vous êtes étranger et presque Anglais, l'affaire doit pou-
voir s'arranger.
Je ne vous i'ais pas l'injure de vous proposer un prix.
Fi donc! le véritable artiste travaille pour la gloire, et il
me répugnerait de vous offrir un vil salaire. Je craindrais
trop de vous humilier !
Mais vous serez comblé de ces distinctions honorifiques
qui seules conviennent aux hommes de génie. Ainsi :
1° Vous serez honoré du suffrage public de la cour des
Français, avec éloges dans tous nos journaux officiels et
même dans le Journal des Débats. Je me charge de
m'arranger avec son indépendance.
2° Vous pourrez mettre sur votre enseigne, si vous en
avez une, ou faire graver sur vos cartes de visite : « Fa-
ber, fournisseur d'automates de Sa Majesté le roi des
Français. »
5° Vous aurez en outre la croix d'honneur. Ce n'est
pas, du reste, la première fois que la croix d'honneur
aura servi pour des pantins.
Je compte que ces conditions pourront vous satisfaire.
Je vous les offre avec plaisir ; j'espère que vous les ac-
cepterez de même.
Je vais vous dire quel est notre but ; cela vous don-
nera, mon cher monsieur, une preuve de notre haute
confiance et vous permettra d'ailleurs, s'il y a lieu, de
confectionner ad hoc vos petits bonshommes.
Si vous lisez nos journaux ministériels (ce qui est pro-
bable, puisque vous vous occupez de machines), vous
devez avoir compris ce qui résulte de notre polémique,
à propos de l'incongruité de cet infernal maire du Mans...
Le rouge me monte au visage quand je prononce le nom
de cet homme abhorré... Je lui aurais volontiers jeté
mon gant, si je n'avais une répugnance extrême à jeter
quoi que ce soit qui a une valeur, et notamment quelque
chose qui coûte vingt-neuf sous la paire.
Cette polémique fait clairement voir que, lorsqu'une
autorité quelconque parle au roi ou aux princes, nous
prétendons que ce soit pour leur présenter des homma-
ges et non pour exprimer des vœux et donner des con-
seils. L'éloge est le bien venu, mais la critique est inter-
dite. Bref, pour mieux me faire comprendre, j'ajouterai
que la louange est reçue à la cour comme l'argent à la
Liste-Civile, mais que le langage indépendant est reçu
à la cour comme à la Liste-Civile une facture de créan-
cier. C'est tout dire.
Mais le moyen de rencontrer toujours sur le passage
du roi et des princes la parole exclusivement congratu-
lative que nous désirons ! Nous avons beau mettre le
plus grand soin à choisir de bons maires et de dociles
fonctionnaires, il peut arriver que les choix électifs nous
imposent de pénibles concessions, ou même qu'une, lubie
prenne tout à coup au maire le mieux rallié. En ce cas-
là, gare un discours malséant?... C'est à faire dresser les
cheveux sur la tête de l'illustre auditeur, ce qui est dés-
agréable, car ça use toujours un peu les chapeaux.
La Presse avait bien proposé un moyen qui consiste-
rait en la suppression de tous les discours et réponses ;
mais elle en parle bien à son aise ! Indépendamment de
ce que cela nuirait à l'apparat monarchique et briserait
la chaîne des vieilles traditions, il faut considérer qu'il
y a des gens au château qui aiment à lâcher le petit dis-
cours et qui souffriraient d'être privés de cette dou-
ceur. La belle avance, s'ils allaient être malades de dis-
cours rentrés! La Liste-Civile y perdrait en sirops,
juleps et médecins, plus que l'ordre public n'y pourrait
gagner en sécurité,selon la Presse.
J'ai imaginé, moi, un meilleur moyen, et c'est vous
qui m'avez inspiré cette idée. Si à la place des haran-
gueurs on portait au Château, ou on disséminait sur les
grandes routes quelques-uns de vos automates parlans,
il n'y aurait plus aucun danger à craindre. Ils ne diraient
que ce qu'on voudrait leur faire dire; et même le rédac-
teur, qui fait aujourd'hui la réponse pour les princes,
pourrait faire en même temps le compliment pour l'au-
tomate.
