QUARANTE-HUITIÈME ANNÉE
Prix du Numéro : 25 centime»
SAMEDI 19 AVRIL 1879
ABONNEMENTS
PARIS
Trois mois. 18 fr.
Six mois. 36 —
Un an. 72 —
Les abonnements parlent des i" et is de chaque moK
DIRECTION
Politique, Littéraire et Artistique
PIERRE VÉRON
Rédacteur en Chef.
BUREAUX
DE LA RÉDACTION ET DE L’ADMINISTRATION
Rue de la Victoire, 20
—..— .—- .-^a*
ABONNEMENTS
DÉPARTEMENTS
Trois mois.7.' 20 fi.
Six mois.. 40 —
Un an. 80 —
L’abonnement d un an donne droit à la prime greMs.
DIRECTION
Politique, Littéraire et Artistique
PIERRE VÉRON
Rédacteur en Chef.
ANNONCES
ADOLPHE EWIG, FERMIER DE LA PUBLICITÉ
Rue Fléchier, 2.
BULLETIN POLITIQUE
La République a lieu d’être bien émue.
M. Emile Zola va lui dire son fait.
C’est demain samedi que cette exéculion capitale
doit avoir lieu, en une brochure qui est assurée
d’être une bonne affaire, ce qui a empêché l’au-
teur de se demander si ce n’était pas on même
temps une mauvaise action.
On sait que pour M. Emile Zola le critérium uni-
que et souverain c’est : Ça se vend-il ?
Le factum, dont quelques épreuves ont déjà
traîné avant la lettre, s’intitule : La Rèpubliqxte et
la Littérature.
Le motif de la querelle que M. Zola cherche à la
République est double au tond.
La spéculation d’abord, ensuite la vanité.
Homo duplex. Ce sont-là les deux faces de
l’homme.
M. Zola trouve qu’on ne s’occupe pas assez de sa
tipageuse personnalité. Mon œuvre intime se lor-
rnule ainsi :
.. .Moi seul et c’est assez.
Or l’Assommoir n’est pas le souci unique du peu-
ple français. Il a bien eu la sottise, ce bon peuple,
d’accoider à ces grossièretés banales une attention
qu’elles ne méritaient pas. Il a acheté les éditions
successives de cette rengaine malpropre, avec un
gogotisme saugrenu ; il s’est précipité au théâtre
avec un panurgisme extravagant pour revoir, au
bout de ficelles neuves, ces marionnettes de l’argot.
M. Zola, s’il savait se borner, en attendant qu’il
sut écrire, devrait se tenir pour comblé.
Mais non I
Moi seul et c'est assez ! vous dis-je. Or, on a com-
mencé à trouver que ce n’est pas assez du tout.
Après ce quart d’heure de badauderie malsaine,
on s’est remis à penser aux choses sérieuses : l’ave-
nir du pays ; les laborieuses étapes du progrès, les
patriotiques efforts de régénération, tout cela est
regardé par M. Zola comme de la dérivation dé-
loyale.
Pendant qu’on écoute un orateur parlant des pro-
blèmes de la démocratie, on perd de vue la bouti-
que de librairie Zola and G0.
D’où le ressentiment qui, après avoir rongé son
frein, va éclater avec la brutalité propre à l’écri-
vain.
Ce mobile apparaît naïvement dans un passage
. .de la brochure sur laquelle nous aurons l’occasion
ce revenir, et dont nous annonçons les pétarades
•réméditées.
Ce passât le voici •
« Assez de bruit, jouissons de notre République.
.Que les besogneux et les aventuriers qui vivent
lie aillent en Amérique chercher un trône ou ga-
er une fortune. Faisons de la musique, dansons.
cultivons nos fleurs, écrivons de beaux livres. Il
faut bien l’avouer qu’il y a, parmi les écrivains etfr
les artistes, une défiance contre la République^STis-
qu’ici, ils ne se sont pas sentis aimés par les répu-
blicains, qui ont toujours eu des raideurs de gen-
darmes devant les lettres et les arts. On répète vo-
lontiers que la République est le pire gouverne-
ment pour nous autres, avec ses allures puritaines,
son besoin d’enseigner et de prêcher la thèse de
l’égalité et de futilité.»
Nul cependant n’empêche M. Zola de danser ; à
preuve les culbutes de Saint Guy qu’il a exécutées
en si grand nombre depuis quelque temps.
Nul non plus ne l’empêche de faire de beaux li-
vres, comme il le dit avec la touchante modestie
qui fait de lui la violette delà littérature.
Si ces livres, au lieu d’être beaux ne sont que ré-
pugnants, ce n’est pas la faut de la République.
