LE CHARIVARI
tout simplement un mot d’ordre donné par des
chefs révolutionnaires, suffiront à vous jeter sou-
dainement sur la place de la Concorde, sur les
quais, aux Champs-Elysées des foules de deux cent
mille individus. Qui.de nous ne se rappelle l’enter-
rement de Victor Noir? »
Sans nous arrêter à la beauté de l’expression : j
un incident sulfureux, constatons que le souvenir i
de l’enterrement de Victor Noir est des plus mal
choisis.
Les deux cent mille individus (comme dit le Con-
stitutionnel ) ne se réunirent pas autour de la
Chambre, mais à Neuilly.
Un nombre relativement trè3 peu considérable
de personnes redescendit l’avenue des Champs-
Elysées, regagnant Paris après les obsèques.
Le Corps législatif n’avait absolument rien à voir
dans l’affaire.
Il aurait siégé à Carpentras, que l’émotion pro-
duite par le meurtre n’aurait pas été moins vive,
qu’on n’en aurait pas moins fait cortège au cercueil
de la victime.
C’est Victor Hugo qui, jeudi, sera un des par-
rains de M. Renan, le nouveau récipiendaire.
On n’a pas vu, depuis bien longtemps, Victor
Hugo figurer officiellement dans une cérémonie
académique.
—D «5® S'-
il paraît certain que le cardinal Hohenlohe va
être nommé évêque de Frascati.
Le Vatican fait risette à la Prusse.
A propos de cardioaux , une anecdote rétrospec-
tive.
En ce temps-là, M. Dupanloup se déménail fort.
L’irascibie prélat récriminait violemment contre
Rome, qui lui faisait si longtemps attendre le car-
dinalat.
Il eut même une entrevue avec le nonce, entre-
vue où il se plaignit en termes très acerbes.
Le lendemain, le nonce racontait l’entretien à un
diplomate français.
Et avec un sourire :
— Quand on a la tête si près du bonnet, on l’a
toujours loin du chapeau.
Zigzag.
m NOUVEAU CORDON SANITAIRE
On dit et sans horreur, je ne puis le redire, que
les puissances voisines de la France, inquiètes de
l’expulsion prochaine de nos jésuites, vont s’en-
tendre pour établir un cordon sanitaire dans le but
LE SINGE
(Souvenir de la Mi-Carême.)
Oscar Duhamel est un modeste employé d’une com-
pagnie financière.
Tous les jours il est à son bureau à neuf heures du
matin et ne le quitte qu’à six heures et demie.
C’est le modèle des employés. 11 n’a jamais pris un
seul jour de congé, pas même pour avaler au printemps
soixante grammes d’huile ,de ricin. Il se purge le di-
manche.
Ses chefs sont enchantés de lui et lui ont promis de
l’avancement.
Le jour de la mi-carême, Oscar se dit :
— Je ne prends aucune distraction, et je voudrais
bien m’amuser une fois, je serais heureux d’ètre un
joyeux vivant pendant une nuit seulement. Je ne vois
pas pourquoi je ne me paierais pas une partie de plaisir.
Il y a ce soir un bal masqué à Valentino, j’irai et en
costume encore.
Et Oscar cherche dans le tiroir de son secrétaire toutes
les économies qu’il a pu réaliser pendant le courant du
mois. Il trouve cinquante-sept francs.
Il se rend chez un costumier qui lui exhibe des mous-
quetaires, des pierrots, des arlequins.
— Un arlequin me conviendrait, dit-il, mais ça n’est
pas suffisamment comique.
d’empêcher l’introduction de cette peste noire chez
eux.
La Belgique a déjà commencé.
Four exporter notre marchandise avariée, nous
serons forcés de l’embarquer et de la déposer sur
une plage absolument déserte, si nous tenons à
nous en débarrasser.
Et il est impossible d’y tenir davantage.
Cependant, en tournant la difficulté, en rusant,
nous devons arriver à écouler nos révérends sans
les exposer à claquer sur des bords inhospitaliers.
