SOIXANTE-UNIEME ANNÉE
Prix du Numéro : SS oenümes
MARDI 26 JANVIER 1892
ABONNEMENTS
PARIS
Trois mois. 18 fr.
Six mois. 36 —
Un an. 72 —
(les mandats télégkapuiques ne sont pas reçus)
Les abonnements partent des i°r et r<S de chaque mois
DIRECTION
Politique, Littéraire et AupÉBâ^fîiêP
PlEllllË VÉUOA
Rédacteur en C|ÿf
BUREAUX
DE LA RÉDACTION ET DE L’ADHJNISTiSî'FION
Rue de la Victoire, 20
ABONNEMENTS
DÉPARTEMENTS
Trois mois. 20 fr.
Six mois. 40 —
Un an. 80 —
(les Mandats télégraphiques ne sont pas reçus)
L’abonnement d’un an donne droit à la prime gratuite
DIRECTION
Politique, Littéraire et Artistique
PIERRE VÉRON
Rédacteur en Chef
ANNONCES
ADOLPHE EWIG, fermier de la publicité
92, Rue Richelieu
Les souscripteurs dont l’abonnement ex-
pire le 31 Janvier sont priés de le re-
nouveler immédiatement s’ils ne veulent
pas éprouver d’interruption dans l’envoi du
journal. Nous rappelons à nos abonnés que
les mandats télégraphiques ne sont pas reçus.
BULLETIN POLITIQUE
A la bonne heure 1 Le patatras a été cette fois
bien complet, et les Cinq de l’obscurantisme,
s’ils veulent couler le catholicisme à fond, peu-
vent se vanter d’avoir mis dans le mille.
Leur langage est venu prouver à ceux qui
pouvaient ou qui voulaient se leurrer que le
fanatisme n’a rien appris ni rien oublié.
Quand on pense que les Débats eux-mêmes,
les Débats encapucinés depuis un certain temps,
sont forcés de laisser échapper cet aveu :
« Que faut-il voir dans les atteintes plus ou
moins graves qui, disent-ils, ont été portées à la
liberté religieuse, sinon les coups et blessures
que l’Église a reçus, en effet, dans les luttes poli-
tiques où elle a eu le très grand tort de se
mêler? »
Quand on pense que le Temps, dont la modé-
ration a si souvent ressemblé â de la complai-
sance, a été obligé de gémir :
« Ce document, dont la publication, à l’heure
où nous sommes, soulève les problèmes les plus
délicats, constitue un véritable réquisitoire, non
-pas contre la République seulenmpt, mais contre
tout le mouvement philosophique, social et poli-
tique au dix-neuvième siècle. »
Pour ce qui est des journaux résolument répu-
blicains, ils ont relevé comme il «oavenait cette
provocation qui a pris hypoorttesftvent l’air d’une
adhésion à la République.
Ceux qui veulent affranchir définitivement
l’Etat de la tutelle ecclésiastique ne peuvent que
se réjouir, ils n’auraient pas dicté à messieurs les
cardinaux un document qui fût plus compromet-
tant pour eux, plus utile à la cause de la sépara-
tion.
Si l’on résume, en effet, les récriminations de
ces sectaires d’allure pateline, si l’on extrait le
suc de leur manifeste, qui simule des propositions
de paix en faisant une déclaration de guerre, on
y voit qu’ils renient et désavouent l’une après
l’autre toutes les conquêtes de la Révolution
française. Toutes!
La Justice a pris soin de dresser le relevé de
leurs doléances et revendications :
Ils flétrissent tout ce qui a émancipé la cons-
cience humaine.
-^---
Que déplorent-ils, en effet?
