SOIXANTE-ÜNIÈMÈ ANNÊË
Fris du Numéro : 25 centime»
VENDREDI 8 JANVIER 1892
ABONNEMENTS
PARIS
Trois mois
Six mois..
Un an.
18 fr.
36 —
72 —
(lES MANDATS TÉLÉGRAPHIQUES NE SONT PAS REÇUS)
iw abonnements partent des <" et 16 de chaque mois
DIRECTION
Politique, Littéraire et Artistique
PIERRE VÉRON
Rédacteur en Chef
BUREAUX
La Rédaction et de l’administration
Rue de la Victoire. 20
ABONNEMENTS
DÉPARTEMENTS
Trois mois. 20 fr.
Six mois. 40 —
Un an. 80 —
(LES MANDATS TÉLÉGRAPHIQUES NB SONT PAS REÇUS)
l’abonnement d’un an donne droit à la prime gratuite
DIRECTION
Politique, Littéraire et Artistique
PIERRE VÉRON
Rédacteur en Chef
ANNONCES
ADOLPHE EWIG, fermier de la publicité
62, Rue Richelieu
BULLETIN POLITIQUE
Nous ne sommes pas encore en carême, le car-
naval n’a même pas commencé. Pourtant, de tou-
tes parts surgissent des prédicateurs officieux.
Le dernier volontaire du sermon fut M. Dugué
de la Fauconnerie.
Singulière interversion des rôles : c’est M. Du-
gué simple laïque qui prêche, et pour auditeur
R prend son curé.
N’est-ce pas un signe des temps que de voir
les ouailles obligées de rappeler à la modération
les prêtres, qui devraient leur en donner l’exern-
Plè? Le inonde renversé, quoi)
M. Dugué delà Fauconnerie est d’ailleurs suffi-
samment onctueux déjà pour un débutant. Il
pourrait, sans démériter, solliciter la permission
de se rendre à la Chambre en soutane, comme
Thiv rier en blouse.
Attendons-nous même à ce qu’emporté par sa
nouvelle vocation, il commence, au Palais-Bour-
bon, son prochain discours par ces mots : « Mes
chers frères... »
Provisoirement il se contente de crier casse-
cou aux rodomonts du cléricalisme. Un peu plus,
il résumerait sa pensée dans cette exclamation,
qui ne serait pas dépourvue de pittoresque :
— L’épiscopat, voilà l’ennemi !
Rien de plus vrai, et M. Dugué de la Faucon-
nerie met le doigt sur l’endroit sensible, quand il
montre au clergé inférieur que les fanfaronnades
de ses supérieurs sont sans gloire parce qu’elles
sont sans péril.
La séparation de l’Eglise et de l’Etat est une
Question à deux laces. Les prélats qui font les
malins ne risquent que le pain des autres.
Comme l’indique M. Dugué, « ils ne redoutent
Pas la rupture avec l’Etat, sachant bien qu’ils
Couveront toujours dans l’étendue |de leur dio-
cèse des ressources au moins équivalentes au trai-
tement qu’ils touchent aujourd'hui. »
Tout autre serait la condition des humbles cu-
rés de campagne. Ce sont eux qui, comme on dit
Vulgairement, paieraient les pots cassés.
« Comprenez-vous, dit M. Dugué, quel serait
votre sort, le jour où vous n’auriez plus rien à
attendre que des dons volontaires de vos parois-
siens, de ces paroissiens qui ne comprennent
d’autre travail que le travail des bras ? Il est vrai
hue, dans bien des cas, il y aurait le château qui,
certainement, ne vous laisserait pas mourir de
faim et vous viendrait en aide comme aux autres
pauvres de la commune. Mais cela, ce serait le
Pire sort auquel vouspuissiez être réduits. Si le
malheur voulait que vous n’eussiez plus rien à
attendre que du château, ce serait pour vous la
perte de toute indépendance, car on est naturel-
lement obligé de faire la volonté de l’homme qui
vous paye. L’Etat est loin et il no vous gène
■-♦----—
guère; le châtelain est là tout près, et le jour où
il vous fournirait vos ressources, vous seriez for-
cés de vous prêter à toutes ses exigences, à toutes
ses rancunes. »
La conclusion de tout cela, c’est que les bra-
vades des évêques, s’ils ne s’arrêtent à temps,
conduiront tout droit à une scission de l’armée
cléricale. Et quand les chefs auront été reniés
par les soldats, la débandade ne sera pas loin.
