SOIXANTË-ÜNIEMË ANNÉE
Prix du Numéro : 25 centimes»
DIMANCHE JO JANYIEH 1892
ABONNEMENTS
PARIS
Trois mois. 18 IV.
Six mois. 36 —
Un an. 72 —
(les mandats télégraphiques ne sont pas reçus)
*"es abonnements parlent des rr et tu de chaque mois
DIRECTION
Politique, Littéraire et Artistique
iMIÜÎBli V É II 01\
K <<l :»(•!(> H p en Clieï
BUREAUX
DE la rédaction et de l’administration
Rue de la Victoire 20
ABONNEMENTS
DÉPARTEMENTS
Trois mois. 20 fr.
Six mois. 40 —
Un an. 80 —
(les mandats télégraphiques ne sont pas reçus)
L'abonnement d’un an donne droit à la prime grat uite
DIRECTION
Politique, Littéraire et Artistique
P II! BRI! VÉRON
lt ê <1 a c t e n eu Chef
ANNONCES
ADOLPHE EWIG, fermier de la publicité
92, Rue Richelieu
BULLETIN POLITIQUE
Ce n’est qu’une incartade personnelle, mais
elle a son petit intérêt, comme symptôme des
arrogances cléricales qui vont toujours s’accen-
tuant.
On plaidait, l’autre jour, je ne sais plus quel
procès en divorce devant le tribunal civil d’Al-
ger.
A un moment donné, l’avocat prononça ces
mots :
« M. l’archevêque d’Alger... »
Aussitôt, sursaut du président qui coupe la pa-
role à l’orateur par un : « Dites monseigneur ! »
L’avocat entreprend de démontrer qu’il est
^ans son droit. Nouvelle intervention présiden-
tielle, terminée par cette déclaration cassante :
— Je ne vous laisserai pas dire autrement.
H paraît que l’avocat eut la faiblesse de céder.
H eut grand tort, car le président, lui, excédait
absolument son droit, ainsi qu’il aurait été facile
et intéressant de le faire constater en déférant ce
Magistrat à ses supérieurs.
Ce président, qu’emporte la fougue cléricale,
méritait une leçon.
Nous n’en sommes plus au temps où le bon
Plaisir du trône, complice de l’autel, contraignait
à ces servilités de langage. Récemment, dans le
procès Gouthe-Soulard, le prévenu fut qualifié
de Monsieur l'archevêque.
Mais puisque le haut clergé et ses ainis élèvent
des prétentions dont ils ne sentent pas le ridi-
cule, ne serait-il pas bon que la question fût tran-
chée définitivement par un débat public?
Cet acharnement à vouloir se faire donner du
Monseigneur est, d’ailleurs, une preuve ajoutée
à tant d’autres du peu de souci que prend tout
ce monde-là de l’esprit évangélique.
L’intention de celui qui fonda le christianisme
fut non seulement de chasser les marchands du
lemple, mais d’en bannir aussi les vaniteux. Au
Premier rang des vertus recommandées, il plaça
l’humilité, si nous avons bonne mémoire.
Or, rien de moins humble que la pose outre-
cuidante de ces pasteurs qui font la roue, de ces
Prélats qui prouvent leur abnégation et leur dé-
sintéressement en se cramponnant aux fanfrelu-
ches de la gloriole aussi bien qu’à leurs gros trai-
tements.
A ce point de vue, et dût-il n’avoir pas d’autre
suite pour l’instant, l’épisode d’Alger a donné un
très instructif. Il a montré un coin des dessous
catholiques.
Et, sans s’en douter, le président monsigno-
riste a rendu un service très appréciable à la
libre-pensée.
Pierre Véron
LE QUATRAIN D’HIER
On prétend que Chirac, directeur mémorable,
Au tribunal tiendra ce langage nouveau :
— Mon plaidoyer? Un vers. Mon avocat? Boileau.
Rien n'est beau que le vrai, le vrai seul est ainiable.
SIFFLET.
TORTURES ANIMALES
On sait que le Conseil municipal, qui parfois
se plaît à faire la leçon aux législateurs, vient
d’essayer de créer un véritable impôt sur les céli-
bataires en leur retirant le privilège de ne pas
payer de cote personnelle et mobilière pour un
loyer inférieur à 400 francs.
Les gens mariés seuls continueraient à être
exemptés de la cote.
— Ah 1 s’est écrié un conseiller municipal qui
ne déteste pas le calembour, les célibataires ont
horreur de la cotte à entretenir ; donnons-leur en
une à payer!
Enfin, sus aux célibataires! Tel est le cri du
jour. Nous croyons savoir qu’on prépare, à l’Hô-
tel de Ville, toute une série de supplices raffinés
destinés à réduire ces indépendants.
Citons, à titre d’échantillon, quelques-uns des
moins cruels :
« Tous les mois aura lieu, dans la bonne ville
de Paris, une procession composée exclusivement
de célibataires.
» Ceux-ci partiront de l’Hôtel de Ville pieds
nus,la corde au cou, et passeront entre deux
haies de gens mariés qui les accableront d’épi-
thètes aussi variées que malsonnantes.