C’est la faute de M. Zola lui-même.
M. Zola a donc tort en ce qui le concerne, tort
aussi quand il généralise, en prétendant que les ar-
tistes et les écrivains ont une défiance contre la
République.
Ceux-là seuls ont — pour employer sa métaphore
— peur du gendarme, qui sentent qu’ils écrivent
pour la police correctionnelle.
Quant au besoin d’enseigner de la République, il
peut être gênant pour qui exploite l’ignorance dans
ses œuvres, mais la République n’a pas à tenir
compte de telles doléances.
M. Zola déclare pourtant qu’il est républicain de
la veille (???)
« Je ne tiens, dit-il, par aucune attache au monde
politique, et je n’attends du gouvernement ni place,
ni pension, ni récompense d’aucune sorte. Ce n’est
pas ici de l’orgueil ; c’est, au début de cette étude,
une constatation nécessaire. Je suis seul et libre, j’ai
travaillé et je travaille : mon pain vient de là.
a D’autre part, il me faut établir un second point.
Je suis un républicain de la veille. Je veux dire que
j’ai défendu ies idées républicaines dans mes livres
et dans la presse, lorsque le second empire était
encore debout. J’aurais pu être de la curée, si j’a-
vais eu la moindre ambition politique. Il suffisait
de me baisser pour ramener les épis après les avoir
fauchés.
» Ainsi donc ma situation est nette. Je suis un ré-
publicain qui ne vit pas de la République. Eb bien !
l’idée m’est venue que cette situation est excellente
pour dire tout haut ce que j’en pense. »
Ce qu’il en pense, c’est ceci :
« Aujourd’hui, on nous a tellement bousculés,
tellement amoindris, que nous en venons à re-
gretter le grand silence de l’Empire. »
Regrettez, monsieur.
Ce silence, en effet, était plus propice aux sono-
rités de la parade.
La République vous laisse toute permission de
passer à l’ennemi, sentant après votre brochure —
et peut-être même avant—qu’elle ne peut que jouer
à qui perd gagne en se séparant de celui qui a écrit
cette grosse, grosse ins; ' ’ ’
« La République sera ste ou elle ne sera
pas ! »
Est*ce délicieux comme drôlerie solennelle?
Nous nous en tiendrons là pour aujourd’hui, lais-
sant de côté les dénigrements auxquels M. Zola va
devoir les applaudissements effrénés de la réaction.
Ces dénigrements ne valent vraiment pas la peine
qu’on se baisse pour les ramasser.
Au fond, M. Zola a simplement voulu se donner
une double satisfaction.
Il a exhalé sa colère contre la République qui lui
fait concurrence; il compte en même temps que le
vacarme ameutera le passant et lui ramènera la
galerie.
C’est un coup de poing sur une grosse caisse.
Pierre Véron.
4?ranc$ Jptopos b'im (SteiUttt
L’eau leur en arrive à la bouche.
Le Soleil ne vient-il pas de publier une dépêche,
annonçant que M. de Bismark, à la suite de l’atten-
tat de Saint-Pétersbourg, rédigeait une circulaire
invitant les souverains à se liguer contre les agisse-
ments révolutionnaires.
Vous comprenez d’où vient l’espoir de nos réac-
tionnaires.
Une autre sainte alliance, ce serait peut-être
une autre invasion.
Cette autre invasion nous imposerait une Res-
tauration.
O bonheur!... Ils voient déjà à l’horizon leurs
amis les ennemis.
Par contre, voilà que le libéralisme de M. Renan
s’est lancé dans des divagations pliilosopkico-sen-
timentales qui ne brillent pas par l’opportunité.
M. Renan déclare ne pas s’arrêter aux & mes-
quines idées de distinctions nationales, qui sont le
pire obstacle au progrès de l’esprit humain. »
D’où il suit que si M. Renan avait, en sa qualité
d’académicien, été chargé de rédiger, dans le dic-
tionnaire des Immortels, l’article Patriotisme, il
aurait écrit :
PATRIOTISME. — Obstacle au progrès.
Il est heureux pour la France que M. Renan ait
été élu trop tard.
U dit aussi, M. Renan, qu’après nos désastres, il
se consola à la pensée que l’Allemagne allait savoir
profiter de sa victoire.
Facile à consoler, M. Renan.
Je doute que sa prose fasse prime en Alsace et
en Lorraine.
Ces pauvres persécutés de catholiques ont—cha-
cun sait ça— la faculté de tenir des clubs perma-
nents un peu partout.