Avis aux Gouthe-Soulard et. autres provoca-
teurs. Us accusent les républicains de malmener
la religion, et eux ils se prépaient tout simple-
ment à la tuer.
Pierre Véron,
LE QUATRAIN D’HIER
La grève des cochers me vaut une trouvaille.
C’est d'avoir rencontré, contraste surprenant,
Celui qui ne fait rien à celui qui travaille
Lancer ce cri: Descends donc d’tonsiège, hé! feignant !
SIFFLET.
LES BEAUX GRIMES
Il paraît que l’an dernier comptera dans les
fastes de la criminalité.
A en croire les spécialistes du fait-divers, les
beaux assassinats y ont été particulièrement
nombreux et remarquables.
Toutefois les viols semblent avoir perdu un
peu de leur magnificence.
On a surtout violé en cachette. Péché caché est
à moitié pardonné. Les condamnations ont donc
été moitié moins importantes.
Il y a eu quelques affaires bien « parisiennes ».
On sait quels agréments ces affaires-lâ amènent
avec elles. Ce ne sont, pendant quelques jours,
qu’interviews passionnantes dont s’occupe l’uni-
vers entier.
Quarante-huit heures après un drame « bien
parisien », le télégraphe a transmis jusqu’aux
îles de la Sonde et à la Terre de Feu tous les dé-
tails concernant :
1° La maison du crime ;
2° L’auteur du crime;
3° La victime du crime;
4° Le concierge du crime... Etc., etc.
Dans les familles, au déjeuner, au üve o’eloek,
au dîner, il n’est rien de plus intéressant, après
les réflexions sur la température, que la conver-
sation sur le crime vraiment parisien.
Si l’événement avait eu lieu en province ou à
l’étranger, l’univers l’ignorerait, et d’ailleurs ne
demanderait pas à le connaître.
Un breton, un normand ou un auvergnat au-
rait beau assassiner sa famille entière, et le Con-
seil municipal de sa commune avec elle, Paris ni
le monde ne s’en inquiéteraient.
En/réalité, le crime vraiment parisien consti-
tue l’une des plus vives attractions de la vie mo-
derne, et comme l’un des bienfaits de notre civili-
sation avancée.
S’il n’apparaissait régulièrement, que devien-
draient nos gazettes de tribunaux, nos avocats,
nos présidents de cour, nos jurés, nos témoins,
tous ces acteurs ou comparses de la comédie du
Palais, aussi indispensables aux plaisirs de Paris
que toutes les autres comédies ?
Quand le bâtiment va, tout va, dit-on. A consi-
dérer le nombre de gens intéressés aux causes
célèbres, depuis les magistrats jusqu’aux gendar-
mes et aux lecteurs de journaux, il serait bien
plus juste de dire : Quand le crime va, tout va!
A ce point de vue, l’an passé emporte donc sa
bonne part de regrets.
Espérons que l’année nouvelle nous réservé son
contingent de surprises du même genre, desti-
nées à embellir l’existence un peu monotone que
nous font les symbolistes, péladanistes et autres
fumistes de cette fin de siècle cabotinesque.
Ce sera la morale de ces immoralités.
Maurice Dancourt,.
THÉÂTRES
FOLIES-BERGERE : Le Rêve d’or, ballet.
Débuts,
Très en succès, les Folies-Bergère, cette année.
Il faut reconnaître que la direction fait tout le
possible pour ne pas laisser languir un seul ins-
tant la curiosité publique. Continuellement ce
sont des attractions nouvelles.