» Ils se rendront ainsi processionnellement à
Montfaucon, où un gibet sera dressé.
» Et là, chaque célibataire sera condamné à
être pendu au cou d’une jolie fille à marier. »
« Toute personne qui voudra acheter un cigare
devra, préalablement, étaler son contrat de ma-
riage sous les yeux vigilants de la marchande de
tabac.
» Pour les gens mariés, un cigare coûtera deux
sous. Les célibataires le paieront 3 fr.50, et il ne
vaudra rien.»
« Chaque fois qu’un célibataire rentrera chez
lui, sa concierge devra, en quelques paroles bien
senties, lui faire honte sur sa position, lui prê-
cher la morale matrimoniale et le menacer do ne
plus tirer le cordon s’il persiste dans le célibat
• Chaque concierge moraliste touchera une in-
demnité, qui sera payée par le Conseil municipal
et perçue sur les célibataires de la façon sui-
vante :
»Les centimes additionnels, qui émaillent d’or-
dinaire à foison les cotes des simples mortel», se
changeront, pour le célibataire, en francs addi-
tionnels.
» L’impôt des portes et fenêtres des célibataires
sera centuplé. »
« Tout tailleur sera tenu de confectionner aux
célibataires leurs paletots, vestons, redingotes,
sur un modèle fourni par la municipalité.
» Il devra leur mettre dans le dos une lune pâle
en drap jaune, avec cette devise brodée autour :
j’éclaire, mais je ne chauffe pas
» Pour éviter des frais de bonne d’enfant aux
gens mariés, les célibataires seront tenus d’aller
chaque jour chercher la progéniture de leur voi-
sin pour l’emmener promener au square le plus
proche, la faire sauter à la corde et lui donner
tous soins de propreté généralement quelcon-
que. »
Le tout, sans préjudice du vœu qui vient d’être
adressé à la Chambre par voie de pétition :
« Plaise à messieurs les députés voter une loi
qui rende le mariage obligatoire. »
Les citoyens sont déjà obligés à tant de choses,
qu’une de plus ou de moins, ce n’est pas une af-
faire.
«Le célibataire arrivé à la limite du célibat to-
léré sera amené, menottes aux poignets, devant
M. le maire, qui le conjoindra séance tenante.
» Les jeunes filles désireuses de participer à ces
cérémonies devront se tenir en permanence à la
mairie de leur arrondissement. »
On voit que notre excellent Conseil municipal
ne badine pas.
Et, bien qu’il s’agisse de mariage pour les céli-
bataires, on peut dire que les malheureux ne se-
ront pas à la noce !
Jules Demolliens.
♦
POUR LE RECRUTEMENT
Une circulaire est en ce moment répandue,
dans le monde des gogos catholiques, à je ne
sais combien d’exemplaires.
C’est un monument.
Non, vous savez, ces choses-là, il faut les
■signaler, car c’est faire œuvre bonne, ou simple-
ment remplir son devoir.
Cette pièce, que me signale un aimable lecteur
du Charivari, a pour but d’assurer le recrute-
ment du clergé, compromis par les lois scélé-
rates, — chose navrante, s’il en fut jamais.
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Ce n’est qu’une incartade personnelle, mais
elle a son petit intérêt, comme symptôme des
arrogances cléricales qui vont toujours s’accen-
tuant.
On plaidait, l’autre jour, je ne sais plus quel
procès en divorce devant le tribunal civil d’Al-
ger.
A un moment donné, l’avocat prononça ces
mots :
« M. l’archevêque d’Alger... »
Aussitôt, sursaut du président qui coupe la pa-
role à l’orateur par un : « Dites monseigneur ! »
L’avocat entreprend de démontrer qu’il est
^ans son droit. Nouvelle intervention présiden-
tielle, terminée par cette déclaration cassante :
— Je ne vous laisserai pas dire autrement.
H paraît que l’avocat eut la faiblesse de céder.
H eut grand tort, car le président, lui, excédait
absolument son droit, ainsi qu’il aurait été facile
et intéressant de le faire constater en déférant ce
Magistrat à ses supérieurs.
Ce président, qu’emporte la fougue cléricale,
méritait une leçon.
Nous n’en sommes plus au temps où le bon
Plaisir du trône, complice de l’autel, contraignait
à ces servilités de langage. Récemment, dans le
procès Gouthe-Soulard, le prévenu fut qualifié
de Monsieur l'archevêque.
Mais puisque le haut clergé et ses ainis élèvent
des prétentions dont ils ne sentent pas le ridi-
cule, ne serait-il pas bon que la question fût tran-
chée définitivement par un débat public?
Cet acharnement à vouloir se faire donner du
Monseigneur est, d’ailleurs, une preuve ajoutée
à tant d’autres du peu de souci que prend tout
ce monde-là de l’esprit évangélique.
L’intention de celui qui fonda le christianisme
fut non seulement de chasser les marchands du
lemple, mais d’en bannir aussi les vaniteux. Au
Premier rang des vertus recommandées, il plaça
l’humilité, si nous avons bonne mémoire.
