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Le charivari — 48.1879

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Mai
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https://doi.org/10.11588/diglit.25493#0482
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Pris du Numéro : 25 centimes

DIMANCHE 4 MAI 1879

QUARANTE-HUITIÈME ANNÉE

v -

T

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PARIS

Trois mois. 18 fr.

Six mois. 36 —

Un an. 72 —

Les abonnements parlent des i" et ie de chaque mois

DIRECTION

Politique, Littéraire et Artistique

PIERRE VÉRON

Rédacteur en Chef.

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DR LA REDACTION ET DE L’ADMINISTRATION

Rue de la Victoire, 20

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Trois mois.; 20 JL

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DIRECTION

Politique, Littéraire et Artistique

PIERRE VÉRON

& Rédacteur en Chef.

ANNONCES

ADOLPHE EWIG, FERMIER DE LA PUBLICITE

Rue Fléchier, 2.

CHARIVARI

BULLETIN POLITIQUE

Un curieux spectacle nous est donné en ce mo-
ment.

Pour la première fois, en France, nous voyons un
directeur de la presse chercher, d’accord avec le
gouvernement, non pas les prétextes qu’on peut in-
voquer pour opprimer la pensée, mais les raisons
qui militent en faveur de son émancipation.

Ce travail, dont deux parties ont déjà paru dans
le Journal officiel, fait le plus grand honneur à
M. Anatale de la Forge.

Tandis que ses prédécesseurs s’évertuaient, en
général, à abriter leurs vexations derrière la raison
d'Etat, M. Anatole de la Forge, au contraire, défend
ainsi la liberté :

« Si parfois nos mœurs littéraires manquent de
mesure, de calme, de sangfroid , s’il se produit
trop souvent des intempérances de langage et des
violences de discussion, est-ce à uu trop large
usage de la liberté qu’il faut s’eu prendre? Ne
serait-ce pas plutôt à ce fait que notre éducation
libérale n’a pas été assez longue, qu’elle a été in-
complète et fautive?

» Si nous consultons l’expérience qui a été faite
par les peuples étrangers, nous voyons que partout
où la liberté de la presse a élé élablie et pratiquée,
les mœurs littéraires et politiques sont devenues,
aprô? un temps plus ou moins court, droites, paci-
fiques et tolérantes. Nous voyons, au contraire, que
là où la presse a éié étroitement surveillée, répri-
mée, châtiée, la violence ou lta, frivolité du langage,
le goût des personnalités âpres et diffamatoires,
l'explosion des passions haineuses n’ont jamais
manqué de se rencontrer et se sont produits parfois
avec une véritable sauvagerie.

» La liberté se montre ainsi à nous dans les na-
tions voisines comme un moyen d’ordre et de gou-
vernement. »

C’est sagement parler, mais les paroles n’ont ja-
mais l’éloquence des faits.

Le rapport de M. Anatole de La Forge le com-
prend. Aussi s’applique-t-il surtout à retracer un
historique completdes persécutions, aussi odieuses
qu’incessantes, qui ont chez nous cherché à entra-
ver l’essor-de l’intelligence humaine se révélant par
Fintermédiaire de la presse.

Quel effroyable martyrologe !

Les bûchers flambent, la torture se déchaîne, les
prisons regorgent.

Etienne Dolet est brûlé vif pour avoir imprimé
des livres contenant des doctrines blâmables.

Henri II oblige les libraires et imprimeurs à ré-
sider dans le quartier de l'Université, qui s’éten-
dait depuis les rues de la Bûcherie, de la Huchette,
de la Vieille-Boucherie, en montant jusqu’aux por-
tes Saint-Michel, Saint-Jacques et Saint-Victor.
C’était une espèce de ghetto de l'imprimerie. Dé-
fense fut faite d’imprimer aucun livre s’il ne conte-
nait le nom de l’auteur.

Sous Charles IX, on édicte Contre les imprimeurs
la peine du fouet pour le premier délit, la pendai-
son pour le second.

Et ce n’étaient pas là des menaces platoniques.
Les potences balançaient bien réellement des ca-
davres au bout de leur corde expiatoire.

Louis XIII emplit la Bastille, Mazarin envoie les
libraires aux galères ; il fait même pendre un ou-
vrier imprimeur et uu relieur pour ce seul fait
qu’is avaient eu des relations avec l’auteur d’un
pamphlet.

Louis XV, le cynique débauché que l’on sait,
décide que « les libraires et imprimeurs ne pour-
raient être admis à exercer leur art et profession
sans rapporter une attestation du curé constatant
leurs bpnue vie et mœurs et l’exercice qu’ils font
de la religion catholique. »

Le certificat que Louis XV exigeait ainsi, il ne le
méritait pas lui-même.

Partout, toujours dans l’ancienne monarchie, la
situation qui faisait dire à La Bruyère :

« Un homme né chrétien et Français est fort em-
barrassé pour écrire, les grands sqjets lui étant
interdits,—et les petits lui étant défendus. »

Pendant ce temps-là, l’esprit de résistance ne fai-
sait que progresser, et l’orage, qui devait être la
Révolution française, s’accumulait à l’horizon. Plus
la compression avait été violente, plus l’explosion
devait être terrible.