Voici ce que j’ai l’honneur de proposer aux com-
missaires chargés de l’exporlation.
Proposition basée sur des faits qui ne manquent
jamais de se produire chez nous à chaque commo-
tion politique un tant soit peu sérieuse.
Je m’explique.
Quel est le costume choisi de préférence par tout
iüdividu ayant intérêt à passer la frontière sans
être reconnu ni pincé à la sortie ?
Vous le savez comme moi, c’est celui de prêtre:
il inspire généralement aux gendarmes une con-
fiance absolue.
Les fugues les mieux réussies ont été exécutées
sous le couvert de i’uuiforme clérical.
Mais, dans l’espèce, il ne saurait être question de
lui. Ce serait courir de gaieté de cœur au devant
d’une rebuffade, d’un demi-tour à droite commandé
par les brigadiers belges, suisses ou allemands.
Il faut donc prendre la contre-partie de ce mode
d’évasion.
Chaque bon père devra être porteur d’une fausse
barbe, aussi mal peignée que possible, d’un cha-
peau mou, ou d’un Crédit Mobilier — casquette de
soie à haute forme — et d’une blouse blanche sur-
montée d’un cache-nez écarlate.
En un mot s’éloigner complètement de la soutane
et du bonnet carré.
Ainsi transformé, l’extradé devra, en outre, don-
ner à son langage le tour pittoresque et animé des
personnages favoris deM. Zola.
Exemple.
Le jésuite est arrivé à la frontière. Le commis-
saire de police de la localité s’avance gracieusement
vers lui.
— Vos papiers, monsieur.
L’interpellé répond aussitôt : — De quoi? de
quoi?... Des nètles !
— Mille pardons, répliquera l’autorité. Il ne s'agit
point ici du fruit de cet arbrisseau, genre de la fa-
mille des pooacées, détachée jde celle des rosacées,
mais bien d’une feuille de papier, ordinairement
pliée en quatre, contenant votre signalement : pré-
noms, nom, qualité, et plus connue sous la désigna-
tion vulgaire de passeport.
— Avez-vous fini ? Est-ce que vous ne l’avez pas
mon signalement en louchant ma binette? Quant au
reste, voilà : Bibi, dit Monseigneur, i\t Passe-par-
tout, eétéra, cétéra.
— Très bien. Votre état maintenant?
— Ouvrier en femmes; soutien de l’innocence
opprimée par la Rousse.
Il est évident que le quart-d’œil... pardon !... je
— Nous avons un singe.
— Un singe !... G’eât parfait.
— Voulez-yous l’essayer?
— Mais certainement.
Il endosse ce costume qui lui va comme s’il avait été
été fait pour lui.
— Maintenant, mettez ce masque.
— Brrr...! je me fais peur ainsi, so dit Oscar en se re-
gardant dans une glace.
— Mais vous êtes très réussi.
— Combien me louez-vous cela ?
— Vingt francs.
— Bigre! c’est cher pour une nuit.
Vous pouvez le mettre tout de -suite et ne me le
rapporter que demain matin.
— Tiens, c’est une idée. Grâce à ce masque, je ne se-
rai pas reconnu. Et je vais pouvoir me distraire toute
la journée. Je me promènerai sur l’impériale de l’om-
nibus, je pousserai même jusqu’au jardin des Plantes
pour prendre des leçons des singes.
— Faut-il payer d’avance ?
— C’est, inutile.
— Mais vous ne méconnaissez pas.
— Je ne suis pas inquiet, puisque je garde vos vête-
ments.
— Vous avez raison, cela me dispensera de les rem-
porter chez moi : et demain matin, à la première heure,
je viendrai remettre ma toilette de ville pour me rendre
à mon bureau. De cette façon, je ne m’embarrasserai
pas de paquets.
commissaire de police le plus soupçonneux ne re-
connaîtra jamais un jésuite cultivé sous cette ru-
gueuse enveloppe.
Le passage lui sera donc livré immédiatement.