C’est à Paris que l’un de ces clubs fonctionne de-
Prix du Numéro : 25 centime»
SAMEDI 19 AVRIL 1879
ABONNEMENTS
PARIS
Trois mois. 18 fr.
Six mois. 36 —
Un an. 72 —
Les abonnements parlent des i" et is de chaque moK
DIRECTION
Politique, Littéraire et Artistique
PIERRE VÉRON
Rédacteur en Chef.
BUREAUX
DE LA RÉDACTION ET DE L’ADMINISTRATION
Rue de la Victoire, 20
—..— .—- .-^a*
ABONNEMENTS
DÉPARTEMENTS
Trois mois.7.' 20 fi.
Six mois.. 40 —
Un an. 80 —
L’abonnement d un an donne droit à la prime greMs.
DIRECTION
Politique, Littéraire et Artistique
PIERRE VÉRON
Rédacteur en Chef.
ANNONCES
ADOLPHE EWIG, FERMIER DE LA PUBLICITÉ
Rue Fléchier, 2.
BULLETIN POLITIQUE
La République a lieu d’être bien émue.
M. Emile Zola va lui dire son fait.
C’est demain samedi que cette exéculion capitale
doit avoir lieu, en une brochure qui est assurée
d’être une bonne affaire, ce qui a empêché l’au-
teur de se demander si ce n’était pas on même
temps une mauvaise action.
On sait que pour M. Emile Zola le critérium uni-
que et souverain c’est : Ça se vend-il ?
Le factum, dont quelques épreuves ont déjà
traîné avant la lettre, s’intitule : La Rèpubliqxte et
la Littérature.
Le motif de la querelle que M. Zola cherche à la
République est double au tond.
La spéculation d’abord, ensuite la vanité.
Homo duplex. Ce sont-là les deux faces de
l’homme.
M. Zola trouve qu’on ne s’occupe pas assez de sa
tipageuse personnalité. Mon œuvre intime se lor-
rnule ainsi :
.. .Moi seul et c’est assez.
Or l’Assommoir n’est pas le souci unique du peu-
ple français. Il a bien eu la sottise, ce bon peuple,
d’accoider à ces grossièretés banales une attention
qu’elles ne méritaient pas. Il a acheté les éditions
successives de cette rengaine malpropre, avec un
gogotisme saugrenu ; il s’est précipité au théâtre
avec un panurgisme extravagant pour revoir, au
bout de ficelles neuves, ces marionnettes de l’argot.
M. Zola, s’il savait se borner, en attendant qu’il
sut écrire, devrait se tenir pour comblé.
Mais non I
Moi seul et c'est assez ! vous dis-je. Or, on a com-
mencé à trouver que ce n’est pas assez du tout.
Après ce quart d’heure de badauderie malsaine,
on s’est remis à penser aux choses sérieuses : l’ave-
nir du pays ; les laborieuses étapes du progrès, les
patriotiques efforts de régénération, tout cela est
regardé par M. Zola comme de la dérivation dé-
loyale.
Pendant qu’on écoute un orateur parlant des pro-
blèmes de la démocratie, on perd de vue la bouti-
que de librairie Zola and G0.
D’où le ressentiment qui, après avoir rongé son
frein, va éclater avec la brutalité propre à l’écri-
vain.
Ce mobile apparaît naïvement dans un passage
. .de la brochure sur laquelle nous aurons l’occasion
ce revenir, et dont nous annonçons les pétarades
•réméditées.
Ce passât le voici •
« Assez de bruit, jouissons de notre République.
.Que les besogneux et les aventuriers qui vivent
lie aillent en Amérique chercher un trône ou ga-
er une fortune. Faisons de la musique, dansons.
cultivons nos fleurs, écrivons de beaux livres. Il
faut bien l’avouer qu’il y a, parmi les écrivains etfr
les artistes, une défiance contre la République^STis-
qu’ici, ils ne se sont pas sentis aimés par les répu-
blicains, qui ont toujours eu des raideurs de gen-
darmes devant les lettres et les arts. On répète vo-
lontiers que la République est le pire gouverne-
ment pour nous autres, avec ses allures puritaines,
son besoin d’enseigner et de prêcher la thèse de
l’égalité et de futilité.»
Nul cependant n’empêche M. Zola de danser ; à
preuve les culbutes de Saint Guy qu’il a exécutées
en si grand nombre depuis quelque temps.
Nul non plus ne l’empêche de faire de beaux li-
vres, comme il le dit avec la touchante modestie
qui fait de lui la violette delà littérature.
Si ces livres, au lieu d’être beaux ne sont que ré-
pugnants, ce n’est pas la faut de la République.
