ACTUALITÉS
2
_ Comme entremets sucré, je proposerai à madame la baronne des... soupirs de nonnes?
_ Non, chef; en ce moment, rien qui rappelle la question religieuse.
On annonce qu'un émule de M. Brown-Séquard
vient de trouver un système de rajeunissement en-
c°re beaucoup plus efficace.
Beaucoup plus efficace, ce n’est guère dire.
Je vous avouerai, d’ailleurs, qu’en pareille matière
je ne crois ni ne souhaite pratiquer la reconstitu-
tion des forces humaines, comme certains financiers
Prétendent pratiquer la reconstitution du capital.
Holà! braves savants, quelle troublante hypo-
thèse! Au premier abord, elle a tout pour séduire;
ffiais si jamais elle devenait une réalité, comme
l’humanité aurait vite reconnu que notre pauvre
roonde en serait tout déséquilibré I
Ce pauvre Noriac écrivit jadis un roman fantasti-
que appelé : La mort de la Mort. Il y montrait notre
chétive race délivrée du cruel dénouement qui nous
ungoisse tous, et se livrant à une folle joie que ne
tardait pas à remplacer une déconvenue générale.
Si bien que l’on envoyait une députation au Maître
des Choses, pour l’inviter à rétablir le plus tôt pos-
sible la Mort libératrice.
Le secret d’éternelle jeunesse créerait des embar-
ras tout aussi insolubles.
***
Songez donc! C’est la décrépitude des uns qui
permet les espérances des autres. L’humanité vit
sur un perpétuel : « Ote-toi de là que je m’y mette! »
Comment voudriez-vous que les jeunes entrassent
dans la carrière, si les aînés s’obstinaient à y rester?
Supposons un instant le rajeunissement par in-
jection sous-cutanée opérant ses curieux prodiges.
Quand tel écrivain célèbre ou tel artiste illustre
sentirait que sa verve commence à fléchir, vite il
recourrait à la seringue providentielle, et voilà qu’il
se remettrait à produire des chefs-d’œuvre à jet
continu.
Que deviendraient, pendant ce temps-là, tous ceux
qui attendent leur tour chez l’éditeur, qui font queue
à la porte ?
Grands dieux! l’encombrement est déjà assez ef-
froyable partout. Si les Molière, grâce au philtre
nouveau, pouvaient se prolonger, de quoi vivraient
nos infortunés vaudevillistes? Si les Rossini et les
Meyerbeer avaient pu s’injecter, qui aurait jamais
songé à leur substituer les écorcheurs d'oreilles que
nous subissons? Et ainsi de suite.
***
De môme en politique. C’est là surtout que le fa-
meux « Ote-toi de là » est la règle générale et bénie.
Quand nos politiciens ont rabâché pendant un cer-
tain temps les mêmes phraséologies à la tribune.
quand ils se sont mutuellement intoxiqués en res-
pirant l’atmosphère malsaine des séances législati-
ves, quand ils ont subi une certaine dose d’injures,
de sollicitations, de désillusions et de titillations en
tous genres, ils n’en peuvent plus, les malheureux!
C’est l’instant psychologique guetté par les ambi-
tions à la suite, c’est l’heure épiée par les candidats
à la députation, par les aspirants ministres. Et les
générations de mystificateurs qui fonctionnent sous
le nom d’hommes d’Etat se poussent l’une après
l’autre dans le néant.
Mais, le jour où les trucs rajeunissants permet-
traient de doubler, de tripler la dose des titillations,
des désillusions, des sollicitations, des injures, que
ferait-on de tous les inutiles que semble utiliser la
vie parlementaire?
Et l’éternelle jeunesse des vieilles gardes! Quel
fléau menaçant ce serait pour la ruine des bons
gommeux! Elles seraient bientôt cent à se disputer
un seul porte-monnaie!
Ah! détournez de nous ces calices d’amertume!
Je sais bien que, la mort n’étant pas abolie pour
cela, comme dans le roman de Noriac, nous aurions
encore la ressource des guerres, des épidémies et
des crimes pour atténuer le mal. Mais c’est égal,
ce serait une épouvantable calamité que la réalisa-
tion de cette chimère.
O homme! tu es fait pour t’user dans la souf-
france. Suis ta destinée.