Vos pantins nous serviraient d'ailleurs à beaucoup
d'autres petits usages. Ainsi la camarilla, qui ne veut
que des ministres souples, pourrait substituer au
Cabinet une collection de vos marionnettes dont elle
tiendrait les ficelles. Il est vrai que celle destination p'a
rien d'urgent, les Guizot, Soult, Teste, Duchâtcl, etc., j utiles, liste sur laquelle le G. G. de France, nous le di
pouvant défier les meilleurs automates.
Les ministres qui contestent aux députés fonctionnai-
res le droit de parler autrement que selon la politique du
Cabinet, pourraient les remplacer avantageusement par
vos pantins. Dans l'état naturel, les automates se borne-
raient au vote silencieux réclamé par M. Guizot, et quand
on aurait besoin de la parole conforme, ce serait l'affaire
d'un coup de soufflet.
Vous voyez, mon cher monsieur, que vos automates
nous rendront une foule de petits services, dont le plus
important, je le répète, est de prévenir les accidens du
genre de celui du Mans. Rien que d'y songer, je senti-
rais une sueur froide couler de mon front, si la sueur ne
tachait les effets et n'occasionnait des frais de dégrais-
Je vous ai pailé, mon cher monsieur, en toute fran-
chise. En retour, vous pourrez aussi m'adresser une ré-
ponse franche... de port,
Avec laquelle, etc. montalivet.
VÈcho français a bien raison de s'écrier, de son point
de vue légitimiste : « Le jour de la justice est à la fin venu
pour les populations vendéennes ! » en consignant ces
paroles prononcées par le duc de Nemours en réponse à
un toast du préfet:
« A mon tour, je bois à la prospérité du département
» du Morbihan ! au bonheur de ses populations si jusle-
d ment renommées pour leur modeste énergie, leur anli
k que foi et leur courageuse loyauté VPuissent-elles être
» heureuses autant quelles l'ont mérité ! »
Que, dans une pensée de réconciliation, on oublie les
luttes du passé, c'est fort bien, et M. Trouvé-Chauvel,au
Mans, a parlé dans ce sens avec un rare bonheur ; mais
un prince d'Orléans, en vantant aujourd'hui l'énergie
contre-révolutionnaire de la> Vendée, oublie 1792 pour
ne se souvenir que de 1814. et 1815.
Que va dire à son lils Louis-Philippe,'qui combattait
sous les couleurs et dans tes armées d'où le feu parlait
pour repousser la révolte des Vendéens?
Il eût étésingulièrement]piquant qu'après la réponse
du prince, la musique eût-exécuté l'air :
Soldat du drapeau .(tricolore,
D'Orléans, toi qui îas porté,
Ton sang se mêleijait encore
A celui qu'il nous £ coûté.
ORITIOTE.
Histoire de la franc-maçonnerie et des Sociétés secrètes
anciennes et modernes, par M. F.-T. B. Clavel. —
Pagncrre, éditeur.
Nous avons entendu nier bien des fois, et nous-mêmes
avons nié, sur de vagues indices, que la franc-maçon-
nerie fût une institution sérieuse. A la vérité, nous
avions peine à comprendre comment, dans cette hypo-
thèse, une indigne mystification aurait pu se propager
d'âge en âge et de contrées en contrées, sans que la voix
d'aucun des initiés se fût élevée pour protester contre ce
que l'on appellerait aujourd'hui, dans la langue du Jour-
nal des Débats, une immense floucrie ; il nous répugnait
de soupçonner que des hommes raisonnables et intelli-
gens se donnassent le triste plaisir de raccoler des du-
pes, dans le seul but de se consoler de leur propre dé-
ception. Mais, d'autre part, il nous paraissait difficile de
concilier avec un véritable but d'utilité la fantasmagorie
dont s'entourent les membres de cette société, si célèbre
dans les fastes de presque tous les peuples.