Mais, me direz-vous, si le hou père, vexé de son
expulsion, ne se prête pas à cette petite comédie de
salon? Au lieu de dissimuler, s’il décline sa qualité
de sociétaire duGesù... Gomment vous en tirerez-
vous?
Mon Dieu! d’uoe façon bien simple. Le jésuite,
refusé à la douane, sera aussitôt réintégré rue des
Postes. Seulement, là, au lieu de professer, il re-
cevra des leçons de positivisme données par
M. Littré.
La Vie de Jésus, par Renan, remplacera son bré-
viaire. Il expliquera, commentera, amplifiera —
avec connaissance de cause — les Provinciales du
nommé Biaise Pascal et complétera enfin son édu-
cation de libre penseur par une déclaration en
forme contre le Syllabus, F Immaculée Conception et
l’infailibilité du pape.
Soumis à ce régime... corsé, il y a lieu de croire
qu’il ne résistera pas plus longtemps et qu’il sera
le premier à demander sa fausse barbe, sa blouse
et son Crédit mobilier pour aller chercher fortune
ailleurs; chez les Zoulous ou chez les Canaques,
où nos vœux ne l’accompagneront., que pour l’em-
pêcher de revenir.
Louis Leroy.
--
CHRONIQUE DD JOUR
« Croyez-nous, arrêtez la guerre. Vous n’êtes pas en
nombre. »
A qui s’adressent ces paroles?
Aux partisans du projet Ferry.
Et qui les prononce? Des Houx, le joyeux Des Houx.
Le rédacteur en chef do la Civilisation a fait le compte
des Français qui pensent comme îui, et voici ce qu’il a
trouvé : *
Ultramontains, trente millions,
Esprits libéraux, quatre cents.
Dans de pareilles conditions, le gouvernement, s'il
en croit M. des Houx, renoncera à la lutte contre les
congrégations I10Q autorisées.
Vous verrez que le gouvernement aura l’impertinence
de ne pas l’en croire.
La fanfaronnade qui suit couronnedignement toutes
les autres :
e Nous sommes venus à bout de Voltairel s’écrie su-
perbement le joyeux des Houx ; nous viendrons bien à
bout de M. Ferry, »
Précieuse nonvelle ! Grand fait ignoré !
M. des Houx est venu à bout de Voltaire.
Qn’on se le dise I
Le mois qui vient de s’écouler est consacré par l’é-
glise moderne aux glorieux saint Joseph.
Je n’en veux point laisser passer le dernier jour sans
révéler la conduite extraordinaire d’une dame pieuse
qui ne se contente pas de témoigner de son admiration
pour Joseph en affligeant tous ses filleuls de ce nom...
malheureux, mais qui, par-dessus le marché, conjure
[ Il monte sur l’impériale de l’omnibus qui conduit à
I la Bastille, à la grande joie des gamins qui courent
après lui en criant à la chienlit.
Mais, ô hasard ! il prend place à côté de son chef de
bureau, un brave homme, mais un homme qui n’aime
pas la plaisanterie.
— Bast ! Tant pis, se dit Oscar sans s’émouvoir, je
n'ai rien à craindre, puisque je suis masqué il ne me
reconnaîtra pas. Je puis même profiter de l’occasion
pour lui faire quelques farces.
Il s’approche de son chef et fait semblant de lui cher-
cher des puces sur l’étoffe de son paletot.
Cette scène met en joie tous les voyageurs de l’impé-
riale ; mais l’homme austère ne parait pas trouver ça
drôle,
— Laissez-moi tranquille, dit-il à Oscar ; je n’aime
pas à plaisanter avec les gens que je ne connais pas.
— Mais si, je te connais; tu te nommes Benjamin
Ducrochet et tu as quitté ta femme parce qu’elle te
faisait des tours.
— Affreux singe, je vous défends d’entrer dans ma
vie privée.
— De quoi !... on se fâche ?
Et il farfouille celte fois dans les cheveux de son
chef qui, furieux, descend aussitôt de l’omnibus.
— Bravo ! Jocko, crient tous les voyageurs que cette
scène a divertis.