1° L’absence du nom de Dieu dans la Constitu-
tion, la suppression des , publiques et des
messes du Saint-Esprit et ; dérogation de la loi
sur le repos dominical; 3° l’interdiction aux sol-
dats de faire des manifestations ugiouse
3° l’égalité des citoyens devant la i >i*t et la ii
berté des funérailles; 4°.1‘ elica.tion - articî
organiques du Concorda* et la supp ession i -
traitement des prêtres; 5° l’application !es loi;
de la monarchie sur les congrégations et le paie-
ment du droit d’accroissement par les a-socia-
tions religieuses; 6° l’exclusion de renseigne-
ment religieux des examens de l’Etat, la gratuit é
l’obligation et la laïcité de l’instruction publique
la neutralité de l’école et les programmes de l’en-
seignement secondaire et supérieur; 7° l’obliga-
tion du service militaire pota ies séminaristes,
et la suppression do l’aumônerie dans les caser-
nes; 8°la disparition des bourses des séminaires;
9° le divorce introduit dans une législation « qui
méconnaissait déjà le caractère sacré du ma-
riage! » traduisez : le mariage civil; 10° l’exclu-
sion du clergé des bureaux de bienfaisance et des
commissions hospitalières.
Donc, pour satisfaire ceux qui viennent nous
proposer une alliance révoltante, il faudrait :
Rétablir la religion d’Etat et, par conséquent,
la suprématie du prêtre catholique;
Rétablir les processions obligatoires avec con-
cours de l’armée;
Rétablir les billets de confession;
Réassimiîer, comme on l’avait fait au 24 Mai,
les enterrements civils à l’enlèvement des ordu-
res;
Laisser le clergé dire et faire tout, sans avoir
le droit même de lui infliger une peine discipli-
naire ;
Rendre aux congrégations les privilèges exor-
bitants dont elles jouissaient sous l’ancien régime ;
Remettre l’enseignement national aux mains
du jésuitisme ;
Supprimer l’égalité devant la loi, en faisant du
séminaire un refuge pour ceux dont la couardise
veut se dérober à l’obligation de défendre la pa-
trie;
Abolir le divorce et déclarer que le mariage à
la mairie n’est pas valable, que seul le mariage
à l’église a force de loi.
Voilà ce qu’il faudrait pour satisfaire provi-
soirement l’intransigeance fanatique des rouges
de sacristie.
Je dis : provisoirement; car, bien entendu, ils
n’ont pas encore osé formuler d’un seul coup
toutes leurs prétentions, et ils nous en feraient
voir bien d’autres si on commençait â leur céder
sur ces points-là.
Moyennant quoi ils daigneraient” se rallier à la
République, pour mettre le grappin dessus.
A cette exquise combinaison il n’y a qu’un
inconvénient : c’est que, le jour où elle ferait
ce que ces messieurs demandent, la République
serait devenue la plus, lâche et la plus bête des
monarchies sans monarque.
Pierre Véron.
LE QUATRAIN D’HIER
Lamendin, de Baslg jugeant l’exemple bon,
Veut être député. Neuf mille!... On vit à l’aise.
Et voilà comme quoi des mines de charbon
Ou extrait aussi de la braise.
SIFFLET.
L-APLr iSFOIJ
C’est certainement lorsqu’elle met le nez dans
les affaires de la justice que la philosophie est le
plus déconcertée et ahurie. Rien dans les affaires
humaines ne renferme plus d’inexplicable et
d’incompréhensible.
Prenons un exemple : la question des enfants
torturés. ,:jtf!§l
S’il est un crime abominable, inexcusable, in-
fâme, c’est celui des parents qui abusent de leur
autorité discrétionnaire pour martyriser les
pauvres petits êtres à qui ils ont donné le jour,
comme on chante dans les romances.
Eh bien, la loi, si prodigue de rigueur en tant
d’autres cas, s’est montrée dans celui-ci piteuse-
ment indulgente. Vous pouvez, pour une escro-
querie tout ce qu’il y a de plus vulgaire, écoper
de cinq années de prison. Mais si vous pratiquez
l’assassinat à petit feu sur le fruit de vos entrail-
les, nos éminents législateurs ont estimé que cela
ne valait pas plus de deux ans.
A la fin, pourtant, on vient de s’émouvoir. On
remanie ce texte férocement anodin. On ajoutera
quelques mois de prison pour calmer la révolte
de l’opinion publique.
Mais, par exemple, on semble décidé à refuser
la garantie que l’on réclamait, quant au mode de
juridiction.