Or, rien de moins humble que la pose outre-
cuidante de ces pasteurs qui font la roue, de ces
Prélats qui prouvent leur abnégation et leur dé-
sintéressement en se cramponnant aux fanfrelu-
ches de la gloriole aussi bien qu’à leurs gros trai-
tements.
A ce point de vue, et dût-il n’avoir pas d’autre
suite pour l’instant, l’épisode d’Alger a donné un
très instructif. Il a montré un coin des dessous
catholiques.
Et, sans s’en douter, le président monsigno-
riste a rendu un service très appréciable à la
libre-pensée.
Pierre Véron
LE QUATRAIN D’HIER
On prétend que Chirac, directeur mémorable,
Au tribunal tiendra ce langage nouveau :
— Mon plaidoyer? Un vers. Mon avocat? Boileau.
Rien n'est beau que le vrai, le vrai seul est ainiable.
SIFFLET.
TORTURES ANIMALES
On sait que le Conseil municipal, qui parfois
se plaît à faire la leçon aux législateurs, vient
d’essayer de créer un véritable impôt sur les céli-
bataires en leur retirant le privilège de ne pas
payer de cote personnelle et mobilière pour un
loyer inférieur à 400 francs.
Les gens mariés seuls continueraient à être
exemptés de la cote.
— Ah 1 s’est écrié un conseiller municipal qui
ne déteste pas le calembour, les célibataires ont
horreur de la cotte à entretenir ; donnons-leur en
une à payer!
Enfin, sus aux célibataires! Tel est le cri du
jour. Nous croyons savoir qu’on prépare, à l’Hô-
tel de Ville, toute une série de supplices raffinés
destinés à réduire ces indépendants.
Citons, à titre d’échantillon, quelques-uns des
moins cruels :
« Tous les mois aura lieu, dans la bonne ville
de Paris, une procession composée exclusivement
de célibataires.
» Ceux-ci partiront de l’Hôtel de Ville pieds
nus,la corde au cou, et passeront entre deux
haies de gens mariés qui les accableront d’épi-
thètes aussi variées que malsonnantes.
» Ils se rendront ainsi processionnellement à
Montfaucon, où un gibet sera dressé.
» Et là, chaque célibataire sera condamné à
être pendu au cou d’une jolie fille à marier. »
« Toute personne qui voudra acheter un cigare
devra, préalablement, étaler son contrat de ma-
riage sous les yeux vigilants de la marchande de
tabac.
» Pour les gens mariés, un cigare coûtera deux
sous. Les célibataires le paieront 3 fr.50, et il ne
vaudra rien.»
« Chaque fois qu’un célibataire rentrera chez
lui, sa concierge devra, en quelques paroles bien
senties, lui faire honte sur sa position, lui prê-
cher la morale matrimoniale et le menacer do ne
plus tirer le cordon s’il persiste dans le célibat
• Chaque concierge moraliste touchera une in-
demnité, qui sera payée par le Conseil municipal
et perçue sur les célibataires de la façon sui-
vante :
»Les centimes additionnels, qui émaillent d’or-
dinaire à foison les cotes des simples mortel», se
changeront, pour le célibataire, en francs addi-
tionnels.
» L’impôt des portes et fenêtres des célibataires
sera centuplé. »
« Tout tailleur sera tenu de confectionner aux
célibataires leurs paletots, vestons, redingotes,
sur un modèle fourni par la municipalité.
» Il devra leur mettre dans le dos une lune pâle
en drap jaune, avec cette devise brodée autour :
j’éclaire, mais je ne chauffe pas
» Pour éviter des frais de bonne d’enfant aux
gens mariés, les célibataires seront tenus d’aller
chaque jour chercher la progéniture de leur voi-
sin pour l’emmener promener au square le plus
proche, la faire sauter à la corde et lui donner
tous soins de propreté généralement quelcon-
que. »
Le tout, sans préjudice du vœu qui vient d’être
adressé à la Chambre par voie de pétition :
« Plaise à messieurs les députés voter une loi
qui rende le mariage obligatoire. »
Les citoyens sont déjà obligés à tant de choses,
qu’une de plus ou de moins, ce n’est pas une af-
faire.
«Le célibataire arrivé à la limite du célibat to-
léré sera amené, menottes aux poignets, devant
M. le maire, qui le conjoindra séance tenante.
» Les jeunes filles désireuses de participer à ces
cérémonies devront se tenir en permanence à la
mairie de leur arrondissement. »
On voit que notre excellent Conseil municipal
ne badine pas.
Et, bien qu’il s’agisse de mariage pour les céli-
bataires, on peut dire que les malheureux ne se-
ront pas à la noce !
Jules Demolliens.
♦
POUR LE RECRUTEMENT
Une circulaire est en ce moment répandue,
dans le monde des gogos catholiques, à je ne
sais combien d’exemplaires.
C’est un monument.
Non, vous savez, ces choses-là, il faut les
■signaler, car c’est faire œuvre bonne, ou simple-
ment remplir son devoir.
Cette pièce, que me signale un aimable lecteur
du Charivari, a pour but d’assurer le recrute-
ment du clergé, compromis par les lois scélé-
rates, — chose navrante, s’il en fut jamais.