Oscar arrive au Jardin des Plantes, où son entrée
produit un grand effet.
tout simplement un mot d’ordre donné par des
chefs révolutionnaires, suffiront à vous jeter sou-
dainement sur la place de la Concorde, sur les
quais, aux Champs-Elysées des foules de deux cent
mille individus. Qui.de nous ne se rappelle l’enter-
rement de Victor Noir? »
Sans nous arrêter à la beauté de l’expression : j
un incident sulfureux, constatons que le souvenir i
de l’enterrement de Victor Noir est des plus mal
choisis.
Les deux cent mille individus (comme dit le Con-
stitutionnel ) ne se réunirent pas autour de la
Chambre, mais à Neuilly.
Un nombre relativement trè3 peu considérable
de personnes redescendit l’avenue des Champs-
Elysées, regagnant Paris après les obsèques.
Le Corps législatif n’avait absolument rien à voir
dans l’affaire.
Il aurait siégé à Carpentras, que l’émotion pro-
duite par le meurtre n’aurait pas été moins vive,
qu’on n’en aurait pas moins fait cortège au cercueil
de la victime.
C’est Victor Hugo qui, jeudi, sera un des par-
rains de M. Renan, le nouveau récipiendaire.
On n’a pas vu, depuis bien longtemps, Victor
Hugo figurer officiellement dans une cérémonie
académique.
—D «5® S'-
il paraît certain que le cardinal Hohenlohe va
être nommé évêque de Frascati.
Le Vatican fait risette à la Prusse.
A propos de cardioaux , une anecdote rétrospec-
tive.
En ce temps-là, M. Dupanloup se déménail fort.
L’irascibie prélat récriminait violemment contre
Rome, qui lui faisait si longtemps attendre le car-
dinalat.
Il eut même une entrevue avec le nonce, entre-
vue où il se plaignit en termes très acerbes.
Le lendemain, le nonce racontait l’entretien à un
diplomate français.
Et avec un sourire :
— Quand on a la tête si près du bonnet, on l’a
toujours loin du chapeau.
Zigzag.
m NOUVEAU CORDON SANITAIRE
On dit et sans horreur, je ne puis le redire, que
les puissances voisines de la France, inquiètes de
l’expulsion prochaine de nos jésuites, vont s’en-
tendre pour établir un cordon sanitaire dans le but
LE SINGE
(Souvenir de la Mi-Carême.)
Oscar Duhamel est un modeste employé d’une com-
pagnie financière.
Tous les jours il est à son bureau à neuf heures du
matin et ne le quitte qu’à six heures et demie.
C’est le modèle des employés. 11 n’a jamais pris un
seul jour de congé, pas même pour avaler au printemps
soixante grammes d’huile ,de ricin. Il se purge le di-
manche.
Ses chefs sont enchantés de lui et lui ont promis de
l’avancement.
Le jour de la mi-carême, Oscar se dit :
— Je ne prends aucune distraction, et je voudrais
bien m’amuser une fois, je serais heureux d’ètre un
joyeux vivant pendant une nuit seulement. Je ne vois
pas pourquoi je ne me paierais pas une partie de plaisir.
Il y a ce soir un bal masqué à Valentino, j’irai et en
costume encore.
Et Oscar cherche dans le tiroir de son secrétaire toutes
les économies qu’il a pu réaliser pendant le courant du
mois. Il trouve cinquante-sept francs.
Il se rend chez un costumier qui lui exhibe des mous-
quetaires, des pierrots, des arlequins.
— Un arlequin me conviendrait, dit-il, mais ça n’est
pas suffisamment comique.
d’empêcher l’introduction de cette peste noire chez
eux.
La Belgique a déjà commencé.
Four exporter notre marchandise avariée, nous
serons forcés de l’embarquer et de la déposer sur
une plage absolument déserte, si nous tenons à
nous en débarrasser.
Et il est impossible d’y tenir davantage.
Cependant, en tournant la difficulté, en rusant,
nous devons arriver à écouler nos révérends sans
les exposer à claquer sur des bords inhospitaliers.
Voici ce que j’ai l’honneur de proposer aux com-
missaires chargés de l’exporlation.