Peu de jours après la réapparition de Douroff
avec son armée de rats savants, d’un ventriloque
désopilant, voici venir un ballet nouveau et une
demoiselle-canon.
Il me souvient d’avoir eu jadis, avec le père de
cette demoiselle, un démêlé suivi d’une expé-
rience publique, faite au jardin Mabille, qui n’a-
vait pas encore fermé boutique en ce temps-la.
II s’agissait de savoir si Holtum, le père en
question, arrêtait au passage un boulet lancé par
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Nous ne sommes pas encore en carême, le car-
naval n’a même pas commencé. Pourtant, de tou-
tes parts surgissent des prédicateurs officieux.
Le dernier volontaire du sermon fut M. Dugué
de la Fauconnerie.
Singulière interversion des rôles : c’est M. Du-
gué simple laïque qui prêche, et pour auditeur
R prend son curé.
N’est-ce pas un signe des temps que de voir
les ouailles obligées de rappeler à la modération
les prêtres, qui devraient leur en donner l’exern-
Plè? Le inonde renversé, quoi)
M. Dugué delà Fauconnerie est d’ailleurs suffi-
samment onctueux déjà pour un débutant. Il
pourrait, sans démériter, solliciter la permission
de se rendre à la Chambre en soutane, comme
Thiv rier en blouse.
Attendons-nous même à ce qu’emporté par sa
nouvelle vocation, il commence, au Palais-Bour-
bon, son prochain discours par ces mots : « Mes
chers frères... »
Provisoirement il se contente de crier casse-
cou aux rodomonts du cléricalisme. Un peu plus,
il résumerait sa pensée dans cette exclamation,
qui ne serait pas dépourvue de pittoresque :
— L’épiscopat, voilà l’ennemi !
Rien de plus vrai, et M. Dugué de la Faucon-
nerie met le doigt sur l’endroit sensible, quand il
montre au clergé inférieur que les fanfaronnades
de ses supérieurs sont sans gloire parce qu’elles
sont sans péril.
La séparation de l’Eglise et de l’Etat est une
Question à deux laces. Les prélats qui font les
malins ne risquent que le pain des autres.
Comme l’indique M. Dugué, « ils ne redoutent
Pas la rupture avec l’Etat, sachant bien qu’ils
Couveront toujours dans l’étendue |de leur dio-
cèse des ressources au moins équivalentes au trai-
tement qu’ils touchent aujourd'hui. »
Tout autre serait la condition des humbles cu-
rés de campagne. Ce sont eux qui, comme on dit
Vulgairement, paieraient les pots cassés.
« Comprenez-vous, dit M. Dugué, quel serait
votre sort, le jour où vous n’auriez plus rien à
attendre que des dons volontaires de vos parois-
siens, de ces paroissiens qui ne comprennent
d’autre travail que le travail des bras ? Il est vrai
hue, dans bien des cas, il y aurait le château qui,
certainement, ne vous laisserait pas mourir de
faim et vous viendrait en aide comme aux autres
pauvres de la commune. Mais cela, ce serait le
Pire sort auquel vouspuissiez être réduits. Si le
malheur voulait que vous n’eussiez plus rien à
attendre que du château, ce serait pour vous la
perte de toute indépendance, car on est naturel-
lement obligé de faire la volonté de l’homme qui
vous paye. L’Etat est loin et il no vous gène
■-♦----—
guère; le châtelain est là tout près, et le jour où
il vous fournirait vos ressources, vous seriez for-
cés de vous prêter à toutes ses exigences, à toutes
ses rancunes. »
La conclusion de tout cela, c’est que les bra-
vades des évêques, s’ils ne s’arrêtent à temps,
conduiront tout droit à une scission de l’armée
cléricale. Et quand les chefs auront été reniés
par les soldats, la débandade ne sera pas loin.