C’est la faute de M. Zola lui-même.
M. Zola a donc tort en ce qui le concerne, tort
aussi quand il généralise, en prétendant que les ar-
tistes et les écrivains ont une défiance contre la
République.
Ceux-là seuls ont — pour employer sa métaphore
— peur du gendarme, qui sentent qu’ils écrivent
pour la police correctionnelle.
Quant au besoin d’enseigner de la République, il
peut être gênant pour qui exploite l’ignorance dans
ses œuvres, mais la République n’a pas à tenir
compte de telles doléances.
M. Zola déclare pourtant qu’il est républicain de
la veille (???)
« Je ne tiens, dit-il, par aucune attache au monde
politique, et je n’attends du gouvernement ni place,
ni pension, ni récompense d’aucune sorte. Ce n’est
pas ici de l’orgueil ; c’est, au début de cette étude,
une constatation nécessaire. Je suis seul et libre, j’ai
travaillé et je travaille : mon pain vient de là.
a D’autre part, il me faut établir un second point.
Je suis un républicain de la veille. Je veux dire que
j’ai défendu ies idées républicaines dans mes livres
et dans la presse, lorsque le second empire était
encore debout. J’aurais pu être de la curée, si j’a-
vais eu la moindre ambition politique. Il suffisait
de me baisser pour ramener les épis après les avoir
fauchés.
» Ainsi donc ma situation est nette. Je suis un ré-
publicain qui ne vit pas de la République. Eb bien !
l’idée m’est venue que cette situation est excellente
pour dire tout haut ce que j’en pense. »
Ce qu’il en pense, c’est ceci :
« Aujourd’hui, on nous a tellement bousculés,
tellement amoindris, que nous en venons à re-
gretter le grand silence de l’Empire. »
Regrettez, monsieur.
Ce silence, en effet, était plus propice aux sono-
rités de la parade.
La République vous laisse toute permission de
passer à l’ennemi, sentant après votre brochure —
et peut-être même avant—qu’elle ne peut que jouer
à qui perd gagne en se séparant de celui qui a écrit
cette grosse, grosse ins; ' ’ ’
« La République sera ste ou elle ne sera
pas ! »
Est*ce délicieux comme drôlerie solennelle?
Nous nous en tiendrons là pour aujourd’hui, lais-
sant de côté les dénigrements auxquels M. Zola va
devoir les applaudissements effrénés de la réaction.
Ces dénigrements ne valent vraiment pas la peine
qu’on se baisse pour les ramasser.
Au fond, M. Zola a simplement voulu se donner
une double satisfaction.
Il a exhalé sa colère contre la République qui lui
fait concurrence; il compte en même temps que le
vacarme ameutera le passant et lui ramènera la
galerie.
C’est un coup de poing sur une grosse caisse.
Pierre Véron.
4?ranc$ Jptopos b'im (SteiUttt
L’eau leur en arrive à la bouche.
Le Soleil ne vient-il pas de publier une dépêche,
annonçant que M. de Bismark, à la suite de l’atten-
tat de Saint-Pétersbourg, rédigeait une circulaire
invitant les souverains à se liguer contre les agisse-
ments révolutionnaires.
Vous comprenez d’où vient l’espoir de nos réac-
tionnaires.
Une autre sainte alliance, ce serait peut-être
une autre invasion.
Cette autre invasion nous imposerait une Res-
tauration.
O bonheur!... Ils voient déjà à l’horizon leurs
amis les ennemis.
Par contre, voilà que le libéralisme de M. Renan
s’est lancé dans des divagations pliilosopkico-sen-
timentales qui ne brillent pas par l’opportunité.
M. Renan déclare ne pas s’arrêter aux & mes-
quines idées de distinctions nationales, qui sont le
pire obstacle au progrès de l’esprit humain. »
D’où il suit que si M. Renan avait, en sa qualité
d’académicien, été chargé de rédiger, dans le dic-
tionnaire des Immortels, l’article Patriotisme, il
aurait écrit :
PATRIOTISME. — Obstacle au progrès.
Il est heureux pour la France que M. Renan ait
été élu trop tard.
U dit aussi, M. Renan, qu’après nos désastres, il
se consola à la pensée que l’Allemagne allait savoir
profiter de sa victoire.
Facile à consoler, M. Renan.
Je doute que sa prose fasse prime en Alsace et
en Lorraine.
Ces pauvres persécutés de catholiques ont—cha-
cun sait ça— la faculté de tenir des clubs perma-
nents un peu partout.
C’est à Paris que l’un de ces clubs fonctionne de-