SAMEDI lor MARS 1879
quarante-huitième année
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Trois mois.. — fr.
Six mois . JP
Üjj an. ,z ”
Les abonnements parlent des <“ et is de chaque moii,
DIRECTION
Politique, Littéraire et Artistique
PIERRE VÉRON
Rédacteur en CJief.
BUREAUX
de la rédaction et de l’administration
Rue de la Victoire, 20
Prix du Numéro s 25 centimes
ABONNEMENTS
DÉPARTEMENTS
Trois mois. 20 ÎK
Six mois. 40 —
Un an. 80 —
L’abonnement d un an donne droit à la prime gretie>
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Politique, Littéraire et Artistique
PIERRE VÉRON
Rédacteur en Chef.
ANNONCES
ADOLPHE EW1G, FERMIER DE LA PUBLICITÉ
Rue Fléchier, 2.
CHARIVARI
Les souscripteur» rïout l'abonneiRcnteipli c
le 28 février sont priés de le renouveler
immédiatement s’ils ne veulent pas éprouver
d’interruption dans l’envoi du journal.
BULLETIN POLITIQUE
Reviendront-elles
Les hirondelles?
C’est des hirondelles parlementaires qu’il s’agit.
Il y a quinze jours la question paraissait résolue.
Aujourd’hui les timorés sont parvenus à éveiller
certaines appréhentions qui suivent un crescendo
rossinieo.
Ces tergiversations manquent à la fois de logique
et de dignité.
Une assemblée ne doit pas avoir l’air de ne pas
savoir ce qu’e’le veut. Qu’elle ouvre donc la porte
ou qu’elle la ferme.
Nous avons déjà expliqué pourquoi le retour à
Paiis doit se faire avec une solennité légale.
C’est une sorte de réhabilitation qu’on accordera
à la capitale, trop longtemps mise en interdit.
Comment, du temps même de M. Thiers, M. Ca-
simir Périer, qu’on ne saurait accuser de radicalisme
effréné, réclamait le retour à Paris,
Et aujourd’hui, la République étant fondée, on
se montrerait moins libéral?
C’est impossible.
Ce qui nous semble impossible aussi, c’est de
faire la chose subrepticement, en tournant la Con-
stitution.
Tel est cependant, à en croire des renseignements
que répètent les correspondances de province, le
plan auquel on voulait s’arrêter.
La question du retour ne serait pas posée au
Congrès.
D’une part en effet, dit-on, le Sénat est peu favo-
rable à ce projet; d’autre part, le centre gauche y
est opposé, et, en s’unissant aux gauches de la
Chambre haute (dans le cas où celles-ci consenti-
raient à demander la révisision de l’arlicle de la
Constitution qui fixe le siège du gouvernement à
ersaiiles), il formerait une majorité en faveur du
untien de l’état de choses actuel.
Ce serait donc par une simple motion d’ordre
.ntérieur que l’on déciderait le retour de la Chambre
ae.s députés à Paris. Celle-ci suspendrait très pro-
ablement ses séances du 1S mars au 5 mai pour
‘laisser à la commission du budget le temps néces-
saire pour terminer ses travaux; dans ce cas, la
Chambre déciderait, à la veille de ses vacances,
que le 5 mai elle se îéunirait à Paris, au Corps lé-
gislatif. Dans le cas où on ne prendrait aux appro-
ches de Pâques, que le congé habituel, le retour à
Paris s’effectuerait au lendemain de cette courte
suspension des séances.
Sincèrement nous goûtons peu ces procédés d’es-
camotage.
Quand une constitution est tirée, il faut la boire...
ou avoir le courage de la modifier.
On a donc bien fait de renvoyer aux calendes
grecques la proposition Laroche-Joubert.
Le retour à Paris subreptice serait parfaitement
illégal. Plus tard, les ennemis de la République
s’autoriseraient de cette première violation com-
mise par des républicains pour justifier leurs atten-
tats.
Il est toujours téméraire de donner le premier
coup de canif dans le contrat. Il s’en va vite en
BQOT'fiAa.TlX PTTOUiifp
Quelle dignité aurait-elle, d’ailleurs, cette ren-
trée par la petite porte ?