Avis aux Gouthe-Soulard et. autres provoca-
teurs. Us accusent les républicains de malmener
la religion, et eux ils se prépaient tout simple-
ment à la tuer.
Pierre Véron,
LE QUATRAIN D’HIER
La grève des cochers me vaut une trouvaille.
C’est d'avoir rencontré, contraste surprenant,
Celui qui ne fait rien à celui qui travaille
Lancer ce cri: Descends donc d’tonsiège, hé! feignant !
SIFFLET.
LES BEAUX GRIMES
Il paraît que l’an dernier comptera dans les
fastes de la criminalité.
A en croire les spécialistes du fait-divers, les
beaux assassinats y ont été particulièrement
nombreux et remarquables.
Toutefois les viols semblent avoir perdu un
peu de leur magnificence.
On a surtout violé en cachette. Péché caché est
à moitié pardonné. Les condamnations ont donc
été moitié moins importantes.
Il y a eu quelques affaires bien « parisiennes ».
On sait quels agréments ces affaires-lâ amènent
avec elles. Ce ne sont, pendant quelques jours,
qu’interviews passionnantes dont s’occupe l’uni-
vers entier.
Quarante-huit heures après un drame « bien
parisien », le télégraphe a transmis jusqu’aux
îles de la Sonde et à la Terre de Feu tous les dé-
tails concernant :
1° La maison du crime ;
2° L’auteur du crime;
3° La victime du crime;
4° Le concierge du crime... Etc., etc.
Dans les familles, au déjeuner, au üve o’eloek,
au dîner, il n’est rien de plus intéressant, après
les réflexions sur la température, que la conver-
sation sur le crime vraiment parisien.
Si l’événement avait eu lieu en province ou à
l’étranger, l’univers l’ignorerait, et d’ailleurs ne
demanderait pas à le connaître.
Un breton, un normand ou un auvergnat au-
rait beau assassiner sa famille entière, et le Con-
seil municipal de sa commune avec elle, Paris ni
le monde ne s’en inquiéteraient.
En/réalité, le crime vraiment parisien consti-
tue l’une des plus vives attractions de la vie mo-
derne, et comme l’un des bienfaits de notre civili-
sation avancée.
S’il n’apparaissait régulièrement, que devien-
draient nos gazettes de tribunaux, nos avocats,
nos présidents de cour, nos jurés, nos témoins,
tous ces acteurs ou comparses de la comédie du
Palais, aussi indispensables aux plaisirs de Paris
que toutes les autres comédies ?
Quand le bâtiment va, tout va, dit-on. A consi-
dérer le nombre de gens intéressés aux causes
célèbres, depuis les magistrats jusqu’aux gendar-
mes et aux lecteurs de journaux, il serait bien
plus juste de dire : Quand le crime va, tout va!
A ce point de vue, l’an passé emporte donc sa
bonne part de regrets.
Espérons que l’année nouvelle nous réservé son
contingent de surprises du même genre, desti-
nées à embellir l’existence un peu monotone que
nous font les symbolistes, péladanistes et autres
fumistes de cette fin de siècle cabotinesque.
Ce sera la morale de ces immoralités.
Maurice Dancourt,.
THÉÂTRES
FOLIES-BERGERE : Le Rêve d’or, ballet.
Débuts,
Très en succès, les Folies-Bergère, cette année.
Il faut reconnaître que la direction fait tout le
possible pour ne pas laisser languir un seul ins-
tant la curiosité publique. Continuellement ce
sont des attractions nouvelles.
Peu de jours après la réapparition de Douroff
avec son armée de rats savants, d’un ventriloque
désopilant, voici venir un ballet nouveau et une
demoiselle-canon.
Il me souvient d’avoir eu jadis, avec le père de
cette demoiselle, un démêlé suivi d’une expé-
rience publique, faite au jardin Mabille, qui n’a-
vait pas encore fermé boutique en ce temps-la.
II s’agissait de savoir si Holtum, le père en
question, arrêtait au passage un boulet lancé par