un peu de
pénétration l’art bouddhique de l’Inde, de la Chine,
de l’Indochine ou du Japon, sans comprendre les liens
intimes qui l’unissent aux grands concepts de la pensée
religieuse, dont il n’est qu’une manifestation.
Il n’en reste pas moins que les systèmes d’esthétique
de l’Asie bouddhique demeurent encore assez difficiles
à interpréter pour un esprit d’Occidental, et que les
démarches de la pensée d’un Okakura Kakuso dans
les « Ideals of the East » nous paraissent assez éloignées
des nôtres, et parfois impénétrables. Toutefois les
magnifiques travaux de notre Foucher, les subtiles
études si tôt interrompues du regretté Pétrucci, ont
bien éclairé les chemins d’approche.
C’est à la faveur de ces lumières que M. Focillon
s’est penché sur ces profonds sujets, et qu’il a cherché
à bien établir que sous l’influence de la pensée hin-
doue, c’est véritablement la Chine et le Japon qui ont
réussi à extraire du bouddhisme l’art le plus complet,
et le plus personnel. C’était aussi l’idée foncière de
E. Fenellosu.
Gaston Migeon
Les accroissements des Musées Nationaux fran-
çais. T. III : Le Musée du Louvre en 1921.
Paris, Demotte, 1921. In-folio, 50 pl. av. notices.
M. Demotte publie dans un magnifique volume de
cinquante planches qui fait suite aux deux précédents,
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vivant et exact et mis en lumière les nobles et émou-
vantes qualités.
Revue des Deux Mondes (ier octobre). — M.
Robert de la Sizeranne, résumant la vie et l’œuvre du
regretté Léon Bonnat, met en relief les caractéristiques
de ce probe et vigoureux artiste auquel notre Gazette
consacrera prochainement une étude.
( 15 octobre.) — A propos de la célébration en Italie
du centième anniversaire de la mort de Canova — que
la Gazette commémore, de son côté, dans sa livraison
de novembre, — notre éminentcollaborateur M. André
Michel publie une remarquable étude sur le célèbre
sculpteur et son œuvre, en montrant particulièrement
l’influence qu’exercèrent sur le développement de son
talent, d’abord porté vers le rendu sincère de la réalité,
les théories de Winckelmann et de Quatremère de
Quincy sur le retour à l’antique et la recherche du
« beau idéal ».
BIBLIOGRAPHIE
Paul Jamot. — Auguste Ravier, étude critique.
Lyon, Lardanchet, 1921. In-8, 208 p. Illustré
(10 hors texte en couleurs, 25 pl. en noir).
Auguste Ravier (1814-1895) n’est pas un inconnu
pour les lecteurs de la Gazette ; on peut même dire
que c’est à des gestes; à des paroles ou à des articles
de nos collaborateurs (Ch. Blanc en 1873, Emile Mi-
chel en 1906, Alph. Germain en 1907, Paul Leprieur
en 1909, R. Marx à la Centennale de 1900) que sa
réputation, longtemps confinée dans sa région natale,
doit de s’être plus largement répandue dans le monde
des connaisseurs. Et cependant, bien que son œuvre
soit représenté au Louvre, encore aujourd’hui on
chercherait vainement son nom, non seulement dasn
les encyclopédies et les répertoires usuels, mais même
dans le Dictionnaire si copieux de Mme Errera !