On désirait que le jury fût seul appelé à connaî-
tre de ces affaires. Quoi de plus naturel? Ce n’est
pas ici une question de jurisprudence, mais une
question de conscience et de cœur. Il était légi-
time, il était logique de vouloir faire juger par
des pères de famille honnêtes des pères de fa-
mille infâmes. Ceux-là avaient une compétence
toute spéciale pour flétrir et châtier ceux-ci.
Pas du tout. Les casuistes de la Chambre ont
imaginé des objections burlesques. Us estiment,
nous apprend-on, qu’en ces matières le jury
offre moins de garanties que la police correction-
nelle; car il est sujet â des entraînements passa-
gers, susceptible d’être influencé par des inci-
dents d’audience, et pourrait, dans certains cas.
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pire le 31 Janvier sont priés de le re-
nouveler immédiatement s’ils ne veulent
pas éprouver d’interruption dans l’envoi du
journal. Nous rappelons à nos abonnés que
les mandats télégraphiques ne sont pas reçus.
BULLETIN POLITIQUE
A la bonne heure 1 Le patatras a été cette fois
bien complet, et les Cinq de l’obscurantisme,
s’ils veulent couler le catholicisme à fond, peu-
vent se vanter d’avoir mis dans le mille.
Leur langage est venu prouver à ceux qui
pouvaient ou qui voulaient se leurrer que le
fanatisme n’a rien appris ni rien oublié.
Quand on pense que les Débats eux-mêmes,
les Débats encapucinés depuis un certain temps,
sont forcés de laisser échapper cet aveu :
« Que faut-il voir dans les atteintes plus ou
moins graves qui, disent-ils, ont été portées à la
liberté religieuse, sinon les coups et blessures
que l’Église a reçus, en effet, dans les luttes poli-
tiques où elle a eu le très grand tort de se
mêler? »
Quand on pense que le Temps, dont la modé-
ration a si souvent ressemblé â de la complai-
sance, a été obligé de gémir :
« Ce document, dont la publication, à l’heure
où nous sommes, soulève les problèmes les plus
délicats, constitue un véritable réquisitoire, non
-pas contre la République seulenmpt, mais contre
tout le mouvement philosophique, social et poli-
tique au dix-neuvième siècle. »
Pour ce qui est des journaux résolument répu-
blicains, ils ont relevé comme il «oavenait cette
provocation qui a pris hypoorttesftvent l’air d’une
adhésion à la République.
Ceux qui veulent affranchir définitivement
l’Etat de la tutelle ecclésiastique ne peuvent que
se réjouir, ils n’auraient pas dicté à messieurs les
cardinaux un document qui fût plus compromet-
tant pour eux, plus utile à la cause de la sépara-
tion.
Si l’on résume, en effet, les récriminations de
ces sectaires d’allure pateline, si l’on extrait le
suc de leur manifeste, qui simule des propositions
de paix en faisant une déclaration de guerre, on
y voit qu’ils renient et désavouent l’une après
l’autre toutes les conquêtes de la Révolution
française. Toutes!
La Justice a pris soin de dresser le relevé de
leurs doléances et revendications :
Ils flétrissent tout ce qui a émancipé la cons-
cience humaine.
-^---
Que déplorent-ils, en effet?
1° L’absence du nom de Dieu dans la Constitu-
tion, la suppression des , publiques et des
messes du Saint-Esprit et ; dérogation de la loi
sur le repos dominical; 3° l’interdiction aux sol-
dats de faire des manifestations ugiouse
3° l’égalité des citoyens devant la i >i*t et la ii
berté des funérailles; 4°.1‘ elica.tion - articî
organiques du Concorda* et la supp ession i -
traitement des prêtres; 5° l’application !es loi;
de la monarchie sur les congrégations et le paie-
ment du droit d’accroissement par les a-socia-
tions religieuses; 6° l’exclusion de renseigne-
ment religieux des examens de l’Etat, la gratuit é
l’obligation et la laïcité de l’instruction publique
la neutralité de l’école et les programmes de l’en-
seignement secondaire et supérieur; 7° l’obliga-
tion du service militaire pota ies séminaristes,
et la suppression do l’aumônerie dans les caser-
nes; 8°la disparition des bourses des séminaires;
9° le divorce introduit dans une législation « qui
méconnaissait déjà le caractère sacré du ma-
riage! » traduisez : le mariage civil; 10° l’exclu-
sion du clergé des bureaux de bienfaisance et des
commissions hospitalières.