Nous avons donc abordé la lecture de l'ouvrage de M.
Clavel avec une certaine défiance, qui, heureusemenT,
n'a point tardé à se dissiper pour faire place à la curio-
sité et à l'intérêt.
Le formulaire adopté pour la réception des néophytes
indique le but tout fraternel de la société. Cependant les
bonnes intentions seules ne constituent pas le mérite
d'une entreprise ; il faut que les résultats viennent les
justifier. Or celte sanction n'a pas manqué à la franc-
maçonnerie, qui, indépendamment des secours qu'elle
n'a cessé de prodiguer à ses adeptes et à leurs familles,
a fondé sur tous les points du globe de nombreux éta-
blissemens de bienfaisance, des écoles, des hôpitaux pour
les malades et des maisons de refuge pour les vieillards
et les infirmes, En parcourant cette liste de fondations
sons à regret, ne figure que depuis trois ans, on com-
prend que la franc-maçonnerie est autre chose qu'un
prétexte à de vaines cérémonies et à de joyeux banquets.
M. Clavel a soulevé, autant qu'il pouvait le faire sans
enfreindre les réglemeus, le voiie qui couvrait l'initiation
maçonique. Son introduction, dans laquelle il décrit mi-
nutieusement toutes les épreuves que doit subir le nou-
vel adepte, forme à elle seule un ouvrage très digne d'at-
tention et d'un intérêt saisissant.
L'auteur, après avoir dévoilé la partie mystérieuse,
nous trace l'histoire de la société, les différentes phases
de son existence chez les peuples anciens et modernes.
Tout ce qui se rattache à son origine en Egypte est étayé
des autorités les plus nombreuses et les plus solides, et
l'on se ferait difficilement une idée des immenses re-
cherches auxquelles il a dû se livrer pour parvenir à ce
résultat. De la Grande-Bretagne importée en Franco par
les gentilshommes qui suivirent Jacques II dans son exil,
elle fut cajolée, puis combattue par les jésuites, persé-
cutée pendant plus d'un siècle, compromise par les inno-
vations des charlatans et les schismes. Mais toujours flo-
rissante, elle étend ses ramifications sur tout le globe.
Elle compte des adeptes non-seulement chez toutes les
nations européennes, mais en Turquie, en Perse, dans
l'Indoustan, en Afrique, dans les deux Amériques et jus-
qu'au fond de l'Océanie, partout enfin où il y a des hom-
mes généreux et dévoués à l'avenir de la grande famille
humaine.
Après avoir initié le lecteur à tout ce qui concerne la
franc-maçonnerie, M. Clavel jette un coup d'œil rapide
sur l'histoire, les dogmes et les cérémonies de toutes les
sociétés mystérieuses qui ont existé dans le monde à di-
verses époques. L'intérêt qui s'attache à cette partie de
son ouvrage, quoique d'une autre nature, n'en est pour
cela ni moins vif, ni moins heureusement satisfait. Nous
signalerons particulièrement ce qui est relatif aux ini-
tiations du paganisme, à celles des juifs et des premiers
chrétiens, aux sectes mystérieuses de l'islamisme, aux
templiers, aux francs-juges, aux compagnons du devoir,
et aux sociétés politiques modernes.
Le livre de M. Clavel est composé avec méthode, écrit
avec conscience, et clarté, malgré la grande difficulté du
sujet, et rempli de détails généralement inconnus. Les
gravuresjointes.au texte et reproduisant les principales
cérémonies, de la franc-maçonnerie donnent à ce loua-
ble ouvrage un attrait de plus.