Proposition basée sur des faits qui ne manquent
jamais de se produire chez nous à chaque commo-
tion politique un tant soit peu sérieuse.
Je m’explique.
Quel est le costume choisi de préférence par tout
iüdividu ayant intérêt à passer la frontière sans
être reconnu ni pincé à la sortie ?
Vous le savez comme moi, c’est celui de prêtre:
il inspire généralement aux gendarmes une con-
fiance absolue.
Les fugues les mieux réussies ont été exécutées
sous le couvert de i’uuiforme clérical.
Mais, dans l’espèce, il ne saurait être question de
lui. Ce serait courir de gaieté de cœur au devant
d’une rebuffade, d’un demi-tour à droite commandé
par les brigadiers belges, suisses ou allemands.
Il faut donc prendre la contre-partie de ce mode
d’évasion.
Chaque bon père devra être porteur d’une fausse
barbe, aussi mal peignée que possible, d’un cha-
peau mou, ou d’un Crédit Mobilier — casquette de
soie à haute forme — et d’une blouse blanche sur-
montée d’un cache-nez écarlate.
En un mot s’éloigner complètement de la soutane
et du bonnet carré.
Ainsi transformé, l’extradé devra, en outre, don-
ner à son langage le tour pittoresque et animé des
personnages favoris deM. Zola.
Exemple.
Le jésuite est arrivé à la frontière. Le commis-
saire de police de la localité s’avance gracieusement
vers lui.
— Vos papiers, monsieur.
L’interpellé répond aussitôt : — De quoi? de
quoi?... Des nètles !
— Mille pardons, répliquera l’autorité. Il ne s'agit
point ici du fruit de cet arbrisseau, genre de la fa-
mille des pooacées, détachée jde celle des rosacées,
mais bien d’une feuille de papier, ordinairement
pliée en quatre, contenant votre signalement : pré-
noms, nom, qualité, et plus connue sous la désigna-
tion vulgaire de passeport.
— Avez-vous fini ? Est-ce que vous ne l’avez pas
mon signalement en louchant ma binette? Quant au
reste, voilà : Bibi, dit Monseigneur, i\t Passe-par-
tout, eétéra, cétéra.
— Très bien. Votre état maintenant?
— Ouvrier en femmes; soutien de l’innocence
opprimée par la Rousse.
Il est évident que le quart-d’œil... pardon !... je
— Nous avons un singe.
— Un singe !... G’eât parfait.
— Voulez-yous l’essayer?
— Mais certainement.
Il endosse ce costume qui lui va comme s’il avait été
été fait pour lui.
— Maintenant, mettez ce masque.
— Brrr...! je me fais peur ainsi, so dit Oscar en se re-
gardant dans une glace.
— Mais vous êtes très réussi.
— Combien me louez-vous cela ?
— Vingt francs.
— Bigre! c’est cher pour une nuit.
Vous pouvez le mettre tout de -suite et ne me le
rapporter que demain matin.
— Tiens, c’est une idée. Grâce à ce masque, je ne se-
rai pas reconnu. Et je vais pouvoir me distraire toute
la journée. Je me promènerai sur l’impériale de l’om-
nibus, je pousserai même jusqu’au jardin des Plantes
pour prendre des leçons des singes.
— Faut-il payer d’avance ?
— C’est, inutile.
— Mais vous ne méconnaissez pas.
— Je ne suis pas inquiet, puisque je garde vos vête-
ments.
— Vous avez raison, cela me dispensera de les rem-
porter chez moi : et demain matin, à la première heure,
je viendrai remettre ma toilette de ville pour me rendre
à mon bureau. De cette façon, je ne m’embarrasserai
pas de paquets.
commissaire de police le plus soupçonneux ne re-
connaîtra jamais un jésuite cultivé sous cette ru-
gueuse enveloppe.
Le passage lui sera donc livré immédiatement.
Mais, me direz-vous, si le hou père, vexé de son
expulsion, ne se prête pas à cette petite comédie de
salon? Au lieu de dissimuler, s’il décline sa qualité
de sociétaire duGesù... Gomment vous en tirerez-
vous?