Ce n’est pas furtivement que Paris doit redevenir
la capitale politique du pays.
La franchise aura un autre avantage.
Elle permettra de prévoir publiquement et réso-
lûment le cas où le parlement menacé aurait le
droit de retourner à Versailles chercher la sécurité
que la turbulence parisienne lui refuserait.
Rien de plus simple que de déclarer préventive-
ment que la Chambre des députés, aussi bien que le
Sénat, resterait maîtresse, en cas d’agitation pé-
rilleuse ou de débats inquiétants, de reprendre ses
délibérations dans le calme des solitudes versail-
laises.
Paris serait ainsi prévenu et ne pourrait s’en
prendre qu’à lui-même s’il rendait ce nouveau dé-
part nécessaire.
De toute façon, à quelque point de vue qu’on se
place, le retour à Paris doit être ou décidé ou re-
poussé par les voies légales.
Quand les représentants de la France reprennent
possession de leur palais, ils ne peuvent pas mon-
ter par l’escalier de service.
Pierre Véron.
—-«3*.-
LOUIS BLANC
On a édité et réédité trop de faciles quolibets sur
la taille de Louis Blanc pour qu’il soit nécessaire
de constater sa petitesse.
Il a d’ailleurs de quoi se consoler en songeant
qu’on ne pourrait peut-être pas citer trois exem-
ples d’hommes de génie ayant été remarquables
par leur haute stature.
Voyez :
Napoléon Ier, petit ;
Thiers, petit ;
Victor Hugo, petit.
Passons.
Louis Blanc a doublé le cap de la soixantaine.
Il a cependant, à quelque distante, conservé un
aspect quasi juvénile.
Quand on s’approche, dame, on est bien forcé de
constater que Y irréparable outrage se fait sentir
çà et là.
Mais il n’en est pas moins fort surprenant de
conservation, ce travailleur qui s’est dépensé dans
tant de luttes, qui souvent tournèrent au drame.
Le visage, soigneusement rasé, est, comme le
corps, de proportions minimes.
Petit nez s’effilant du bout, bouche étroite, yeux
pointus pour ainsi dire.
L’impression ressentie est sympathique, mais
sans entraînement soudain.
On sent bien qu’on a affaire à quelqu’un ; toute-
fois on a besoin d une plus ample information.
Ce qui n’est pas long à attendre.
Car dès que Louis Blanc parle, on est conquis
tout entier.
D’une modération de forme qui égale la ténacité
opiniâtre de ses idées, jamais il n’a d’exaltation
véhémente.
Jamais non plus il ne cède un pouce de terrain
dans une discussion, — même intime.
Il accueille avec une courtoisie parfaite l’objec-
tion qu’on lui fait. Il écoute avec une irréprochable
conscience.
Vous croyez l’avoir persuadé.
Erreur.
Doucement, de sa même voix pénétrante, il re-
prend sa thèse comme si de rien n’était.
La parole est recherchée, aussi bien dans la con-
versation que dans un débat oratoire.
On sent l’homme qui a l’habitude de se châtier la
plume à la main.
Correct en tout et avant tout : dans , sa tenue,
d’un noir permanent ; dans son style, qui défie
Vaugelas ; dans son langage, qui va droit à l’ex-
pression juste.
L’esprit d’observation est chez lui plus puissant,
je crois, que l’esprit de conception.
Rappelez-vous ses admirables lettres sur l’An-
gleterre, écrites au jour le jour pour le Temps.
Cela avait une netteté de vue que ses théories
n’ont peut-être pas toujours eue au même degré.
Comme historien, son éloge n’est plus à faire.
Il sait regarder une époque, de même qu’il sait
regarder une nation.
Tout ceci n’est pas dit par nous pour la première
fois, nous ne l’ignorons pas.
Mais il y a un pourquoi au croquis que nous es-
sayons ici.
Un pourquoi d’actualité.
L’Académie française a une place de lettré et de
journaliste à donner.
Le fauteuil de M. de Sacy est vacant.
Et divers noms ont été mis en avant déjà.