Nous lisons avec surprise dans un journal que M. Char-
les Maurice, directeur du Coureur des Spectacles, inten-
te un procès en diffamation 1° à M. Ch. Froment, direc-
teur de VÈcho des Théâtres, pour avoir qualifié l'indus-
trie dudit Charles Maurice comme l'ont déjà fait trois ou
quatre fois les tribunaux ; 2» à M. Albéric Second, notre
collaborateur, pour avoir écrit ces mots dans le Monde
musical: « M. Charles Maurice, notre indigne confrère.»
Pour admettre un seul instant que MM. Charles Fro-
ment et Albéric Second pussent être condamnés, il fau-
drait admettre en même temps que la presse n'a pas le
droit de faire elle-même sa police sur elle-même, saut,
bien entendu, l'action pénale, en cas d'excès ou d'abus.
Mais ici cette action n'est pas à craindre, car, en rappe-
lant les antécédens judiciaires de leur adversaire, nos
collègues prouveront facilement qu'ils n'ont fait que rem-
plir leur devoir de journalistes avec une fermeté dont la
presse pour sa considération et les théâtres pour leur in-
térêt leur seront reconnaissans.
Nous n'avons jamais parlé de M.Charles Maurice,qu une
rude condamnation a frappé dans ces derniers temps. De-
puis que, sous un nouveau baptême, il s'est réintroduit
dans le journalisme nous n'en avons point encore parle,
et nous aurions probablement gardé toujours le même
silence, pensant qu'il aurait eu le temps de comprenne
que son seul rôle était désormais de faire oublier
malheurs du passé par la modestie du présent. Mais lors-
qu'il dirige des poursuites contre des écrivains qui dé-
fendent un intérêt public bien moins qu'ils n'attaque^
un homme, nous devons à ces écrivains un lémoignag
de sympathie qui, exprime unanimement par la presse,
sera devant le tribunal leur meilleur plaidoyer.
M. Bert, ancien rédacteur du Courrier français et du
Commerce,.\yo. des signataires de la protestation desjou -
nalistes contre les ordonnances de 1830 est mort m
la maison de santé de M. Voisin, à Vanvres ; ses obsequt
auront lieu demain vendredi, à midi.
voir s'arranger.
Je ne vous i'ais pas l'injure de vous proposer un prix.
Fi donc! le véritable artiste travaille pour la gloire, et il
me répugnerait de vous offrir un vil salaire. Je craindrais
trop de vous humilier !
Mais vous serez comblé de ces distinctions honorifiques
qui seules conviennent aux hommes de génie. Ainsi :
1° Vous serez honoré du suffrage public de la cour des
Français, avec éloges dans tous nos journaux officiels et
même dans le Journal des Débats. Je me charge de
m'arranger avec son indépendance.
2° Vous pourrez mettre sur votre enseigne, si vous en
avez une, ou faire graver sur vos cartes de visite : « Fa-
ber, fournisseur d'automates de Sa Majesté le roi des
Français. »
5° Vous aurez en outre la croix d'honneur. Ce n'est
pas, du reste, la première fois que la croix d'honneur
aura servi pour des pantins.
Je compte que ces conditions pourront vous satisfaire.
Je vous les offre avec plaisir ; j'espère que vous les ac-
cepterez de même.
Je vais vous dire quel est notre but ; cela vous don-
nera, mon cher monsieur, une preuve de notre haute
confiance et vous permettra d'ailleurs, s'il y a lieu, de
confectionner ad hoc vos petits bonshommes.
Si vous lisez nos journaux ministériels (ce qui est pro-
bable, puisque vous vous occupez de machines), vous
devez avoir compris ce qui résulte de notre polémique,
à propos de l'incongruité de cet infernal maire du Mans...
Le rouge me monte au visage quand je prononce le nom
de cet homme abhorré... Je lui aurais volontiers jeté
mon gant, si je n'avais une répugnance extrême à jeter
quoi que ce soit qui a une valeur, et notamment quelque
chose qui coûte vingt-neuf sous la paire.