Mon Dieu! d’uoe façon bien simple. Le jésuite,
refusé à la douane, sera aussitôt réintégré rue des
Postes. Seulement, là, au lieu de professer, il re-
cevra des leçons de positivisme données par
M. Littré.
La Vie de Jésus, par Renan, remplacera son bré-
viaire. Il expliquera, commentera, amplifiera —
avec connaissance de cause — les Provinciales du
nommé Biaise Pascal et complétera enfin son édu-
cation de libre penseur par une déclaration en
forme contre le Syllabus, F Immaculée Conception et
l’infailibilité du pape.
Soumis à ce régime... corsé, il y a lieu de croire
qu’il ne résistera pas plus longtemps et qu’il sera
le premier à demander sa fausse barbe, sa blouse
et son Crédit mobilier pour aller chercher fortune
ailleurs; chez les Zoulous ou chez les Canaques,
où nos vœux ne l’accompagneront., que pour l’em-
pêcher de revenir.
Louis Leroy.
--
CHRONIQUE DD JOUR
« Croyez-nous, arrêtez la guerre. Vous n’êtes pas en
nombre. »
A qui s’adressent ces paroles?
Aux partisans du projet Ferry.
Et qui les prononce? Des Houx, le joyeux Des Houx.
Le rédacteur en chef do la Civilisation a fait le compte
des Français qui pensent comme îui, et voici ce qu’il a
trouvé : *
Ultramontains, trente millions,
Esprits libéraux, quatre cents.
Dans de pareilles conditions, le gouvernement, s'il
en croit M. des Houx, renoncera à la lutte contre les
congrégations I10Q autorisées.
Vous verrez que le gouvernement aura l’impertinence
de ne pas l’en croire.
La fanfaronnade qui suit couronnedignement toutes
les autres :
e Nous sommes venus à bout de Voltairel s’écrie su-
perbement le joyeux des Houx ; nous viendrons bien à
bout de M. Ferry, »
Précieuse nonvelle ! Grand fait ignoré !
M. des Houx est venu à bout de Voltaire.
Qn’on se le dise I
Le mois qui vient de s’écouler est consacré par l’é-
glise moderne aux glorieux saint Joseph.
Je n’en veux point laisser passer le dernier jour sans
révéler la conduite extraordinaire d’une dame pieuse
qui ne se contente pas de témoigner de son admiration
pour Joseph en affligeant tous ses filleuls de ce nom...
malheureux, mais qui, par-dessus le marché, conjure
[ Il monte sur l’impériale de l’omnibus qui conduit à
I la Bastille, à la grande joie des gamins qui courent
après lui en criant à la chienlit.
Mais, ô hasard ! il prend place à côté de son chef de
bureau, un brave homme, mais un homme qui n’aime
pas la plaisanterie.
— Bast ! Tant pis, se dit Oscar sans s’émouvoir, je
n'ai rien à craindre, puisque je suis masqué il ne me
reconnaîtra pas. Je puis même profiter de l’occasion
pour lui faire quelques farces.
Il s’approche de son chef et fait semblant de lui cher-
cher des puces sur l’étoffe de son paletot.
Cette scène met en joie tous les voyageurs de l’impé-
riale ; mais l’homme austère ne parait pas trouver ça
drôle,
— Laissez-moi tranquille, dit-il à Oscar ; je n’aime
pas à plaisanter avec les gens que je ne connais pas.
— Mais si, je te connais; tu te nommes Benjamin
Ducrochet et tu as quitté ta femme parce qu’elle te
faisait des tours.
— Affreux singe, je vous défends d’entrer dans ma
vie privée.
— De quoi !... on se fâche ?
Et il farfouille celte fois dans les cheveux de son
chef qui, furieux, descend aussitôt de l’omnibus.
— Bravo ! Jocko, crient tous les voyageurs que cette
scène a divertis.
Oscar arrive au Jardin des Plantes, où son entrée
produit un grand effet.