Comment, avant et par-dessus tons les autres,
celui de Louis Blanc n’a-til pas été prononcé?
Il serait de ceux qui referaient un prestige à l’ins-
titution, si la chose est possible encore.
Devant une telle candidature, nous ne voyons pas
quelle autre pourrait avoir l’audace de se poser ou
de se maintenir.
Ajoutons que Louis Blanc a, dans le grand et
haut sens du mot, un talent académique entre
tous.
■ ) Il serait donc chez lui sous le dôme connu.
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immédiatement s’ils ne veulent pas éprouver
d’interruption dans l’envoi du journal.
BULLETIN POLITIQUE
Reviendront-elles
Les hirondelles?
C’est des hirondelles parlementaires qu’il s’agit.
Il y a quinze jours la question paraissait résolue.
Aujourd’hui les timorés sont parvenus à éveiller
certaines appréhentions qui suivent un crescendo
rossinieo.
Ces tergiversations manquent à la fois de logique
et de dignité.
Une assemblée ne doit pas avoir l’air de ne pas
savoir ce qu’e’le veut. Qu’elle ouvre donc la porte
ou qu’elle la ferme.
Nous avons déjà expliqué pourquoi le retour à
Paiis doit se faire avec une solennité légale.
C’est une sorte de réhabilitation qu’on accordera
à la capitale, trop longtemps mise en interdit.
Comment, du temps même de M. Thiers, M. Ca-
simir Périer, qu’on ne saurait accuser de radicalisme
effréné, réclamait le retour à Paris,
Et aujourd’hui, la République étant fondée, on
se montrerait moins libéral?
C’est impossible.
Ce qui nous semble impossible aussi, c’est de
faire la chose subrepticement, en tournant la Con-
stitution.
Tel est cependant, à en croire des renseignements
que répètent les correspondances de province, le
plan auquel on voulait s’arrêter.
La question du retour ne serait pas posée au
Congrès.
D’une part en effet, dit-on, le Sénat est peu favo-
rable à ce projet; d’autre part, le centre gauche y
est opposé, et, en s’unissant aux gauches de la
Chambre haute (dans le cas où celles-ci consenti-
raient à demander la révisision de l’arlicle de la
Constitution qui fixe le siège du gouvernement à
ersaiiles), il formerait une majorité en faveur du
untien de l’état de choses actuel.
Ce serait donc par une simple motion d’ordre
.ntérieur que l’on déciderait le retour de la Chambre
ae.s députés à Paris. Celle-ci suspendrait très pro-
ablement ses séances du 1S mars au 5 mai pour
‘laisser à la commission du budget le temps néces-
saire pour terminer ses travaux; dans ce cas, la
Chambre déciderait, à la veille de ses vacances,
que le 5 mai elle se îéunirait à Paris, au Corps lé-
gislatif. Dans le cas où on ne prendrait aux appro-
ches de Pâques, que le congé habituel, le retour à
Paris s’effectuerait au lendemain de cette courte
suspension des séances.
Sincèrement nous goûtons peu ces procédés d’es-
camotage.
Quand une constitution est tirée, il faut la boire...
ou avoir le courage de la modifier.
On a donc bien fait de renvoyer aux calendes
grecques la proposition Laroche-Joubert.
Le retour à Paris subreptice serait parfaitement
illégal. Plus tard, les ennemis de la République
s’autoriseraient de cette première violation com-
mise par des républicains pour justifier leurs atten-
tats.
Il est toujours téméraire de donner le premier
coup de canif dans le contrat. Il s’en va vite en
BQOT'fiAa.TlX PTTOUiifp
Quelle dignité aurait-elle, d’ailleurs, cette ren-
trée par la petite porte ?
Ce n’est pas furtivement que Paris doit redevenir
la capitale politique du pays.
La franchise aura un autre avantage.
Elle permettra de prévoir publiquement et réso-
lûment le cas où le parlement menacé aurait le
droit de retourner à Versailles chercher la sécurité
que la turbulence parisienne lui refuserait.