Cette polémique fait clairement voir que, lorsqu'une
autorité quelconque parle au roi ou aux princes, nous
prétendons que ce soit pour leur présenter des homma-
ges et non pour exprimer des vœux et donner des con-
seils. L'éloge est le bien venu, mais la critique est inter-
dite. Bref, pour mieux me faire comprendre, j'ajouterai
que la louange est reçue à la cour comme l'argent à la
Liste-Civile, mais que le langage indépendant est reçu
à la cour comme à la Liste-Civile une facture de créan-
cier. C'est tout dire.
Mais le moyen de rencontrer toujours sur le passage
du roi et des princes la parole exclusivement congratu-
lative que nous désirons ! Nous avons beau mettre le
plus grand soin à choisir de bons maires et de dociles
fonctionnaires, il peut arriver que les choix électifs nous
imposent de pénibles concessions, ou même qu'une, lubie
prenne tout à coup au maire le mieux rallié. En ce cas-
là, gare un discours malséant?... C'est à faire dresser les
cheveux sur la tête de l'illustre auditeur, ce qui est dés-
agréable, car ça use toujours un peu les chapeaux.
La Presse avait bien proposé un moyen qui consiste-
rait en la suppression de tous les discours et réponses ;
mais elle en parle bien à son aise ! Indépendamment de
ce que cela nuirait à l'apparat monarchique et briserait
la chaîne des vieilles traditions, il faut considérer qu'il
y a des gens au château qui aiment à lâcher le petit dis-
cours et qui souffriraient d'être privés de cette dou-
ceur. La belle avance, s'ils allaient être malades de dis-
cours rentrés! La Liste-Civile y perdrait en sirops,
juleps et médecins, plus que l'ordre public n'y pourrait
gagner en sécurité,selon la Presse.
J'ai imaginé, moi, un meilleur moyen, et c'est vous
qui m'avez inspiré cette idée. Si à la place des haran-
gueurs on portait au Château, ou on disséminait sur les
grandes routes quelques-uns de vos automates parlans,
il n'y aurait plus aucun danger à craindre. Ils ne diraient
que ce qu'on voudrait leur faire dire; et même le rédac-
teur, qui fait aujourd'hui la réponse pour les princes,
pourrait faire en même temps le compliment pour l'au-
tomate.
Vos pantins nous serviraient d'ailleurs à beaucoup
d'autres petits usages. Ainsi la camarilla, qui ne veut
que des ministres souples, pourrait substituer au
Cabinet une collection de vos marionnettes dont elle
tiendrait les ficelles. Il est vrai que celle destination p'a
rien d'urgent, les Guizot, Soult, Teste, Duchâtcl, etc., j utiles, liste sur laquelle le G. G. de France, nous le di
pouvant défier les meilleurs automates.
Les ministres qui contestent aux députés fonctionnai-
res le droit de parler autrement que selon la politique du
Cabinet, pourraient les remplacer avantageusement par
vos pantins. Dans l'état naturel, les automates se borne-
raient au vote silencieux réclamé par M. Guizot, et quand
on aurait besoin de la parole conforme, ce serait l'affaire
d'un coup de soufflet.
Vous voyez, mon cher monsieur, que vos automates
nous rendront une foule de petits services, dont le plus
important, je le répète, est de prévenir les accidens du
genre de celui du Mans. Rien que d'y songer, je senti-
rais une sueur froide couler de mon front, si la sueur ne
tachait les effets et n'occasionnait des frais de dégrais-
Je vous ai pailé, mon cher monsieur, en toute fran-
chise. En retour, vous pourrez aussi m'adresser une ré-
ponse franche... de port,
Avec laquelle, etc. montalivet.