M. Jamot réédite ici sous une forme luxueuse, et
avec une illustration remarquable, une étude fine et
chaleureuse, parue en 1910 dans la Revue de Paris, et
qui mettait en pleine lumière à la fois le talent et la
physionomie de l’artiste lyonnais. Fils d’un confiseur
issu de tabellions, venu lui-même du droit à la pein-
ture, n’ayant fait que des études d’atelier hâtives,
mais visiteur attentif de l’Italie et surtout élève pieux
et fervent de la nature, Ravier a su se tailler un
domaine propre dans la traduction diaprée et lumineuse
de la curieuse région (Crémieu-Morestel) où il a passé
la plus grande partie de sa vie de gentleman farmei
solitaire et quelque peu misanthrope. Là, à mi-che-
min du Rhône et des Alpes, il a vécu, il a rêvé, il a
peint avec furie, parmi ces vieux bourgs, ces rochers,
ces grands ciels, ces arbres rares, ces plaines semées
d’étangs où la magie des soleils couchants jette ses
pierreries, et ce qu’il appelle joliment « les ineffables
tendresses du soir ». Dans les innombrables aquarelles,
dans les petites toiles de celui que M. Jamot définit
un « coloriste somptueux et visionnaire » et qui se
traitait lui-même d’ « artiste inachevé » il y a des
morceaux de Turner (qu’il prétendait un jour « en-
foncer » 1), de Delacroix et même de Monticelli...
Un ami de Ravier, F. Thuillier, avait dès 1899
publié un choix de ses lettres; M. Jamot en donne
encore davantage. Peut-être un peu trop. Les passages
vraiment caractéristiques ont été cités au cours de la
biographie ; les lettres in extenso sont souvent longues,
plates et, chose curieuse, incolores. Chrétien convaincu
et pratiquant, Ravier a de généreux enthousiasmes
(Corot, Delacroix, Lamartine, Livingstone), mais ce
« républicain théorique » se laisse entraîner par sa
misanthropie jusqu’à écrire (en 1882 !) : « Je rage d’être
obligé d’habiter un sale pays comme le nôtre qui se
laisse guider par la pire canaille des charlatans...
Pour Gambetta, la corde ! » On aimerait pour la mémoire
de Ravier qu’il n’eût pas écrit de pareilles lignes, et
pour le goût, si délicat, de M. Jamot qu’il ne les eût
pas imprimées.
T. R.
Art et Religion : L’art bouddhique, par Henri
Focillon. — Paris, H. Laurens, 1921. In-8, 160 p.,
24 P1-
M. Focillon, l’éminent professeur à l’université de
Lyon, et directeur des Musées de la ville, en se char-
geant de la direction d’une série de publications
nouvelles d’esthétique religieuse, établissant les
rapports qui unissent les différents arts de l’humanité
et les grandes formes de la pensée religieuse à travers
le temps et l’espace, a voulu montrer l’exemple, et
sans attendre que ses collaborateurs nous exposent les
polythéismes égyptien ou hellénique, ou le vaste mou-
vement islamique, il nous présente en une magistrale
synthèse les rapports entre l’art de l’Extrême-Orient
et les croyances religieuses- qui l’ont inspiré. Il ne
semble pas possible en effet d’étudier avec un peu de
pénétration l’art bouddhique de l’Inde, de la Chine,
de l’Indochine ou du Japon, sans comprendre les liens
intimes qui l’unissent aux grands concepts de la pensée
religieuse, dont il n’est qu’une manifestation.
Il n’en reste pas moins que les systèmes d’esthétique
de l’Asie bouddhique demeurent encore assez difficiles
à interpréter pour un esprit d’Occidental, et que les
démarches de la pensée d’un Okakura Kakuso dans
les « Ideals of the East » nous paraissent assez éloignées
des nôtres, et parfois impénétrables. Toutefois les
magnifiques travaux de notre Foucher, les subtiles
études si tôt interrompues du regretté Pétrucci, ont
bien éclairé les chemins d’approche.
C’est à la faveur de ces lumières que M. Focillon
s’est penché sur ces profonds sujets, et qu’il a cherché
à bien établir que sous l’influence de la pensée hin-
doue, c’est véritablement la Chine et le Japon qui ont
réussi à extraire du bouddhisme l’art le plus complet,
et le plus personnel. C’était aussi l’idée foncière de
E. Fenellosu.
Gaston Migeon
Les accroissements des Musées Nationaux fran-
çais. T. III : Le Musée du Louvre en 1921.
Paris, Demotte, 1921. In-folio, 50 pl. av. notices.
M. Demotte publie dans un magnifique volume de
cinquante planches qui fait suite aux deux précédents,