Rien de plus simple que de déclarer préventive-
ment que la Chambre des députés, aussi bien que le
Sénat, resterait maîtresse, en cas d’agitation pé-
rilleuse ou de débats inquiétants, de reprendre ses
délibérations dans le calme des solitudes versail-
laises.
Paris serait ainsi prévenu et ne pourrait s’en
prendre qu’à lui-même s’il rendait ce nouveau dé-
part nécessaire.
De toute façon, à quelque point de vue qu’on se
place, le retour à Paris doit être ou décidé ou re-
poussé par les voies légales.
Quand les représentants de la France reprennent
possession de leur palais, ils ne peuvent pas mon-
ter par l’escalier de service.
Pierre Véron.
—-«3*.-
LOUIS BLANC
On a édité et réédité trop de faciles quolibets sur
la taille de Louis Blanc pour qu’il soit nécessaire
de constater sa petitesse.
Il a d’ailleurs de quoi se consoler en songeant
qu’on ne pourrait peut-être pas citer trois exem-
ples d’hommes de génie ayant été remarquables
par leur haute stature.
Voyez :
Napoléon Ier, petit ;
Thiers, petit ;
Victor Hugo, petit.
Passons.
Louis Blanc a doublé le cap de la soixantaine.
Il a cependant, à quelque distante, conservé un
aspect quasi juvénile.
Quand on s’approche, dame, on est bien forcé de
constater que Y irréparable outrage se fait sentir
çà et là.
Mais il n’en est pas moins fort surprenant de
conservation, ce travailleur qui s’est dépensé dans
tant de luttes, qui souvent tournèrent au drame.
Le visage, soigneusement rasé, est, comme le
corps, de proportions minimes.
Petit nez s’effilant du bout, bouche étroite, yeux
pointus pour ainsi dire.
L’impression ressentie est sympathique, mais
sans entraînement soudain.
On sent bien qu’on a affaire à quelqu’un ; toute-
fois on a besoin d une plus ample information.
Ce qui n’est pas long à attendre.
Car dès que Louis Blanc parle, on est conquis
tout entier.
D’une modération de forme qui égale la ténacité
opiniâtre de ses idées, jamais il n’a d’exaltation
véhémente.
Jamais non plus il ne cède un pouce de terrain
dans une discussion, — même intime.
Il accueille avec une courtoisie parfaite l’objec-
tion qu’on lui fait. Il écoute avec une irréprochable
conscience.
Vous croyez l’avoir persuadé.
Erreur.
Doucement, de sa même voix pénétrante, il re-
prend sa thèse comme si de rien n’était.
La parole est recherchée, aussi bien dans la con-
versation que dans un débat oratoire.
On sent l’homme qui a l’habitude de se châtier la
plume à la main.
Correct en tout et avant tout : dans , sa tenue,
d’un noir permanent ; dans son style, qui défie
Vaugelas ; dans son langage, qui va droit à l’ex-
pression juste.
L’esprit d’observation est chez lui plus puissant,
je crois, que l’esprit de conception.
Rappelez-vous ses admirables lettres sur l’An-
gleterre, écrites au jour le jour pour le Temps.
Cela avait une netteté de vue que ses théories
n’ont peut-être pas toujours eue au même degré.
Comme historien, son éloge n’est plus à faire.
Il sait regarder une époque, de même qu’il sait
regarder une nation.
Tout ceci n’est pas dit par nous pour la première
fois, nous ne l’ignorons pas.
Mais il y a un pourquoi au croquis que nous es-
sayons ici.
Un pourquoi d’actualité.
L’Académie française a une place de lettré et de
journaliste à donner.
Le fauteuil de M. de Sacy est vacant.
Et divers noms ont été mis en avant déjà.
Comment, avant et par-dessus tons les autres,
celui de Louis Blanc n’a-til pas été prononcé?
Il serait de ceux qui referaient un prestige à l’ins-
titution, si la chose est possible encore.
Devant une telle candidature, nous ne voyons pas
quelle autre pourrait avoir l’audace de se poser ou
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Ajoutons que Louis Blanc a, dans le grand et
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■ ) Il serait donc chez lui sous le dôme connu.