VÈcho français a bien raison de s'écrier, de son point
de vue légitimiste : « Le jour de la justice est à la fin venu
pour les populations vendéennes ! » en consignant ces
paroles prononcées par le duc de Nemours en réponse à
un toast du préfet:
« A mon tour, je bois à la prospérité du département
» du Morbihan ! au bonheur de ses populations si jusle-
d ment renommées pour leur modeste énergie, leur anli
k que foi et leur courageuse loyauté VPuissent-elles être
» heureuses autant quelles l'ont mérité ! »
Que, dans une pensée de réconciliation, on oublie les
luttes du passé, c'est fort bien, et M. Trouvé-Chauvel,au
Mans, a parlé dans ce sens avec un rare bonheur ; mais
un prince d'Orléans, en vantant aujourd'hui l'énergie
contre-révolutionnaire de la> Vendée, oublie 1792 pour
ne se souvenir que de 1814. et 1815.
Que va dire à son lils Louis-Philippe,'qui combattait
sous les couleurs et dans tes armées d'où le feu parlait
pour repousser la révolte des Vendéens?
Il eût étésingulièrement]piquant qu'après la réponse
du prince, la musique eût-exécuté l'air :
Soldat du drapeau .(tricolore,
D'Orléans, toi qui îas porté,
Ton sang se mêleijait encore
A celui qu'il nous £ coûté.
ORITIOTE.
Histoire de la franc-maçonnerie et des Sociétés secrètes
anciennes et modernes, par M. F.-T. B. Clavel. —
Pagncrre, éditeur.
Nous avons entendu nier bien des fois, et nous-mêmes
avons nié, sur de vagues indices, que la franc-maçon-
nerie fût une institution sérieuse. A la vérité, nous
avions peine à comprendre comment, dans cette hypo-
thèse, une indigne mystification aurait pu se propager
d'âge en âge et de contrées en contrées, sans que la voix
d'aucun des initiés se fût élevée pour protester contre ce
que l'on appellerait aujourd'hui, dans la langue du Jour-
nal des Débats, une immense floucrie ; il nous répugnait
de soupçonner que des hommes raisonnables et intelli-
gens se donnassent le triste plaisir de raccoler des du-
pes, dans le seul but de se consoler de leur propre dé-
ception. Mais, d'autre part, il nous paraissait difficile de
concilier avec un véritable but d'utilité la fantasmagorie
dont s'entourent les membres de cette société, si célèbre
dans les fastes de presque tous les peuples.
Nous avons donc abordé la lecture de l'ouvrage de M.
Clavel avec une certaine défiance, qui, heureusemenT,
n'a point tardé à se dissiper pour faire place à la curio-
sité et à l'intérêt.
Le formulaire adopté pour la réception des néophytes
indique le but tout fraternel de la société. Cependant les
bonnes intentions seules ne constituent pas le mérite
d'une entreprise ; il faut que les résultats viennent les
justifier. Or celte sanction n'a pas manqué à la franc-
maçonnerie, qui, indépendamment des secours qu'elle
n'a cessé de prodiguer à ses adeptes et à leurs familles,
a fondé sur tous les points du globe de nombreux éta-
blissemens de bienfaisance, des écoles, des hôpitaux pour
les malades et des maisons de refuge pour les vieillards
et les infirmes, En parcourant cette liste de fondations
sons à regret, ne figure que depuis trois ans, on com-
prend que la franc-maçonnerie est autre chose qu'un
prétexte à de vaines cérémonies et à de joyeux banquets.
M. Clavel a soulevé, autant qu'il pouvait le faire sans
enfreindre les réglemeus, le voiie qui couvrait l'initiation
maçonique. Son introduction, dans laquelle il décrit mi-
nutieusement toutes les épreuves que doit subir le nou-
vel adepte, forme à elle seule un ouvrage très digne d'at-
tention et d'un intérêt saisissant.
L'auteur, après avoir dévoilé la partie mystérieuse,
nous trace l'histoire de la société, les différentes phases
de son existence chez les peuples anciens et modernes.