ZIGZAG.
2
_ Comme entremets sucré, je proposerai à madame la baronne des... soupirs de nonnes?
_ Non, chef; en ce moment, rien qui rappelle la question religieuse.
On annonce qu'un émule de M. Brown-Séquard
vient de trouver un système de rajeunissement en-
c°re beaucoup plus efficace.
Beaucoup plus efficace, ce n’est guère dire.
Je vous avouerai, d’ailleurs, qu’en pareille matière
je ne crois ni ne souhaite pratiquer la reconstitu-
tion des forces humaines, comme certains financiers
Prétendent pratiquer la reconstitution du capital.
Holà! braves savants, quelle troublante hypo-
thèse! Au premier abord, elle a tout pour séduire;
ffiais si jamais elle devenait une réalité, comme
l’humanité aurait vite reconnu que notre pauvre
roonde en serait tout déséquilibré I
Ce pauvre Noriac écrivit jadis un roman fantasti-
que appelé : La mort de la Mort. Il y montrait notre
chétive race délivrée du cruel dénouement qui nous
ungoisse tous, et se livrant à une folle joie que ne
tardait pas à remplacer une déconvenue générale.
Si bien que l’on envoyait une députation au Maître
des Choses, pour l’inviter à rétablir le plus tôt pos-
sible la Mort libératrice.
Le secret d’éternelle jeunesse créerait des embar-
ras tout aussi insolubles.
***
Songez donc! C’est la décrépitude des uns qui
permet les espérances des autres. L’humanité vit
sur un perpétuel : « Ote-toi de là que je m’y mette! »
Comment voudriez-vous que les jeunes entrassent
dans la carrière, si les aînés s’obstinaient à y rester?
Supposons un instant le rajeunissement par in-
jection sous-cutanée opérant ses curieux prodiges.
Quand tel écrivain célèbre ou tel artiste illustre
sentirait que sa verve commence à fléchir, vite il
recourrait à la seringue providentielle, et voilà qu’il
se remettrait à produire des chefs-d’œuvre à jet
continu.
Que deviendraient, pendant ce temps-là, tous ceux
qui attendent leur tour chez l’éditeur, qui font queue
à la porte ?
Grands dieux! l’encombrement est déjà assez ef-
froyable partout. Si les Molière, grâce au philtre
nouveau, pouvaient se prolonger, de quoi vivraient
nos infortunés vaudevillistes? Si les Rossini et les
Meyerbeer avaient pu s’injecter, qui aurait jamais
songé à leur substituer les écorcheurs d'oreilles que
nous subissons? Et ainsi de suite.
***
De môme en politique. C’est là surtout que le fa-
meux « Ote-toi de là » est la règle générale et bénie.
Quand nos politiciens ont rabâché pendant un cer-
tain temps les mêmes phraséologies à la tribune.
quand ils se sont mutuellement intoxiqués en res-
pirant l’atmosphère malsaine des séances législati-
ves, quand ils ont subi une certaine dose d’injures,
de sollicitations, de désillusions et de titillations en
tous genres, ils n’en peuvent plus, les malheureux!
C’est l’instant psychologique guetté par les ambi-
tions à la suite, c’est l’heure épiée par les candidats
à la députation, par les aspirants ministres. Et les
générations de mystificateurs qui fonctionnent sous
le nom d’hommes d’Etat se poussent l’une après
l’autre dans le néant.
Mais, le jour où les trucs rajeunissants permet-
traient de doubler, de tripler la dose des titillations,
des désillusions, des sollicitations, des injures, que
ferait-on de tous les inutiles que semble utiliser la
vie parlementaire?
Et l’éternelle jeunesse des vieilles gardes! Quel
fléau menaçant ce serait pour la ruine des bons
gommeux! Elles seraient bientôt cent à se disputer
un seul porte-monnaie!
Ah! détournez de nous ces calices d’amertume!
Je sais bien que, la mort n’étant pas abolie pour
cela, comme dans le roman de Noriac, nous aurions
encore la ressource des guerres, des épidémies et
des crimes pour atténuer le mal. Mais c’est égal,
ce serait une épouvantable calamité que la réalisa-
tion de cette chimère.
O homme! tu es fait pour t’user dans la souf-
france. Suis ta destinée.
ZIGZAG.