Par malheur, la Révolution devait elle-même être
infidèle à ses principes.

C’est ce que démontre la seconde partie du tra-
vail de M. Anatole de la Forge.

Ou eu amve, sous la Convention, à punir de mort
des délits de presse.

Après thermidor, nouvelles répressions. Les pro-
priétaires ou rédacteurs de soixante-sept journaux
sont condamnés à la déportation.

M. Anatole de la Forge tire de ces persécutions
mutuelles cette conclusion en faveur de la liberté
de la presse :

« Chacun, dit-il, avait réclamé cette liberté pour
lui-même et pour les siens. La liberté paraissait
bonne, nécessaire , Indispensable, tant qu’elle était
limitée au développement, à la défense, à la propa-
gation des idées de telle Eglise ou de telle école
politique ; elle devenait détestable lorsqu’elle était
employée à la diffusion des principes de ceux qu’on
tenait pour adversaires ou jour ennemis,

» Le royaliste trouvait excellent non-seulement
qu’on affirmât la grandeur de la monarchie, mais
qu’on attaquât à outrance Es partisans de la Répu-
blique; sur ce chapitre, on pouvait s’entendre à
loisir : jamais on n’irait trop loin. Le jacobin rai-
sonnait de la même façon à l’endroit des monar-
chistes. Tous les deux, sais s’eu apercevoir, fai-
saient l’apologie de la libéré complète de la presse :
ils lui rendaient hommage m la niant ou du moins
en l’anéantissant par leurs ictes. »

Triste hommage, en vérité.

Le Consulat et l’Empire livrent la France à tous
les caprices de l’absolutism:.

Honte et humiliation! Cn en arrive, en 1811, à
décréter qu’il ne pourra paraître à Paris que quatre
journaux s’occupant de nouvelles politiques.

Trois ans après, Napoléon tombait; quatre ans
plus tard, il prenait le chemin de Sainte-Hélène.

Voilà comment la persécution de la presse sauve-
garde les trônes.

Nous aurons l’occasion de revenir sur le travail
que M. de La Forge va poursuivre, mais dès à
présent la preuve n’est-elle pas faite en faveur de
cette liberté de la presse qui ne peut trouver qu’en
elle-même le remède à ses propres excès ?

Pierre Véron.

ENTRE L'ENCLUME ET LE MARTEAU

Calypso ne pouvait se consoler du départ d’Ulysse;
il n’en est pas de même du khédive avec ses deux
ministres occidentaux. Il en prendrait très bien son
parti et rirait comme un bossu de lamine qu’ils ont
faite en recevant leur feuille de route, si leur expul-
sion du ministère n’avait soulevé certaines diffi-
cultés moins plaisantes pour lui.

D’abord, mécontentement delà France et de l’An-
gleterre': deux personnes terribles qui n’aiment pas
qu’on se moque d’elles à leur nez et à leur barbe.

Ensuite, abandon incroyable du sultan qui a lâché
son vassal avec un laisser-aller dont il n’y a pas
d’exemple dans l’histoire de l’islamisme.

—Vous voulez jeter Ismaïl par-dessus bord? Très
bien ! Prenez lui la tête, je me charge des jambes,
et saute, khédive !

Ou n’en revient pas, au Caire, de la facilité déso-
bligeante du commandeur des croyants avec laquelle
il dit à un ami : « Ote-toi de là qu’on en mette un
autre. »

Et naturellement, le conseil privé de Son Altesse
se donne à tous les diables pour en trouver la rai-
son.

Le chef des eunuques noirs dit blanc ; celui des
eunuques blancs dit noir.

— Vous êtes insupportables avec ces divergences
d’opinions ! fit le khédive. Comment vouiez-vous
que je marche droit si l’un tire à hue et l’autre à
dia?

— Moi, je prétends, déclara le fonctionnaire
foncé, que Sa Hautesse est jalouse de Ton Altesse,
et qu’elle ne serait pas fâchée de te voir dans les
mêmes draps qu’elle ; draps qui, par parenthèse, au-
raient rudement besoin d’être changés depuis la
dernière guerre.

— Ce n’est pas ça du tout, répliqua le fonction-
naire à peau blanche : le sultan trouve que tu don-
nes un exemple déplorable en parlant sans cesse
de les dettes.

— Qu’importe que j’en parle beaucoup si je les
paye très peu? fit observer judicieusement Ismaïl.

— C’est égal, c’est agaçant pour lui de te voir
préoccupé à ce point d’uu trou à la lune de plus ou
de moins. Contemple ton seigneur et maître, et vois
avec quelle rapidité il a réglé ses échéances : « Je
vous devais, je ne vous dois plus.Passez vos eréan
ces à profits et pertes, et causons d’autre chose. »

— Mais je nejdemaude qu’à eu faire autant; car
 
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