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MÉLANGES D’ARCHÉOLOGIE.

Le Fils de Dieu s’est soumis à la mort pour nous la faire accepter après lui, mais
il nous a racheté la vie éternelle que le péché avait fait perdre à la postérité du
premier homme ; afin que nous traversions ce passage d’une vie à l’autre, sans trop
d’angoisses, dans l’espoir de ce que le Sauveur nous réserve au delà en vertu
de ses mérites. Ce triomphe de Notre - Seigneur sur la mort a reçu de bonne heure
diverses formes sous la main des artistes, et M. le comte Auguste de Bastard en
cite une du xe siècle, qui vaut la peine d’être considérée attentivement 4, malgré sa
rudesse.
Deux demi-cercles, entre les grandes ellipses du tableau principal, montrent, à
gauche du crucifix, la Synagogue expirante. Les yeux bandés, elle tient d’une main
le couteau du sacrifice ou de la circoncision2, et de l’autre un rouleau qui rappelle
les préceptes sans nombre de F Ancienne Loi.
A l’opposite, l’Église tient un drapeau, et le geste de sa main droite indique admi-
ration ou reconnaissance pour le sort qui lui est conféré. On dirait qu’elle plaint sa
rivale déchue, au lieu de la maudire. Sur sa tête, par un artifice bizarre qu’excuse
le peu de place, un calice surmonte la couronne. C’est bien là, du reste, le véritable
diadème de la Nouvelle Loi; puisque le Sauveur, près de mourir, lui a confié ce soin
de répéter chaque jour, jusqu’à la fin du monde, le grand sacrifice du Calvaire.
(Luc. xxii, 17-20. — Math, xxvi, 26-28.— Etc.)
Les inscriptions partagées entre ces deux demi-cercles sont:
« Lex tenet occasum, pia Gratia surgit ad ortum. »
On voit qu’il était parfaitement reçu que la droite de Notre-Seigneur sur la croix
indiquât l’orient, mais un orient mystique 3. Aussi les deux petits carrés aux sommets
du cadre montrent le soleil sur l’Église, et la lune sur la Synagogue. C’est un
symbolisme au sujet duquel il serait fastidieux de s’étendre après ce qui en a déjà
été dit (cf. Mélanges d'archéologie, Ire série, t. I, p. 220-223; t. II, p. 63-68; etc.).

1. Cf. Mémoire sur les crosses (Bulletin du comité cle la
langue... et des arts de laFrance, t. IV, p. 53Z[, sv.).
2. C’est un point de symbolisme passablement exposé
avant notre siècle, et dont nous avons abondamment
indiqué la trace dans les Mélanges d’archéologie, lre série,
t. II, p. 50-59.
L’origine m’en paraît remonter aux temps où s’agitait
la question : « Quo tempore lex mosaica facta est 1° mor-
tua, 2° mortifera? » Une discussion célèbre entre saint
Augustin et saint Jérôme a dû inspirer les vieux artistes;
et la place donnée à saint Paul dans bien des monuments
où il a l’air de primer saint Pierre, n’est qu’une expression
ancienne de ces doctrines. On voulait y montrer l’Église
recrutée surtout parmi les Nations; et ce reste béni, mais
fort restreint, de l’ancien peuple qui avait formé le noyau
primitif du christianisme avec les premiers disciples. Pour
ceux-ci, les pratiques du judaïsme furent tolérées quelque
emps, afin d'enferrer ta Sijnagogue avec honneur.
3. Quand je dis orient, d’une part, et occident, de l’au-
tre, cela signifie au fond le côté de la lumière opposé à
celui de l’ombre ou des ténèbres. Conséquemment, il y a

ieu à quelque modification ou extension, si l’on adopte le
midi comme succédané de l’orient, et le nord (minuit des
Italiens) comme jouant le même rôle que l’occident. J’ai
montré que ces substitutions (ou associations) avaient été
adoptées dans l’Église (cf. Mélanges..., Ire série, t. I, p. 78,
sw.). Mais tenons aussi un certain compte de l’inversion
symbolique qui a transféré le soleil au nord en le faisant
luire définitivement sur les nations (Gentes) jusque-là
plongées dans les ténèbres (cf. Vitraux de Bourges, § 33,
sv.; p. 5Zi, sw.; et § 51, p. 93, sv.; etc.). Ainsi on prenait
l’opposé de l’orientation hébraïque, pour laquelle le nord
était à gauche, le midi à droite; et par conséquent le
lever du soleil en face. Ue la sorte, quoique le Calvaire
soit à l’orient de Jérusalem, plusieurs écrivains ecclésias-
tiques n’auraient pas eu si grand tort d’y voir la vérifica-
tion du texte de Jérémie (xvii, 17) : « Je leur tournerai le
dos et non pas la face » : soit que Notre-Seigneur mourant
eût le visage àl’opposite de l’ancienne cité sainte, confor-
mément à l’orientation nationale; soit qu’il eût les yeux
dirigés vers l’occident (Rome), intervertissant de la sorte
l’appréciation juive des points cardinaux.— Cf. Mélanges...,
Ire série, t. Il, p. 66, sv.
 
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