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Le charivari — 61.1892

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https://doi.org/10.11588/diglit.23886#0387
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PAYSANNERIES

69

—- C’est-i’ point la Piarre qui sort si matin d’chez maît’ Ourson? •

— Parguienne si! Son homme doit dTargenl à Ourson; il s’acquitte comme ça.

ARRÊTEZ MATHIEU !

Rencontré hier soir, sur le boulevard, mon ami
Georges, gardénia à la boutonnière, l’air extrême-
ment folichon. Mon ami Georges semblait très
pressé

— Où vas-tu si vite? lui dis-je.

— Bonsoir, bonsoir, fit-il sans ralentir sa marche.
Je vais arrêter Mathieu.

Mon ami Georges fila comme un zèbre.

Plus loin, je croise mon ami Paul.

Même allure guillerette, même air folichon, mémo
réponse :

— Je vais arrêter Mathieu.

Et successivement défilent, au hasard des rencon-
tres, mon ami Louis, mon ami Alfred, etc.

Tous ils allaient arrêter Mathieu I

Cette réponse stéréotypée m’intrigua. Un moment,
je crus à une scie. Mais non! Une scie implique
l’idée d’un complot ourdi d’avance, et tous ces gail-
lards-là ne se connaissent pas. Il n’y a même rien

de commun entre eux, sauf un point... C’est qu’ils sont
tous mariés.

Je renonçai à comprendre, et, comme je passais
dcvantla rue du Helder, je montai pour dire bonsoir
à mon ami Jean.

Sa femme était seule.

— Jean, me dit-elle, mais il est sorti... Il espère
que, ce soir, il pourra arrêter Mathieu.

Quoi ! lui aussi ?

— Figurez-vous, me dit Mme Jean, que depuis
l’arrestation de Ravachol par l’intermédiaire de
Lhérot, mon mari n’est plus le même... «En somme,
dit-il, je ne suis pas plus bête qu’un garçon de res-
taurant ! » Alors il s’est mis dans la tète de livrer à
la police l’anarchiste Mathieu... Vous savez, sans
doute, que ce Mathieu se cache sous un déguise-
ment de femme?

— Je l’ai entendu dire.

— Eh bien, mon mari, dès la nuit venue, se mot en
campagne. Toutes les femmes dont la démarche, le
maintien lui semblent suspects, il les file et n’aban-
donne la piste que lorsqu'il s’est, rendu compte
quelles ne sont pas un homme déguisé.

— Hum! fis-je en toussant, ça peut mener loin.

— Je crois bien, répliqua la jeune femme, ça le
mène jusqu’au matin. Quelquefois, il ne revient
qu’au petit jour, rompu, harassé, épuisé... Ainsi,
avant-hier, à huit heures du matin il n’était pas en-
core rentré... Vous pensez bien que je ne lui laisse
pas faire un métier aussi dangereux sans veiller à

sa sûreté... Je l’avais fait filer, car j’ai ma petite po-
lice, moi aussi, ajouta-t-elle finement. Je savais qu’il
était entré à minuit clans un hôtel de la rue Cadet,
avec une femme qu’il avait trouvée aux Folies-Ber-
gère... Evidemment, ça ne pouvait être que Ma-
thieu... Pourvu que cet odieux anarchiste n’ait pas
assassiné mon mari !... Au comble do l'inquiétude,
je cours chez le commissaire do police. Le magis-
trat m’accompagne jusqu’à l’hôtel. « Au nom de la
loi, ouvrez!» On ouvre... Et je trouve mon mari
dans la société d'une jeune personne à cheveux jau-
nes. » Hélas! ma chère femme, me dit-il, j’ai encore
suivi une fausse piste!... J’ai maintenant la certitude
que ce n’est pas Mathieu! »

Je me mordis les lèvres jusqu’au sang, parce que
j’avais une terrible envie do rire.

Et en regardant la petite Mme Jean, si jolie avec
ses frisons blonds, cette phrase m'échappa :

— Dites donc, madame, si nous essayions, nous
aussi, d’arrêter Mathieu ?

O candeur! Elle n’a pas compris. Et je suis telle-
ment vertueux que je n’osai pas insister.

C’est égal! Maintenant, quand un de mes amis, en
puissance d’épouse, me dira hypocritement : « Je
vais arrêter Mathieu! » je saurai ce que ça veut
dire.

Michel Tiiivars.
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