Donc, pour satisfaire ceux qui viennent nous
proposer une alliance révoltante, il faudrait :
Rétablir la religion d’Etat et, par conséquent,
la suprématie du prêtre catholique;
Rétablir les processions obligatoires avec con-
cours de l’armée;
Rétablir les billets de confession;
Réassimiîer, comme on l’avait fait au 24 Mai,
les enterrements civils à l’enlèvement des ordu-
res;
Laisser le clergé dire et faire tout, sans avoir
le droit même de lui infliger une peine discipli-
naire ;
Rendre aux congrégations les privilèges exor-
bitants dont elles jouissaient sous l’ancien régime ;
Remettre l’enseignement national aux mains
du jésuitisme ;
Supprimer l’égalité devant la loi, en faisant du
séminaire un refuge pour ceux dont la couardise
veut se dérober à l’obligation de défendre la pa-
trie;
Abolir le divorce et déclarer que le mariage à
la mairie n’est pas valable, que seul le mariage
à l’église a force de loi.
Voilà ce qu’il faudrait pour satisfaire provi-
soirement l’intransigeance fanatique des rouges
de sacristie.
Je dis : provisoirement; car, bien entendu, ils
n’ont pas encore osé formuler d’un seul coup
toutes leurs prétentions, et ils nous en feraient
voir bien d’autres si on commençait â leur céder
sur ces points-là.
Moyennant quoi ils daigneraient” se rallier à la
République, pour mettre le grappin dessus.
A cette exquise combinaison il n’y a qu’un
inconvénient : c’est que, le jour où elle ferait
ce que ces messieurs demandent, la République
serait devenue la plus, lâche et la plus bête des
monarchies sans monarque.
Pierre Véron.
LE QUATRAIN D’HIER
Lamendin, de Baslg jugeant l’exemple bon,
Veut être député. Neuf mille!... On vit à l’aise.
Et voilà comme quoi des mines de charbon
Ou extrait aussi de la braise.
SIFFLET.
L-APLr iSFOIJ
C’est certainement lorsqu’elle met le nez dans
les affaires de la justice que la philosophie est le
plus déconcertée et ahurie. Rien dans les affaires
humaines ne renferme plus d’inexplicable et
d’incompréhensible.
Prenons un exemple : la question des enfants
torturés. ,:jtf!§l
S’il est un crime abominable, inexcusable, in-
fâme, c’est celui des parents qui abusent de leur
autorité discrétionnaire pour martyriser les
pauvres petits êtres à qui ils ont donné le jour,
comme on chante dans les romances.
Eh bien, la loi, si prodigue de rigueur en tant
d’autres cas, s’est montrée dans celui-ci piteuse-
ment indulgente. Vous pouvez, pour une escro-
querie tout ce qu’il y a de plus vulgaire, écoper
de cinq années de prison. Mais si vous pratiquez
l’assassinat à petit feu sur le fruit de vos entrail-
les, nos éminents législateurs ont estimé que cela
ne valait pas plus de deux ans.
A la fin, pourtant, on vient de s’émouvoir. On
remanie ce texte férocement anodin. On ajoutera
quelques mois de prison pour calmer la révolte
de l’opinion publique.
Mais, par exemple, on semble décidé à refuser
la garantie que l’on réclamait, quant au mode de
juridiction.
On désirait que le jury fût seul appelé à connaî-
tre de ces affaires. Quoi de plus naturel? Ce n’est
pas ici une question de jurisprudence, mais une
question de conscience et de cœur. Il était légi-
time, il était logique de vouloir faire juger par
des pères de famille honnêtes des pères de fa-
mille infâmes. Ceux-là avaient une compétence
toute spéciale pour flétrir et châtier ceux-ci.
Pas du tout. Les casuistes de la Chambre ont
imaginé des objections burlesques. Us estiment,
nous apprend-on, qu’en ces matières le jury
offre moins de garanties que la police correction-
nelle; car il est sujet â des entraînements passa-
gers, susceptible d’être influencé par des inci-
dents d’audience, et pourrait, dans certains cas.