Tout ce qui se rattache à son origine en Egypte est étayé
des autorités les plus nombreuses et les plus solides, et
l'on se ferait difficilement une idée des immenses re-
cherches auxquelles il a dû se livrer pour parvenir à ce
résultat. De la Grande-Bretagne importée en Franco par
les gentilshommes qui suivirent Jacques II dans son exil,
elle fut cajolée, puis combattue par les jésuites, persé-
cutée pendant plus d'un siècle, compromise par les inno-
vations des charlatans et les schismes. Mais toujours flo-
rissante, elle étend ses ramifications sur tout le globe.
Elle compte des adeptes non-seulement chez toutes les
nations européennes, mais en Turquie, en Perse, dans
l'Indoustan, en Afrique, dans les deux Amériques et jus-
qu'au fond de l'Océanie, partout enfin où il y a des hom-
mes généreux et dévoués à l'avenir de la grande famille
humaine.
Après avoir initié le lecteur à tout ce qui concerne la
franc-maçonnerie, M. Clavel jette un coup d'œil rapide
sur l'histoire, les dogmes et les cérémonies de toutes les
sociétés mystérieuses qui ont existé dans le monde à di-
verses époques. L'intérêt qui s'attache à cette partie de
son ouvrage, quoique d'une autre nature, n'en est pour
cela ni moins vif, ni moins heureusement satisfait. Nous
signalerons particulièrement ce qui est relatif aux ini-
tiations du paganisme, à celles des juifs et des premiers
chrétiens, aux sectes mystérieuses de l'islamisme, aux
templiers, aux francs-juges, aux compagnons du devoir,
et aux sociétés politiques modernes.
Le livre de M. Clavel est composé avec méthode, écrit
avec conscience, et clarté, malgré la grande difficulté du
sujet, et rempli de détails généralement inconnus. Les
gravuresjointes.au texte et reproduisant les principales
cérémonies, de la franc-maçonnerie donnent à ce loua-
ble ouvrage un attrait de plus.
Nous lisons avec surprise dans un journal que M. Char-
les Maurice, directeur du Coureur des Spectacles, inten-
te un procès en diffamation 1° à M. Ch. Froment, direc-
teur de VÈcho des Théâtres, pour avoir qualifié l'indus-
trie dudit Charles Maurice comme l'ont déjà fait trois ou
quatre fois les tribunaux ; 2» à M. Albéric Second, notre
collaborateur, pour avoir écrit ces mots dans le Monde
musical: « M. Charles Maurice, notre indigne confrère.»
Pour admettre un seul instant que MM. Charles Fro-
ment et Albéric Second pussent être condamnés, il fau-
drait admettre en même temps que la presse n'a pas le
droit de faire elle-même sa police sur elle-même, saut,
bien entendu, l'action pénale, en cas d'excès ou d'abus.
Mais ici cette action n'est pas à craindre, car, en rappe-
lant les antécédens judiciaires de leur adversaire, nos
collègues prouveront facilement qu'ils n'ont fait que rem-
plir leur devoir de journalistes avec une fermeté dont la
presse pour sa considération et les théâtres pour leur in-
térêt leur seront reconnaissans.
Nous n'avons jamais parlé de M.Charles Maurice,qu une
rude condamnation a frappé dans ces derniers temps. De-
puis que, sous un nouveau baptême, il s'est réintroduit
dans le journalisme nous n'en avons point encore parle,
et nous aurions probablement gardé toujours le même
silence, pensant qu'il aurait eu le temps de comprenne
que son seul rôle était désormais de faire oublier
malheurs du passé par la modestie du présent. Mais lors-
qu'il dirige des poursuites contre des écrivains qui dé-
fendent un intérêt public bien moins qu'ils n'attaque^
un homme, nous devons à ces écrivains un lémoignag
de sympathie qui, exprime unanimement par la presse,
sera devant le tribunal leur meilleur plaidoyer.
M. Bert, ancien rédacteur du Courrier français et du
Commerce,.\yo. des signataires de la protestation desjou -
nalistes contre les ordonnances de 1830 est mort m
la maison de santé de M. Voisin, à Vanvres ; ses obsequt
auront lieu demain vendredi, à midi.